La boîte à outils du Management transversal
Chapitre III : Influencer sans lien hiérarchique
Fiche 01 : La grille des 7 mondes
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- Publié le 1 déc. 2017
La boîte à outils du Management transversal
8 chapitres / 58 fichesEntrer plus facilement dans le monde de l'autre
En résumé
Dans leur ouvrage De la justification, les économies de la grandeur, les sociologues Luc Boltanski et Laurent Thévenot ont mis en évidence 7 mondes différents auxquels se réfère un individu pour justifier sa conduite et ses choix selon le contexte dans lequel il se trouve.
L'outil La grille des 7 mondes permet au manager transversal de détecter l'univers des différentes entités dans lesquelles il est amené à intervenir, d'y entrer en se faisant comprendre plus facilement et en argumentant de manière adaptée à chaque monde pour mieux convaincre ses interlocuteurs.
Pourquoi l'utiliser ?
Objectif
Adapter son argumentation au cadre de référence de ses différents interlocuteurs.
Contexte
Les sollicitations des acteurs des différentes entités et de différentes expertises impliqués dans la mission transversale.
Comment l'utiliser ?
Étapes
- Identifier de quel(s) monde(s) se réclame le manager transversal lui-même (son entreprise, sa direction) et quelle perception négative ses interlocuteurs pourraient avoir de lui.
- Détecter le(s) monde(s) de son interlocuteur en prêtant attention aux mots-clés employés (verbal) ainsi qu'à la façon d'en parler (para-verbal et non verbal).
- Traduire son propre langage dans des termes compréhensibles par son interlocuteur.
- Argumenter avec les bons mots en utilisant les références qui créent la relation.
Méthodologie et conseils
Dans le monde de l'inspiration, l'essentiel est de montrer que l'on a des capacités créatrices voire novatrices. Dans cet univers, on déteste la routine et les procédures qui empêchent de travailler. En contrepartie, le prix à payer pour se faire accepter est le risque (pas de traces, pas de procédures...). C'est le domaine des arts, de la conception de produits matériels ou immatériels.
Dans le monde domestique, ce sont la tradition et la référence au passé qui dominent. L'importance des êtres dépend de leur position dans la lignée ou dans la ligne hiérarchique qu'il convient de respecter. On y déteste le sans gêne et ce qui est considéré comme vulgaire.
Dans le monde de l'opinion, ce qui compte est d'avoir du succès auprès du plus grand nombre, de la reconnaissance par un large auditoire. Ce qui est banal ou ce qui n'est pas valorisé est objet de dédain. Les domaines de la communication ou de la publicité procèdent de ce monde.
Dans le monde civique, l'intérêt général ou collectif l'emporte sur l'intérêt individuel. C'est typiquement l'univers des collectivités publiques dont l'action est sous-tendue par les principes d'équité et de solidarité.
Dans le monde industriel, les figures de référence sont l'efficacité, la performance technique et les possibilités de standardisation. La maîtrise des outils et les compétences professionnelles et techniques, les " pros " incarnent les valeurs de ce monde.
Dans le monde marchand, le fonctionnement se réfère aux lois du marché : être concurrentiel, capter la clientèle, réussir une affaire, obtenir le meilleur prix...
Le monde connexionniste est celui des réseaux où on entretient des liens, où on dispose d'un vaste carnet d'adresses. La flexibilité, la réactivité et l'adaptabilité en sont les caractéristiques.
- L'outil La grille des 7 mondes permet au manager transversal de s'adapter aux différents contextes dans lesquels il intervient pour mieux convaincre.
- Ne pas cataloguer ses interlocuteurs dans un seul monde et de manière définitive pour éviter les comportements stéréotypés liés à des représentations erronées.
- Veiller à ouvrir la porte des différents mondes de chacun en tenant à distance ses préjugés.
Comment être plus efficace ?
Comment trouver l'argument qui fait mouche en fonction du monde de son interlocuteur ?
Pour le manager transversal, influencer de manière efficace consiste à utiliser des arguments auxquels ses interlocuteurs sont sensibles dans leur monde et d'éviter ceux qui renvoient à ce qui est considéré comme médiocre ou indigne d'intérêt.
Par exemple, une entreprise familiale du secteur cosmétique se réfère aux codes du monde domestique (ce qui est compte c'est la tradition, la lignée) et à ceux du monde marchand (ce qui est important ce sont les affaires, les bénéfices) mais aussi à ceux du monde industriel (ce qui est supérieur c'est la performance, l'innovation).
Autre exemple : une jeune start-up dans l'univers de la vente en ligne va juger que ce qui compte c'est d'associer et faire bénéficier le plus grand nombre d'internautes à ses services. Elle se rattache aux codes du monde connexionniste et aussi à ceux du monde marchand. Ce qu'elle jugera comme indigne d'intérêt sont toutes les références à l'immobilisme ou à l'absence de flexibilité.
- Dans le monde de l'inspiration
Arguments à utiliser : l'originalité, la nouveauté, l'expérimentation, la solution à co-construire, la créativité. Ce qui est spontané et insolite.
À éviter : le caractère banal et éprouvé.
- Dans le monde domestique
Arguments à utiliser : le respect des coutumes, des traditions, des codes en vigueur, de l'organigramme officiel, la hiérarchie, ce qui a valeur d'exemple, le caractère officiel.
À éviter : le non-respect des procédures, des normes, la sollicitation des réseaux informels.
- Dans le monde de l'opinion
Arguments à utiliser : l'image de marque, la notoriété, la célébrité, la reconnaissance interne et externe, la mise en avant, la communication.
À éviter : le caractère commun, banal. La discrétion, l'anonymat.
- Dans le monde civique
Arguments à utiliser : le bien collectif, l'intérêt général, la prise en compte de la dimension humaine, sociale. L'acceptabilité, l'adhésion des personnes concernées, la généralisation à tous, ce qui est réglementaire et s'impose par les textes de lois.
À éviter : la spécificité, les arrangements, l'individualisation.
- Dans le monde marchand
Arguments à utiliser : la différenciation par rapport aux concurrents, la valeur marchande, les apports de valeur ajoutée (CA, marge, profits), le rapport qualité/prix, l'opportunité à saisir.
À éviter : les solutions onéreuses, floues, non quantifiées, non chiffrées.
- Dans le monde industriel
Arguments à utiliser : l'efficacité, la technicité, la performance fonctionnelle, la productivité, la faisabilité, la possibilité de standardisation.
À éviter : ce qui est non reproductible, pas fiable.
- Dans le monde connexionniste
Arguments à utiliser : la mise en réseau, en relation, la possibilité de participer, l'appel à des technologies de l'information et de la communication.
À éviter : ce qui traduit un certain immobilisme et une absence de flexibilité, la hiérarchie et les structures pyramidales.
Argumenter efficacement, c'est argumenter dans le monde de l'autre.
CAS : Jean ou comment convaincre un élu en parlant son langage
Jean est directeur du développement d'un groupe dans le secteur de l'environnement. Sa mission est de renforcer l'image de marque de sa société auprès des collectivités. Lors d'un cocktail, il entre en relation avec monsieur Jubert, maire-adjoint de la commune, pour lui parler des services que propose son entreprise.
Il sait que son interlocuteur risque d'avoir une vision négative de l'univers auquel il appartient (monde marchand et industriel).
Il l'écoute et est très attentif aux sujets et aux mots que le maire-adjoint emploie et à la façon dont il en parle : il évoque avec enthousiasme un futur programme de logements.
Jean traduit en termes concrets et adaptés le service innovant qu'il veut vendre en mettant en avant ce que ce service pourra apporter à la notoriété de la commune et ses élus. Il se réfère au monde de l'opinion et au monde civique et se donne ainsi plus de chances de convaincre son interlocuteur.