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La boîte à outils du Design management
Chapitre II : Communiquer avec les acteurs du design
Fiche 03 : L'approche du design par la stratégie
- Retrouvez 5 fiches outils dans ce chapitre
- Publié le 28 nov. 2017
La boîte à outils du Design management
9 chapitres / 52 fichesUN DESIGN ORIENTÉ VERS LE MARCHÉ
En résumé
L'approche stratégique du design inscrit cette discipline créative comme une ressource à maîtriser en interne pour réussir sa stratégie de développement de nouveaux produits mais aussi vers de nouveaux marchés. Les méthodes typiques des sciences de gestion (management stratégique, marketing, finance, gestion de production...) sont alors essentielles à maîtriser pour faciliter la traduction des objectifs de la firme en un résultat original, unique et en cohérence avec la vision du dirigeant (ou du comité de direction).
Pourquoi l'utiliser ?
Objectif
Cette approche du design est portée de manière emblématique par le Design Management Institute (DMI), institution américaine valorisant le design industriel comme un moteur de la croissance des entreprises. Le design a avant tout une valeur stratégique : surpasser les concurrents, accroître son business, assurer sa pérennité dans un environnement turbulent. Le design permet la création de produits variés en tenant compte du coût, du rôle fonctionnel et des attentes de la cible (B to B et B to C). Le produit fabriqué en série est le mode de production.
Contexte
- Dans un marché saturé, en tant que moteur dans la réflexion stratégique pour se démarquer.
- En cas de diversification produits, pour assurer un développement cohérent du business (sur le plan de l'identité visuelle et formelle, par exemple).
- Si l'entreprise s'oriente vers un nouveau marché (changement du périmètre d'activité).
Comment l'utiliser ?
Etapes
Les dimensions à observer sont les suivantes :
- S'assurer que le design occupe une place majeure dans la prise de décision. Cela se traduit souvent par l'intégration du responsable du design dans le comité de direction sans être assujetti au marketing, à la R&D ou à la production notamment. Les indicateurs de scoring d'un projet prennent en compte la valeur apportée par le design.
- Dégager un centre de profit spécifique au design et lui allouer des ressources matérielles, humaines, financières, productiques.
- Recruter des personnes spécialisées en design mais (1) convaincues par la vision business et le rôle du marché, et (2) capables de dépasser une approche centrée soit sur la technologie soit sur l'art.
Méthodologie et conseils
- Prévoir des espaces de dialogue autour de la valeur du design entre les acteurs impliqués dans la prise de décision (des réunions dédiées, des lettres internes).
- Définir clairement le périmètre de l'activité originelle de la firme à travers la capacité stratégique et les facteurs clés de succès maîtrisés. Le design se basera sur ces actifs pour développer avec cohérence de nouveaux produits et/ou de nouveaux marchés.
- Cette approche favorise l'interdisciplinarité lors du processus de décision en particulier face à des choix de croissance.
- Le produit développé résulte de l'articulation de la recherche de diminution des coûts et de différenciation.
- Les tendances et les attentes du marché sont prises en compte.
- Ne pas réduire le design à une approche uniquement mercantile. La richesse du design serait alors fortement réduite.
- Le design et le marketing sont deux disciplines complémentaires et non substituables (voir le dossier 8).
- Prévoir des postes managériaux transversaux pour orchestrer les différentes disciplines à intégrer dans la prise de décision et sa mise en oeuvre.
Comment être plus efficace ?
Cas d'une approche multiple : concilier les 3 logiques en design ?
Le design est considéré différemment selon les approches fonctionnalistes, formalistes ou stratégiques. Même si elles définissent, par exemple, une vision de la cible distincte, des indicateurs différenciés de contrôle ou encore des valeurs variées, les entreprises ont à gagner à les concilier. En effet, le design est une source de créativité continue : il favorise les re-définitions des problématiques, oblige à adopter un regard oblique sur les situations, révèle des opportunités non identifiées, voire en créent de toute pièce. Se focaliser sur une seule approche peut à terme amener une routine, certes importante pour maintenir une cohérence d'ensemble, mais dommageable en cas de forte concurrence et de difficultés à se renouveler. Les trois approches permettent de nourrir un stock d'idées - même si certaines d'entre elles ne se concrétiseront jamais. Elles soutiennent le caractère singulier des entreprises tant traditionnelles que créatives.
Les questions à se poser sont, en revanche, multiples. Faut-il en concilier deux ou trois ? Lesquelles ? Est-ce qu'il est nécessaire de recruter des personnels porteurs d'une logique en particulier ? Ce manuel permet d'apporter des réponses. Par exemple, il peut être astucieux de choisir de s'inscrire dans l'une des trois logiques et de collaborer en interne avec des designers plutôt fonctionnalistes, formalistes ou stratèges, et de collaborer en externe avec une agence d'une autre approche. Cela permet de " perturber " la routine en matière de design en évitant certains conflits internes. Les enjeux dans ce cas seront sur la coordination des deux entités concernées (le département design/l'agence de design). Le dossier 4 aborde ce point.
Le choix de l'approche à adopter est, en revanche, délicat, car cela dépend de plusieurs facteurs. Parmi eux, on peut citer la culture du fondateur et des dirigeants de l'entreprise. Sans que cela soit systématiquement le cas, on observe que, lorsqu'un ingénieur crée son entreprise, il valorise une approche fonctionnaliste du design. Steve Jobs a bien illustré ce cas de figure formulant le positionnement d'Apple par un mantra " La simplicité est la sophistication suprême " proche du leitmotiv de Dieter Rams " Less but better ". Le projet de l'entreprise est également à considérer. Le secteur d'activité et les normes inhérentes orientent aussi le choix de la logique. En effet, une entreprise doit être reconnue par les acteurs comme faisant réellement partie de cet espace concurrentiel. Son choix tiendra compte de cet impératif. On imagine difficilement une entreprise des travaux publiques choisir comme approche centrale le formalisme qui valorise davantage le ludique et l'esthétisme. Ceci dit, cela peut lui permettre de se renouveler et de se démarquer des concurrents. Mais, elle prend le risque de ne pas être considérée comme légitime par les clients, les banquiers, les fournisseurs, etc.
EXEMPLE des zones de conflits
Source : Adapté de Besharov et Smith, 2014
L'adoption d'au moins deux des trois logiques, toutefois, n'est pas exempte de difficultés. Deux critères permettent d'apprécier l'intensité des conflits potentiels. Le degré de centralité indique si les différentes logiques occupent la même importance dans le processus de décision ou si l'une d'entre elles est dominante. Le degré de compatibilité souligne à quel point les logiques sont en opposition. Dans le cas du design, les logiques fonctionnalistes et formalistes sont clairement en opposition (" compatibilité faible ") ; elles ont été construites historiquement ainsi, ce qui se traduit par une vision du monde soit gouvernée par la technologie soit par l'esthétisme et l'art. La logique stratégique est davantage complémentaire aux deux autres (" compatibilité forte "), car elle créé un lien avant tout avec le marché et le développement du business.
La richesse créative obtenue par la conciliation des logiques implique alors une capacité managériale à gérer les conflits lors du processus de décision du développement d'un nouveau produit, par exemple. Le manager peut trouver pertinent de préciser pour chaque projet le degré de centralité des logiques retenues. L'absence de ce choix peut être également la traduction d'une volonté de bousculer les routines de conception et de gestion d'un projet créatif.