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La boîte à outils du Design management
Chapitre VIII : Positionner le design en marketing
Fiche 06 : Créer avec la charge émotionnelle
- Retrouvez 6 fiches outils dans ce chapitre
- Publié le 28 nov. 2017
La boîte à outils du Design management
9 chapitres / 52 fiches3 stades de relation à l'objet
En résumé
La charge émotionnelle du produit est l'ensemble des signaux psycho-physiologiques émis par le produit à destination de l'utilisateur ou du client. La perception de ces signaux permet d'accéder à la compréhension, à l'appréciation et à l'appropriation du produit par le client ou l'utilisateur. Cette charge émotionnelle s'adresse le plus souvent à notre subconscient, et à la capacité de renforcer la différentiation par l'identité de la marque. Cette pratique est familière au designer car à l'origine de la discipline elle-même. L'ancrage sur le fonctionnalisme et le formalisme permet un résultat pertinent.
Pourquoi l'utiliser ?
Objectif
Lors de la conception de la politique produit, le designer est vigilant à cet outil pour attirer, développer la confiance, créer de l'envie et de la préférence face à d'autres solutions. Cela permet de plaire, générer du plaisir à l'acquisition ou pendant l'usage du produit, mais aussi d'être résilient et de créer un souvenir de l'expérience en procurant une sensation de besoin ou de dépendance.
Contexte
- À la création du produit.
- Lorsque s'opèrent les choix de tous les éléments entrant en contact avec le client et l'utilisateur de manière physique et psychologique (concept, détails du design, matériaux, interface).
Comment l'utiliser ?
étapes
Pour accéder à la charge émotionnelle du produit, on s'appuie sur trois caractéristiques humaines : celles qui nous rendent capables de " ressentir " notre environnement et d'en éprouver des sensations, " d'apprendre " de l'expérience que l'on vit en vue de l'améliorer, et de " créer " de nouvelles situations pour évoluer. Sur la base de ces caractéristiques qui nous définissent, sont définis trois stades dans la relation à l'objet :
- La découverte : comment le produit se présente-t-il au client, s'impose-t-il à lui ? Quelle première impression dégage-t-il, est-il à son goût, comment en comprend-il le sens, les valeurs, le fonctionnement, l'usage ? C'est le jugement de la première impression.
- L'utilisation : comment la mise en relation se fait-elle ? Comment se traduit son contact physique ? À quel point les fonctionnalités sont-elles simples et intuitives ? Quel confort propose-t-il à l'usage et qu'est-ce que cet usage révèle-t-il comme sensations ? C'est la sanction de la valeur perçue.
- L'appropriation : par quel mécanisme ce produit devient " propre " au client ? Comment apprivoise-t-il la relation à entretenir avec lui ? En quoi semble-t-il fait pour le client ? Pourquoi devient-il différent des autres ? Pourquoi semble-t-il unique et nécessaire à son quotidien ? C'est la recherche d'exclusivité.
Le manager cherchera au travers des outils et des choix du design, à créer la meilleure première impression, la meilleure valeur perçue, et à développer un fort sentiment d'appartenance.
Méthodologie et conseils
- Bien connaître la cible du produit pour établir les meilleurs choix. La prise en compte des différences culturelles ou comportementales est un élément clé du déclenchement des émotions.
- Procéder à des tests consommateurs pour évaluer l'impact émotionnel du produit sur la cible. Ces tests peuvent aider à recentrer l'étude et sont d'une aide précieuse à la décision.
- Donner un pouvoir de séduction supérieur au produit lors de sa découverte...
- ... Et par opposition au moment de la décision d'achat, de rendre moins attractives les autres solutions.
- Une certaine confiance envers le designer est souhaitable dans ce domaine où l'instinct et la sensibilité dominent.
- La compétence du designer se situe précisément entre l'aspect fonctionnel et émotionnel du produit ; c'est le coeur de son métier.
Comment être plus efficace ?
Créer des fonctions chargées émotionnellement
L'émotion que génère un produit ou une fonction n'est pas une option ni quelque chose que le manager est en mesure de contrôler. Elle survient de manière inconsciente lors de la découverte, de l'utilisation. L'important est donc pour l'entreprise de maitriser l'impact de l'image et de l'usage de son produit, afin d'orienter cette émotion et de servir ses intérêts. Pour réussir, le designer fait appel à trois caractéristiques à l'origine de l'émotion (le ressenti, l'apprentissage et la créativité). Il dispose également des trois stades de relation à l'objet : la découverte, l'utilisation et l'appropriation. Il lui reste à trouver les points d'ancrage qui permettront à la fonction de donner du sens. En voici quelques-uns.
- La signification : Se connecter aux clients ou utilisateurs est une chose difficile. Ce contact ne peut exister sans la compréhension du produit, de son sens. Le designer fait appel dans sa création à des codes, des symboles visuels évocateurs d'un sens commun, d'une mémoire collective associée à un sens. Une forme ovoïde par exemple pour évoquer un fauteuil " cocooning " communiquera plus naturellement sur la notion de confort.
- La surprise : L'inattendu est créateur d'émotion. Que ce soit par la rupture ou l'anticipation des besoins, l'imprévu crée une sensation, positive ou non, qui va imprimer une émotion chez le client. Un changement brusque de style sur le produit, ou un accident sur la forme, laisse rarement indifférent. De même la présence d'une fonction nouvelle et surprenante peut instantanément changer un état d'esprit du client potentiel.
- La valorisation : La mise en avant de l'utilisateur dans le produit ou encore la personnalisation peuvent procurer une impression d'exclusivité qui flatte l'ego et appelle une réponse émotionnelle. Tous les clients ont besoin d'une considération individuelle ; la personnalisation les rend souvent sensibles aux offres commerciales (voir le cas de la Citroën C3). Le designer peut aussi mettre en avant une opinion, des valeurs sociales ou une catégorie de clients.
- La mémoire des sens : C'est probablement le moyen le plus puissant pour générer des émotions. Qu'il s'agisse de remonter le temps ou d'être transporté ailleurs, la mémoire des sens agit avec une efficacité redoutable. D'ailleurs tant de produits y font appel : la mode retro en hifi par exemple, le style vintage des habits. Il reste que cette mémoire des sens est propre à chaque client, et qu'il n'est pas toujours facile de rendre cette expérience collective : elle crée des segments distincts. Le designer cherchera donc à puiser dans des évocations générales qui joueront le rôle de " déclencheurs ".
Cette recherche d'émotions dans les produits et solutions est une arme pour le design et le marketing qui reste à la fois très efficace lorsqu'elle est maitrisée, et très difficile à manipuler pour qui cherche à plaire au plus grand nombre. Le déclenchement de l'émotion ne suffit pas toujours à déclencher l'achat, et il est soumis aux tendances et aux risques d'obsolescence.
CAS des objets " chauds " et " froids "
De nombreuses organisations prennent en exemple ou en référence des produits qui créent une valeur sensible auprès de leurs clients et elles en font leur vision. Qui ne veut pas devenir le " Apple " de son secteur ? Le produit y est pour quelque chose, l'interaction y est pour beaucoup, le modèle d'organisation encore plus. Certains produits sont de nature à favoriser cette relation émotionnelle plus que d'autres. On parle d'objets " chauds " ou d'objets " froids ". Un eBook est techniquement plus performant qu'un livre traditionnel, mais perd la sensation tactile du papier, la gestuelle associée, l'odeur dégagée à chaque page tournée, la capacité de marquer, noter, à déchirer. Le défi consiste à vraiment retrouver une humanité dans la relation, la matière, ou encore dans la gestuelle malgré les évolutions technologiques. Une fonction analogique n'entretient pas le même rapport à l'humain qu'une fonction digitale. Une matière imitée ne crée pas le même ressenti que l'originale. L'absence de lien avec le vrai engendre une relation tronquée. Le designer doit donc être en capacité d'évaluer le potentiel de la technologie à ménager la relation émotionnelle.