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La boîte à outils de la stratégie
Chapitre VI : Décision et choix stratégiques
Fiche 04 : Le modèle politique
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- Publié le 12 août 2016
La boîte à outils de la stratégie
8 chapitres / 56 fichesPour le modèle politique, l'entreprise est vue comme un ensemble de joueurs (individus ou unités) au sein d'une organisation. Ces joueurs sont dotés d'intérêts et d'objectifs propres et contrôlent différentes ressources (autorité, statut, argent, temps, hommes, idées, informations...). Les objectifs de l'entreprise ne sont pas clairs. Ils sont discutés et redéfinis à partir de l'interprétation qu'en font les acteurs. Ces jeux de pouvoir permettent aux acteurs d'atteindre de façon itérative leurs objectifs propres.
Les jeux de pouvoir
Pourquoi l'utiliser ?
Objectif
Le modèle politique propose une description réaliste du processus de décision dans les grands groupes. Le pouvoir y est exercé de façon diffuse et disputé par de multiples joueurs qui peuvent passer entre eux des accords de circonstance.
Contexte
Ce modèle prend en compte l'existence des enjeux individuels et des coalitions changeantes entre les différents acteurs. Un déséquilibre est constaté entre les joueurs, principalement par asymétrie d'information. La décision est le résultat de ce jeu politique.
Comment l'utiliser ?
Étapes
Dans le modèle politique, le processus de décision peut se décrire selon 3 phases, dont l'enchaînement montre le caractère itératif :
- Phase d'initiative : un acteur propose un projet et attend les réactions des autres unités et, éventuellement, de sa hiérarchie.
- Phase de locomotive : un acteur soutient très fortement le projet pour le faire accepter par toutes les unités de l'entreprise.
- Phase de mise à l'épreuve : un autre acteur demande un examen supplémentaire du projet, ou donne un accord ou un refus.
Suivant le niveau hiérarchique auquel appartient l'acteur, certaines phases seront plus fréquentes : la phase de mise à l'épreuve pour la direction générale de l'entreprise, les phases d'initiative et de la locomotive pour les responsables de business unit (division, filiale ou zone géographique). Le dirigeant peut aussi mettre en concurrence plusieurs responsables de divisions pour un même projet.
Méthodologie et conseils
Le sociologue Michel Crozier écrit que " le pouvoir, c'est être le plus imprévisible possible, en rendant les autres le plus prévisible possible ". Dans ce modèle, l'importance des jeux de pouvoir est primordiale. Ils se traduisent par des affrontements et des négociations entre individus et unités de l'entreprise. Le but est d'obtenir des concessions et d'arriver à des compromis. La conséquence en est que, dans ce modèle, les changements se produisent par petits pas et tâtonnements. À l'extrême, une révolution peut parfois engendrer un bouleversement des règles du jeu et une redistribution complète des cartes.
Avantages
- Le modèle politique prend en compte les enjeux individuels présents dans toutes les entreprises. La négociation est forcément présente entre unités et collaborateurs.
Précautions à prendre
- Dans l'environnement complexe de la plupart des entreprises, les 3 modèles (acteur unique, organisationnel et politique) sont souvent combinés suivant l'importance de l'enjeu et l'urgence de la situation.
Comment être plus efficace ?
Le modèle de la poubelle
Un dernier modèle, plutôt provocateur, est à signaler : le modèle de la poubelle (garbage can model), appelé aussi " fourre-tout ", " concours de circonstances " ou " auberge espagnole ".
Ce modèle considère la décision comme le produit de la rencontre fortuite, lors d'une circonstance particulière, de problèmes, de solutions et de participants plus ou moins concernés. La circonstance est une opportunité de choix (la poubelle), les décideurs y jettent, comme des détritus, des problèmes en suspens et des solutions toutes prêtes.
- Une opportunité de choix est une occasion pendant laquelle l'entreprise est censée produire des décisions (signature de contrats, réunions budgétaires, comité de planification...).
- Les problèmes sont tout ce qui implique les collaborateurs à un moment donné, à titre personnel ou professionnel.
- Les solutions sont des réponses en quête de problème : elles cherchent des questions pour pouvoir être mises en oeuvre (l'informatique, solution permanente face à de nombreux problèmes possibles).
La décision d'investir dans un nouveau progiciel de gestion intégré, comme l'ERP (enterprise resource planning), peut être la solution très coûteuse à des problèmes qui ne se posaient pas vraiment.
Opportunités, problèmes, solutions et participants constituent autant de flux qui parcourent l'entreprise et parfois se rencontrent pour engendrer une décision.
Dans le modèle de la poubelle, une décision ne s'explique que si l'on envisage l'ensemble des problèmes, solutions et participants ayant ou n'ayant pas de rapport logique ou rationnel avec cette décision (par exemple, telle décision s'explique par l'absence de tel participant).
CAS du modèle de la poubelle
Les catégories de prise de décision peuvent se définir suivant un accord ou un désaccord sur le problème à résoudre et sur la méthode à utiliser.
Le modèle de la poubelle nous explique certaines situations courantes en entreprise :
- Les décisions ne résolvant pas les problèmes visés qui réapparaissent plus tard ou ailleurs.
- L'adoption de solutions à la mode alors que la situation n'était pas problématique et que le remède s'avère parfois pire que le mal.
- La persistance de problèmes non résolus, les " serpents de mer ".
- L'incapacité d'attribuer une décision à qui que ce soit, car elle a été prise sans que personne ne l'ait vraiment voulue.
Le modèle de la poubelle diffère totalement du modèle de l'acteur unique (rationnel), mais aussi du modèle organisationnel (fondé sur l'idée de procédure pour résoudre les problèmes) et du modèle politique (où le problème et la solution sont négociés).
Ce modèle déconstruit les processus de prise de décision évoqués précédemment. Sa vision anarchique de l'entreprise met l'accent sur l'action au détriment de la décision.
Selon le modèle de la poubelle, l'entreprise n'est pas un dispositif à prendre des décisions, mais un générateur d'actions. Le dirigeant peut alors relativiser l'importance des processus de prise de décision, et les considérer d'abord comme un moyen efficace d'élaborer la stratégie.