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Gare aux dissonances culturelles !

Réaliser un mailing paneuropéen nécessite de connaître les "exceptions étrangères". Car ne croyez pas que nos voisins nous soient toujours si proches que cela en marketing direct, tant du point de vue de leur utilisation de la langue et des couleurs que de leurs habitudes. Par exemple, le Groupe SVP ne saurait annoncer en Suisse qu'il est le leader mondial du conseil par téléphone, même si cela est avéré. En effet, les Helvètes ont depuis longtemps galvaudé le terme de "conseil", qui s'est vidé de son sens, au même titre que "partenariat" et "service" en France. Et, d'autre part, les Suisses n'accordent aucune confiance au téléphone ; il ne constitue pas pour eux un outil de confidentialité. Il n'est donc pas pensable de l'utiliser pour traiter, avec des inconnus, de sujets stratégiques. Ce cas n'est pas isolé : les entreprises qui diffusent leurs opérations MD à l'international ont toutes quelques anecdotes à vous conter. En voici quelques-unes...

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1 Vous organisez un jeu-concours au Luxembourg. Votre budget, pour le premier prix, représente l'équivalent de 5 000 F. Qu'allez-vous offrir ? D'autre part, comme les Luxembourgeois parlent généralement plusieurs langues, laquelle allez-vous choisir pour rédiger votre mailing ?


REPONSE : Généralement, 5 000 F est une somme insuffisante pour motiver un Luxembourgeois. Au point que certains organisateurs n'ont jamais vu leurs gagnants venir chercher leur prix ! Si votre budget est réduit, mieux vaut offrir un objet qu'une somme en numéraire. Parcourez les rues de Luxembourg-ville pour détecter ce qui les intéresse actuellement au travers des propositions faites par les boutiques. Cette remarque est évidemment valable pour les autres pays. Pour un budget conséquent, il peut être amusant de proposer un cadeau foncier, en l'occurrence un terrain constructible, qui est le présent rituel offert à l'occasion de la première communion d'un jeune Luxembourgeois. Pour ce qui concerne la traduction de vos textes, vous ne rencontrez pas au Luxembourg le problème de forte susceptibilité liée à la langue de votre destinataire, comme on le constate en Belgique. Si vous avez une activité business to business, vous pouvez aussi bien vous exprimer en français qu'en allemand, vous serez compris d'à peu près tous les destinataires de votre action. Néanmoins, un premier pas vers la personnalisation chère au marketing direct consiste évidemment à conserver l'information sur la langue parlée par chaque individu ciblé...

2 Vous êtes vépéciste généraliste, et vous vous attaquez au marché portugais. Vous envisagez de demander à vos clientes potentielles d'aller chercher leur catalogue dans leur bureau de poste habituel, pour limiter vos frais d'acheminement. Comment les en convaincre ?


REPONSE : Très difficilement ! Car, malheureusement, vos prédécesseurs leur ont donné de mauvaises habitudes. Il vous faudra aujourd'hui leur offrir une pleine trousse de maquillage pour obtenir le résultat escompté ! De ce fait, le "ticket d'entrée" sur ce marché, pour un vépéciste, s'est considérablement alourdi, au point d'en avoir échaudé quelques-uns... momentanément !

3 Vous êtes assureur, et vous souhaitez proposer aux ressortissants des pays scandinaves une assurance complémentaire invalidité, octroyant une pension en cas d'accident entraînant une incapacité permanente. Quel pourrait en être le premier paragraphe de votre lettre ?


REPONSE : Si vous commencez votre courrier par : "Pour préserver l'équilibre budgétaire de votre foyer en toutes circonstances, s'il vous arrivait quelque chose, il vous faut une assurance adaptée à votre situation financière actuelle. C'est pour cela que nous vous proposons aujourd'hui... ", vous n'interpellerez personne. L'approche version "soft", à la française, utilisée dès que l'on parle des choses qui fâchent ou qui font peur (mort, maladies graves, argent, sexe...), n'interpelle pas les Scandinaves. A ce titre, la comparaison entre les publicités contre la vivisection en constitue un bon exemple. Ainsi, en Suède, furent publiées les véritables photos avant/après d'un singe dont les "scientifiques écrasaient la boîte crânienne pour une expérience futile. Imaginez-vous cela en France ? Rien que l'évocation de ce contenu publicitaire vous a certainement glacé le sang. Le tollé général engendré par les (faibles) durcissements successifs du ton des spots en faveur de la Sécurité Routière, ou contre le sida, en dit long sur nos pratiques en la matière... Pour reprendre notre exemple financier, un début comme celui qui suit serait beaucoup plus apte à attirer l'attention de vos cibles scandinaves : "Regardez-vous bien à gauche puis à droite puis à nouveau à gauche à chaque fois que vous traversez la rue ? Non, pas vraiment ? Vous pouvez à tout moment être fauché par une voiture. Fauché par la mort ou l'invalidité. Et c'est votre foyer, votre femme et vos enfants, qui seront fauchés financièrement. C'est pour cela que je vous propose aujourd'hui...". Evidemment, le jeu de mots réalisé avec le "fauché" est intraduisible, ce qui nous amène à la question suivante...

4 Pour la traduction de vos textes en finesse, à qui vaut-il mieux faire appel ? A un bilingue Français de langue maternelle, ou à un bilingue dont la langue étrangère est la langue maternelle ?


REPONSE : Il est vraisemblable que vous gagnerez du temps avec un bilingue dont la langue maternelle est le français car vous n'aurez pas à lui expliquer un jeu de mots comme celui réalisé avec le participe passé de "fauché" de notre question précédente. Par contre, il n'aura peut-être pas toute la finesse nécessaire pour trouver son équivalent dans la langue destinatrice. En conclusion, il est a priori préférable de devoir passer une heure de plus à expliquer en détails toutes les subtilités de votre texte en français à un traducteur qui manie depuis son enfance la langue de vos milliers de destinataires étrangers.

Xavier Lucron

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