Mailing européen : quelle organisation mettre en place ?
1 Du centralisé au 100 % local...
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En optant pour
la centralisation de ses campagnes, une entreprise se donne les moyens de
réduire ses coûts (économies d'échelle sur la conception, la fabrication...)
et, du coup, peut communiquer sur de petits marchés sur lesquels des one-shots
isolés n'auraient pas été rentables. Enfin, elle garantit la cohérence de sa
communication européenne. « En matière de centralisation, il faut distinguer
entre le siège européen d'une entreprise qui a les pleins pouvoirs en matière
d'organisation et de budget et le cas d'une filiale leader qui propose des
créations aux pays sans pouvoir de les imposer », observe Yseult Périlhou,
responsable développement international d'ETO-Basalt. Question de "culture",
comme ces entreprises américaines qui préfèrent garder la haute main sur toutes
les opérations "étrangères". Ou de possibilité technologique : la plupart des
".com" gèrent leurs campagnes d'e-mailing en centralisé. Second mode
d'organisation : le "semi-centralisé" ménage une marge d'adaptation locale aux
pays, dans la création par exemple, ou la possibilité de gérer localement des
opérations pour des objectifs spécifiques. Bull met ainsi à la disposition de
ses filiales des modèles de mailing (type dépliants) qu'elles utilisent en
fonction de leurs besoins du moment. Des adaptations sont tolérées. L'exécution
et la fabrication sont locales. Enfin, le "délocalisé" laisse les filiales
gérer leur communication, de façon parfois un peu chaotique vu du siège. Il
suppose l'existence de compétences locales dont l'autonomie peut être
"encadrée". « Celui-ci doit quand même énoncer un certain nombre de principes
pour conserver une cohérence et valider les actions locales », précise Nathalie
Bendahan, directeur conseil chez McCann Communications.
2 A quelles conditions tire-t-on profit de la centralisation ?
« Dès le
départ, le brief doit tenir compte des spécificités des positions
concurrentielles des filiales. Un concept multiculturel peut très bien
fonctionner dans tous les pays, à condition que l'opération ait été au
préalable validée localement », explique Yseult Périlhou. « Il faut juger et
optimiser au niveau local », insiste Pierre Desangles, directeur général de
Rapp & Collins Paris. D'où la nécessité de pouvoir s'appuyer sur l'expertise
d'une agence sur place. La clé d'un fonctionnement centralisé repose sur la
maîtrise des budgets (le siège annonceur affecte un pourcentage important du
budget MD des filiales pour les opérations centralisées) et un respect des
procédures. « Pour qu'elles soient respectées, mieux vaut les avoir expliquées
et non imposées autoritairement lors de visites dans les pays », suggère Joëlle
Tison, managing directing senior partner chez Ogilvy One France... Les
centralisations imposées brutalement peuvent mener à une impasse. Au milieu des
années 90, pour des motifs d'économies, ce grand nom américain de
l'informatique avait centralisé ses campagnes de MD, jusqu'alors du ressort des
filiales. Celles-ci se sont rebellées. Il a fallu démembrer les équipes MD
nationales pour imposer définitivement la nouvelle donne. Pas de compétences
sur place, plus de rébellion ! Autre défaut symétrique : une centralisation
qui n'a pas les moyens de ses ambitions. Faute d'avoir "imposé" un périmètre
commun de globalisation, certaines entreprises se retrouvent à la tête de
véritables usines à gaz. « Un système central qui gère un trop grand nombre de
différenciations locales est antiéconomique. Coordonner des multitudes de
versions d'un mailing est très complexe et revient très cher », affirme
Nathalie Bendahan. C'est la raison pour laquelle Walter Evrard, directeur
général de Meiller France, suggère que l'animation des organisations
centralisées repose sur trois personnes décisionnaires, l'une pour l'annonceur
au niveau siège, la seconde appartenant à l'agence leader, et la troisième,
responsable chez le prestataire (fabrication et routage du mailing).
3 La centralisation a-t-elle des limites ?
« Oui, il y
a toujours une déperdition dans les marchés locaux, générée par l'application
d'un plus petit dénominateur commun lors de la conception de l'opération »,
répond Pierre Désangles. Il s'agit de trouver le juste équilibre entre la
nécessité de faire des économies d'échelle en centralisant et celle de garder
une efficacité au niveau local. « A trop centraliser, on risque de
sous-exploiter les données locales », reconnaît Dominique Tilly, marketing
manager d'American Express France. « Quand on se trouve en position de
coordonner, il faut savoir défendre ses spécificités locales », reprend
Nathalie Bendahan. C'est plus facile quand on dispose des ressources
budgétaires pour adapter une création ou même "rattraper" par une autre
opération un mailing catastrophique initié par le centre. Le "soutien" ponctuel
de quelques flops initiés par le centre contribue à faire passer le message !
« Quand je suis convaincue qu'une opération globalisée ne fonctionnera pas sur
le marché français, je n'ai qu'une solution : le no-go », confie Sylvaine
Juhan, responsable du marketing direct d'IBM France. Une abstention qui
s'apparente à une rébellion dans les organisations très centralisées. Autre
effet pervers : la démotivation des équipes locales. « A chaque fois que nous
trouvons une bonne idée de campagne au niveau local, elle est reprise à
l'échelon européen. Du coup, nous sommes dépossédés du domaine en cause »,
raconte-t-elle.
4 Quelle marge de manoeuvre pour les "coordonnés" ?
« Il faut adapter localement certains éléments comme le concept
créatif et le choix des cibles et des fichiers », explique Iseult Périlhou.
Pierre Desangles ajoute : « La gestion du fichier et la détermination du prix
». Exemple : Atelier Gabrielle Seillance (VPC mode senior haut de gamme),
filiale d'un groupe allemand, sélectionne parmi les pages du catalogue de la
maison mère, les articles les moins coûteux pour pouvoir pratiquer des prix
bas, une de ses contraintes locales. « Nous pouvons adapter le data-brief en
fonction d'informations issues de campagnes locales », raconte Sylvaine Juhan.
Rédigé en anglais dans sa version d'origine, le texte du message fait également
l'objet de modifications : « nous avons la latitude de changer la hiérarchie et
le poids des arguments et le vocabulaire utilisé est en général plus sobre »,
poursuit-elle. Enfin, dernière source potentielle de modification, l'offre doit
être validée juridiquement (exemple : traduire systématiquement les mots non
techniques en français).
5 Garder le pouls du local
«
Il est vital d'avoir un conseil dans le pays dans lequel on s'implante »,
conseille Roland Kleis, directeur du développement international d'Eurodirect
Marketing. « En France, le recours à la Carte Bleue dès la commande est
majoritaire, alors qu'en Allemagne, le règlement se fait le plus souvent par
virement postal à réception du colis », illustre José Metz, gérant d'Atelier
Gabrielle Seillance. « Un vépéciste allemand qui appliquerait son usage
national en France se retrouverait vite avec des taux d'impayés de l'ordre de
30 % », estime Roland Kleis. Autre différence : outre-Rhin et au Royaume-Uni,
les enveloppes affichent la fenêtre à gauche... Une particularité locale qui
est taxée en France ! Sans compter qu'à moins de s'appeler Chanel ou Château
Margaux, un pli à look français ne peut que desservir le message adressé à des
Allemands. L'opérateur local et le destinataire ayant toutes les chances d'être
contrariés par cette mauvaise normalisation. Enfin, les clientes françaises du
vépéciste d'origine allemande apprécient les longs messages à tonalité
affective (polices rondes ou italiques), contrairement aux Hollandaises et
Allemandes qui prisent l'efficacité dans des caractères plus droits comme
l'Arial.
6 Acheminer : look local ou non ?
« Selon les
cas, un annonceur peut avoir intérêt à déposer localement dans chacun des pays,
notamment s'il souhaite que le pli porte une flamme locale. Ou, à l'inverse,
centraliser l'acheminement depuis son pays d'origine avec une flamme
internationale unique aux yeux du destinataire », déclare Gérard Clerquin,
dirigeant d'OBIMD International. Utiliser la normalisation du pays de
destination (via une injection directe type ABB) possède le double avantage de
conférer aux plis un look local (remontées plus nombreuses et rapides) et
surtout de réduire les frais postaux (tarif établi sur la base des meilleurs
tarifs commerciaux de la Poste nationale + coût de l'opérateur qui centralise
les plis dans le pays de départ). Mais suppose de maîtriser les diverses
normalisations dont le respect peut, par ailleurs, générer des surcoûts
(différents types de plis). Alors qu'une normalisation internationale simplifie
la fabrication du message. Même si cette uniformité peut faire baisser le taux
d'ouverture sur certaines cibles, en particulier en B to C. A éviter
absolument : pratiquer un envoi estampillé de la flamme d'un pays A avec
l'adresse de retour en local. L'opérateur local risque de se fâcher,
considérant que l'entreprise a détourné une partie d'un trafic lui revenant
puisque l'annonceur est implanté localement. Il est donc obligatoire, si l'on
utilise la normalisation internationale, que l'adresse de l'expéditeur soit
indiquée sur l'enveloppe. L'adresse de retour sur l'enveloppe peut être celle
de l'annonceur (son siège, l'une de ses filiales, un bureau de représentation)
ou bien celle de l'un de ses prestataires (son agence de communication, son
routeur...). Une boîte postale sera de toute façon accordée sous réserve de
disposer d'une réelle personnalité morale sur le territoire français.
7 Optimiser la gestion des retours
La gestion des
retours peut se faire de deux façons. Soit en centralisé : le flux revient vers
l'envoyeur ou à un site dédié. A cet égard, La Poste propose un service de
coupon retour prépayé valable dans le monde entier. Soit, deuxième solution, le
retour est géré dans les pays via la filiale locale ou via une boîte postale
qui peut être dépouillée sur place (adresse dynamique) ou faire office de
simple vitrine locale, avec un réacheminement vers le centre. Dans tous les
cas, la qualité de l'adresse (qualification, normalisation et déduplication)
est le facteur clé de succès. Difficile de trouver l'organisation idéale dans
ce domaine. Première solution : travailler depuis le siège avec plusieurs
prestataires de traitement des adresses localement. Les annonceurs qui s'y sont
essayés crient au casse-tête. D'un autre côté, « le problème au niveau européen
est de trouver un prestataire qui travaille de façon centralisée tout en étant
capable de fournir une normalisation de qualité dans chacun des pays
participant », observe José Metz. Certaines entreprises comme OBIMD et Meiller
se sont positionnées sur ce type d'offre.
8 Quelle Europe des fichiers ?
« Il n'est pas évident de trouver des fichiers de
qualité homogène en Europe. Il est certes possible de trouver des données
fiables en Allemagne, au Royaume-Uni et en France, encore que les critères de
qualification ne soient pas identiques », observe Walter Evrard. Mais quid de
l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce et des pays de l'Est (voir article sur les
fichiers) ? « Dans ce contexte, il peut être plus judicieux de faire une
sélection plus large, quitte à avoir un taux de déperdition un peu élevé »,
conseille Marc Hoffmeister, dirigeant de Class Export. « En B to B, les trois
critères les plus utilisés sont l'activité - code SIC -, la localisation
géographique et la taille de l'entreprise, une donnée plus accessible que le
chiffre d'affaires en Europe », estime Jean-Baptiste Sassolas, responsable de
l'activité business marketing service chez Dun and Bradstreet. Une sélection de
qualité s'établit progressivement : une première phase permet de faire une
analyse quantitative (nombre d'entreprises du code SIC recherché par pays) ;
puis on affine la cible selon des critères de taille ou par sous région, voire
si l'information est disponible, en resserrant le ciblage sur des types de
produits.