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Quel avenir pour la TV segmentée ?

À l'heure où la CTV est sur toutes les lèvres et dans toutes les CGV des principales régies TV, où en est-on du développement de la télévision segmentée ? Innovation phare et tant attendue, elle semble toutefois moins mise en avant cette année... Signe de son adoption ?

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Quel avenir pour la TV segmentée ?
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Fantasmée pendant des décennies par les professionnels du secteur, la télévision segmentée serait-elle passée de mode ? Révolution initiée en 2020, la possibilité d'adresser des publicités différentes selon les segments d'audiences visés en télévision linéaire avait fait l'objet d'expérimentations et autres ajustements jusqu'en 2023, année de son industrialisation : 7,1 millions de foyers étaient alors éligibles, nombre suffisant pour pousser plus de 1 100 annonceurs à diffuser plus de 1 600 campagnes "segmentées". Deux chiffres en hausse de 46 % par rapport à 2022. Par ailleurs, 1,4 milliard de substitutions de spots TV était réalisé l'an passé, soit 75 % de plus qu'un an auparavant.

Un essor offrant de belles perspectives pour 2024... Sauf que le sujet a été éclipsé cette année par la CTV (TV connectée), incontournable dans les CGV 2025 des principales régies TV du marché, là où la télévision segmentée n'occupe plus qu'une place souvent anecdotique. "La télévision segmentée était une innovation il y a trois ans et elle s'est depuis totalement imposée comme l'un des leviers permettant de cibler ses campagnes. Depuis septembre 2023, le chiffre d'affaires réalisé par la régie sur ces offres a doublé, ce qui montre cette dynamique. Mais en effet, c'est un levier d'adressabilité parmi d'autres, avec la SVoD, l'AVoD et toutes les innovations relatives à la CTV. L'actualité a été riche en la matière cette année", indique Emmanuelle Godard, directrice digital, data et innovation de Canal+ Brand Solutions, en référence aux lancements des offres publicitaires de Netflix et de Prime Video, et à ceux des plateformes streaming de TF1 et M6.

Sans oublier le développement des chaînes numériques gratuites Fast, directement diffusées sur les télévisions connectées ou les box des opérateurs. "En tant que buzzword, la CTV occupe plus nos actions de communication que la télévision segmentée", admet Raphaël Porte, directeur de RMC BFM Ads, régie d'Altice Media qui a lancé, il y a quelques semaines, la chaîne BFM2. Il apporte toutefois une nuance sémantique : "Selon moi, ces deux termes désignent des sujets similaires. Quand on pense CTV, on pense souvent aux Smart TV et aux apps installées dessus comme Netflix, alors qu'en réalité, le terme fait simplement référence à la télévision avec voie de retour, qui permet d'adresser des publicités et de mesurer leur efficacité. Il y a donc la CTV OTT, avec entre autres les Smart TV, et la CTV FAI, qui passe par les box des opérateurs. La télévision segmentée désigne cette seconde catégorie."

Une hausse de 40 % des impressions délivrées

Une seconde catégorie qui dispose de nombreux atouts pour se distinguer, mais qui ne doit pas être appréhendée seule, selon Laurent Bliaut, directeur général adjoint marketing et R&D de TF1 Publicité : "La télévision segmentée est un asset à part entière, dont l'intérêt repose sur la puissance de la télévision linéaire, qui peut délivrer des centaines de milliers d'impressions de manière simultanée. Mais en matière d'adressabilité, elle doit en effet être pensée comme une composante d'un tout, qui repose également sur la plateforme TF1+. Ensemble, elles ont un reach adressable mensuel de 50 millions de personnes, là où le parc adressable de la télévision segmentée est de 16 à 20 millions d'individus."

Or, le reach est le nerf de la guerre de l'adressabilité : "Plus il est important, plus vous pouvez réaliser des ciblages spécifiques sans prendre le risque de ne toucher que quelques centaines de milliers de personnes. Vous aurez un bon ROI, mais ­l'impact sur vos ventes sera limité." De ce point de vue, l'augmentation du parc adressable de la TV segmentée et les négociations commerciales entre Free et les autres régies seront encore une fois au coeur des enjeux pour 2025. "Pour un annonceur, il est préférable de pouvoir adresser 100 % des parts d'audiences TV", juge Laurent Bliaut, qui se félicite toutefois de la progression affichée par la télévision segmentée au premier semestre 2024 : "La croissance de la télévision segmentée connaît toujours une dynamique forte, avec 40 % de hausse des impressions délivrées par rapport à 2023."

9,3 millions de foyers éligibles fin 2024

La télévision segmentée est donc toujours bien en croissance, quand bien même les régies communiquent moins cette année sur le nombre de campagnes et d'annon­ceurs, ou encore la typologie des ciblages utilisés. Après avoir réalisé la synthèse des chiffres de 2023, le SNPTV s'est contenté en septembre 2024 de faire le point avec l'AF2M sur l'évolution du parc adressable. Ce dernier devrait augmenter cette année de près de 31 %, passant de 7,1 millions de foyers éligibles à 9,3 millions, soit 36 % des foyers français. L'an prochain, le cap des 10 millions de foyers devrait être passé, selon l'issue des négociations avec Free.

Grâce à la télévision segmentée, la marque de crèmes glacées a pu cibler, via TF1, les acheteurs de plus de 49 ans en Île-de-France : une population qu'elle recrute moins que ses concurrents et une zone géographique stratégique pour la marque,


Début 2024, seule M6 s'est entendue avec l'opérateur, devenant la première régie capable de monétiser l'ensemble des foyers éligibles à la télévision segmentée. "Pour nous, la télévision segmentée ne se dilue pas du tout dans le sujet CTV et reste plus que jamais un levier à part entière, qui allie le reach du linéaire et la capacité de ciblage du numérique. En 2024, nous avons non seulement renforcé notre offre en nous accordant avec Free, mais aussi en enrichissant la qualité de nos données", indique Élise Guyard, directrice programmatique, data et partenariat chez M6 Publicité. "Nous sommes les seuls à travailler avec Valiuz (alliance data des enseignes Mulliez, qui rassemble entre autres Auchan, Boulanger, Decathlon, Kiabi, Norauto et Leroy Merlin, NDLR), Infinity (Casino/Intermarché) et enfin Unlimitail (Carrefour, KingFisher France, le Groupe Galeries Lafayette, Rakuten France, Showroomprivé, ManoMano...)", ajoute-t-elle, revendiquant l'offre la plus complète en matière de retail media.

Le retail media à l'honneur

Une offre renforcée par le lancement d'une marketplace retail media dédiée à la télévision segmentée, TV Retail Connect, à l'occasion duquel M6, RMC BFM Ads et FranceTV Publicité s'associent à Unlimitail et nous gratifient au passage d'une des seules annonces clairement identifiées "télévision segmentée" des CGV 2025. "TV Retail Connect est un moyen de simplifier ­l'accès au marché de la puissance de la télé segmentée et des données qualifiées sur lesquelles reposent les ciblages. Elle offre également des services d'accom­pagnement, sur la mesure de l'efficacité notamment", explique Élise Guyard. "C'est l'offre retail media la plus puissante du marché de la télévision segmentée et de la VoD, basée sur les données des 14 millions de foyers encartés Carrefour, dont nos 3 régies sont partenaires. Cette donnée garantit la précision et l'efficacité du ciblage.

Cette offre va également permettre à nos clients de gagner considérablement en simplicité et en agilité, avec un point d'entrée commercial unique chez une des 3 régies qui se charge de coordonner la campagne, un ticket d'entrée clair et un reporting unifié dans les DSP", assure Marianne Siproudhis, la directrice générale de FranceTV Publicité. Et si l'offre a vocation à s'ouvrir aux autres régies à l'avenir, elle répond donc à deux des principaux enjeux de la télévision connectée et de la CTV : la simplification de l'achat de ces inventaires et l'amélioration des ciblages proposés grâce à la data qui, comme le reach, est l'autre volet sur lequel repose l'intérêt de ces innovations. "La capacité à activer la donnée a été une demande forte dès le départ, et c'est toujours un enjeu, y compris en CTV. Dès le début, nous avons donc cherché à proposer des segmentations à partir, par exemple, du fichier AAA Data, qui agrège les données du secteur automobile. Mais nous sommes un cas particulier, puisque nous avons moins capitalisé sur des ciblages géographiques : nous couvrons déjà la moitié des téléspectateurs français grâce à nos déclinaisons locales", rappelle Raphaël Porte.

Un levier digital comme un autre ?

Ainsi, les données comportementales et transactionnelles du retail media sont de plus en plus activées, au même titre que les fameuses segmentations socio-démo et géographiques qui ont porté la croissance de la télévision segmentée en 2022 et 2023 en permettant aux annonceurs de cibler des populations ou des zones spécifiques. L'an passé, elle a permis à Ben & Jerry's d'exposer les acheteurs de plus de 49 ans, CSP+ et résidant en Île-de-France, soit une population que la marque recrute moins que son concurrent Häagen-Dazs et une région prioritaire, notamment pour la livraison à domicile. Avec TF1 et MarketingScan, la marque a pu observer l'impact de la campagne, à l'origine d'une hausse de 6 % du nombre d'acheteurs au sein de la cible et de la zone visée.

Marque d'eau minérale patrimoniale, l'archédoise Vals a pu s'essayer à la publicité TV avec France Télévisions, en adressant les zones dans lesquelles elle est distribuée grâce aux ciblages géographiques de la TV segmentée. Résultat ? Des ventes


En 2023, 37 % des campagnes segmentées relevaient ainsi d'un ciblage exclusivement géographique. "Au premier semestre 2024, 38 % des campagnes menées sur nos chaînes en télévision segmentée provenaient d'acteurs locaux", ajoute Marianne Siproudhis, citant en exemple Vals, marque d'eau minérale originaire de l'Ardè­che, qui a bénéficié l'an passé d'un chiffre d'affai­res incrémental de 10 % grâce à une campagne locale. Après une association avec la solution Smappen en 2022, FranceTV Publicité a noué cette année un partenariat avec ShoWhere pour renforcer ses offres géolocalisées. "La télévision segmentée poursuit sa dynamique de croissance avec une hausse de 33 % des impressions diffusées sur nos chaînes au premier semestre. Désormais, nous accélérons en matière d'onboarding avec le lancement prochain de notre data clean room, qui va permettre de monter d'un cran en matière de puissance ciblée", avance Marianne Siprou­dhis, résumant ainsi le grand enjeu auquel seront confrontées les régies en 2025.

Désormais, les annonceurs pourront ainsi se rappro­cher des cas d'usages courants dans l'univers du digital, comme l'expli­que Emmanuelle Godard : "La donnée doit être liquide entre les différents environnements et il faut que nous puissions toucher en télévision segmentée ou en CTV les mêmes cibles qu'en ligne. Les dispositifs sont les mêmes, et nous faisons, par exemple, du retargeting en télévision sur des personnes exposées à des contenus sur Dailymotion ou Prisma. Ces canaux sont complémentaires et doivent être activés afin d'apporter le maximum de couverture sur cible aux annonceurs." Ainsi, loin d'être révolutionnaire ou oubliée, la télévision segmentée semble simplement tenir sa promesse, en réunissant le meilleur des deux mondes, selon la formule désormais bien établie.

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