Jacques Séguéla et Maurice Lévy : une rencontre au sommet lors du GPCE 2025
La rencontre entre Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Groupe de 1987 à 2017, et Jacques Séguéla, publicitaire iconique et cofondateur de RSCG, a donné lieu à un échange mémorable lors de la 50e édition du Grand Prix de la Communication Extérieure (GPCE). Ces deux figures incontournables de la publicité française ont partagé leur vision sur l'affichage publicitaire, les grandes campagnes qui ont marqué les consommateurs hexagonaux et l'intelligence artificielle.

Dès le début de leur conversation organisée lors du Grand Prix de la Communication Extérieure 2025, l'amitié et le respect entre les deux hommes transparaissent. Maurice Lévy, interrogé sur ce qu'il pense de Jacques Séguéla, n'hésite pas à déclarer : "Que puis-je répondre d'autre que je l'aime ? Jacques a un talent immense pour surprendre, un talent extraordinaire. Il a toujours su provoquer l'émotion et capter l'air du temps".
De son côté, Jacques Séguéla, avec son énergie habituelle du haut de ses 91 ans, regrette presque qu'ils n'aient jamais travaillé ensemble : "Mais oui, on aurait dû travailler ensemble ! On aurait été la première agence du monde. À nous deux, on aurait fait un malheur !"
Le débat s'est rapidement orienté vers l'affichage publicitaire, un médium que Jacques Séguéla considère comme l'un des plus puissants, capable d'inscrire une marque dans l'imaginaire collectif avec une seule image : "L'argent n'a pas d'idées. Seules les idées font de l'argent. Et l'affiche, c'est quoi ? C'est une idée. Une seule idée, mais une idée forte, qui doit frapper immédiatement, comme un coup de poing visuel".
Cette conviction est partagée par Maurice Lévy, qui rappelle que l'affichage impose une concision et une clarté essentielles en publicité : "Une affiche doit être au service d'un message simple et puissant. C'est là toute sa force. Aujourd'hui, dans un monde saturé d'images et d'informations, il est plus que jamais nécessaire de savoir dire les choses en une phrase, en une image".
Pour l'homme à l'origine du slogan mitterrandien "La Force tranquille", l'audace reste la clé du succès : "Un peu moins de tests, un peu plus de testicules ! La pub, c'est ça : une idée et du courage. Si une publicité est tiède, elle est morte avant même d'avoir été vue".
Les affiches cultes et leur impact sur la société
L'échange a également été l'occasion de revisiter certaines des campagnes les plus marquantes de ces dernières décennies. Maurice Lévy n'a pas caché son admiration pour les créations de Jacques Séguéla, notamment la célèbre campagne Carrefour qui promouvait les "produits libres" : "Ce que Jacques a fait avec Carrefour, ce n'était pas une campagne, c'était un fait de société. C'est quand la publicité dépasse son rôle commercial et devient un mouvement, une prise de position qui résonne avec les préoccupations du public".
Jacques Séguéla, quant à lui, a rendu hommage à un autre maître de l'image publicitaire, Jean-Paul Goude, en commentant l'une de ses affiches iconiques : "Il faut se mettre à genoux devant cette affiche ! Regardez cette beauté ! Jean-Paul Goude a ce don de rendre une image inoubliable. C'est ça, le génie d'une affiche réussie : une image qui vous hante, qui reste gravée dans votre mémoire".
L'avenir de l'affichage et de la publicité
Les deux publicitaires ont aussi partagé leur vision de l'avenir du secteur, dans un monde où les écrans dominent et où les consommateurs sont plus sollicités que jamais. Le fondateur de RSCG (renommé depuis 2012 "Havas worldwide") reste convaincu que l'affichage n'a pas dit son dernier mot : "Tant qu'il y aura des rues, il y aura des affiches. Et tant qu'il y aura des affiches, il y aura des idées folles pour les rendre inoubliables." Une affirmation qui fait écho à la vision pragmatique mais tout aussi optimiste de Maurice Lévy : "La publicité évolue, mais son essence ne change pas : il faut raconter des histoires, susciter des émotions et capter l'attention. Peu importe le support, c'est toujours la puissance de l'idée qui fait la différence".
Le sujet de l'intelligence artificielle (IA) a également émergé lors de cette conversation. "C'est un outil qui est absolument extraordinaire, un agent qui aide à stimuler l'esprit, à ouvrir, tester des choses et à créer à une vitesse grand V. Mais ça reste une dimension humaine et l'idée, qui est au coeur de tout ce que l'on fait, restera toujours humaine parce qu'il y a une chose que la machine ne donnera pas, c'est cette dimension d'émotion", prétend Maurice Levy. Le fondateur de RSCG voit aussi l'intelligence artificielle comme une alliée de la création plutôt qu'un adversaire : "Je crois que ce combat, qui m'a effrayé au départ, est un faux combat. Ça va être un outil extraordinaire. C'est un mariage, ce n'est pas du tout un combat".
Entre nostalgie des grandes campagnes du passé et excitation face aux défis du futur, cette conversation a rappelé à quel point la publicité reste un art à part entière. Et comme le dit si bien Jacques Séguéla : "Le métier des publicitaires, c'est de rendre la vie plus belle qu'elle n'est. Et on en a plus que jamais besoin !"

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