Sébastien Pialloux, Air France : "Nous mixons les données Google avec les données dures de l'entreprise"
Dans le livre "Tout savoir sur l'acquisition et la fidélisation on line", Sébastien Pialloux, manager e-acquisition d'Air France, répond aux questions d'Hervé Bloch. Il explique comment évolue son entreprise et précise les grands enjeux des années à venir.
Je m'abonneQuels sont les principaux défis marketing externes aux entreprises pour les deux à trois ans à venir ?
L'hyperpersonnalisation va faire passer du customer relationship management au cookie relationship management. Il faudra traiter l'afflux de data, que ce soit par e-mail, en retargeting ou avec les adexchanges. Un deuxième défi externe sera de construire des stratégies de social CRM autour des médias sociaux pour structurer les démarches d’acquisition et de fidélisation. Tout cela doit permettre de contrebalancer l'importance croissante du SEM dans le travel (renforcée par le Google Travel Search) en développant un lien direct entre l’internaute et notre marque.
Quels sont les défis en interne ?
Aujourd'hui, 80 % des contacts que nous avons avec nos clients (en termes de visite sur nos canaux de ventes directes) se font via le site web. La croissance du poids de l’Internet dans l’activité se répercutera donc dans l’organisation, Internet devenant un socle. La première étape consistait à recentrer l’activité Internet pour gagner en efficacité et professionnaliser les équipes, ce qui est en train d'être fait. L'étape suivante me semble être la diffusion de la culture du Web dans l'entreprise sans diluer ni l'expertise ni la capacité d'exécution.
Qu'attend le consommateur ?
Le consommateur ne veut plus être spammé ; il cherche à se protéger des intrusions de Google et Facebook dans sa vie privée. Il souhaite, en revanche, recevoir des offres toujours plus ciblées sur ses attentes. Cette personnalisation est synonyme de meilleure qualité de service... mais cela n'est possible que par la collecte d'informations. Si la législation européenne contraignant le recours aux cookies est transposée de manière trop restrictive, le consommateur n'aura plus accès à ces services hyper-personnalisés et ne va pas forcément s'en réjouir.
Cependant, vu la quantité d'informations nécessaires pour cette forte personnalisation, il est important d’instaurer des pouvoirs de contrôle et de régulation.
Comment adressez-vous le multicanal ?
Nous débutons dans ce domaine. Les équipes marketing viennent de lancer un compte en ligne "My account", qui sera le socle du multicanal. Il permettra à notre client d'être mieux reconnu, où qu’il aille et quel que soit son terminal.
Quelles tendances vous ont marqué cette année ?
Nous sommes dans cette culture de la data avec une information portée par un cookie. Je suis particulièrement attentif à ce "trading" de cookies qui apparaît dans le display. D'ailleurs, les adexchanges sont en place aux États-Unis depuis deux à trois ans et représentent un poids de plus en plus important. Tout ce qui tournera autour du cookie et de son utilisation intelligente créera de la valeur ajoutée. À ce sujet, nous attendons que le retargeting devienne plus fin, comme sur le search.
Comment vous adaptez-vous à la hausse des coûts d’acquisition ?
Nous avons rationalisé notre politique d’acquisition, ce qui nous a permis de baisser nos coûts unitaires. Comme la rentabilité est devenue particulièrement intéressante, après avoir augmenté de plus de 30 %, nous avons pu investir davantage en coût global. Ceci dit, la hausse des CPC est une réalité et rend toujours plus nécessaire de développer un CRM efficace.
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Où en êtes-vous en matière de connaissance clients, de CRM, de fidélisation ?
Air France a une très bonne connaissance de ses clients Flying Blue, mais c’est le haut de la pyramide. En lien avec les équipes marketing, en 2012, nous allons mettre en place une stratégie PRM et CRM qui aille au-delà. À plus long terme, nous l’élargirons à tous ceux qui nous laissent un cookie.
Nous comptons nous mettre au niveau des pure players du secteur, avec l’envoi d’e-mails scorés. Nous allons également lancer notre service d’alertes sur les destinations.
Le mobile va nous permettre de prendre une longueur d’avance par rapport à certains de nos concurrents en poussant nos offres via des push mobiles. Les équipes marketing travaillent également sur des applications plus "inspirationnelles".
Vous êtes actifs sur les réseaux sociaux ?
Nous sentons qu’il y a des choses à faire sur les médias sociaux. Nous avons déjà 600 000 fans sur notre page, des comptes Twitter… L’enjeu sera de croiser e-mailing et réseaux sociaux et de s’appuyer sur les influenceurs présents sur les médias sociaux, que nous identifierons avec notre base d’e-mails.
Quelles actions ou campagnes vous ont récemment inspirés ?
KLM a lancé le "servicing" via les médias sociaux, pour répondre en temps réel aux clients qui ont le réflexe d’aller sur Twitter pour se plaindre. C’est très puissant en termes de fidélisation. Par ailleurs, les programmes CRM ultra-personnalisés avec des scoring très fins m’impressionnent, parce que c’est un moyen d’éviter que l’e-mailing ne s’épuise.
Comment se répartit votre budget e-marketing ?
Aujourd’hui, nous dépensons environ autant en display qu’en liens sponsorisés. Le search reste un levier essentiel, car il permet de répondre à une question des internautes. L’e-mail est pour le moment loin derrière. Dans les années à venir, le CRM et l’e-mailing devraient devenir aussi importants que le search et le display.
Au sein de votre entreprise, quel est aujourd'hui le principal projet ?
Nous sommes en train de connecter deux mondes : la production et la distribution du prix. Nous avons développé un outil propriétaire pour mixer les données Google avec toutes les données dures de l’entreprise (voyages, gammes de prix…) exploitées aujourd’hui par le revenu management pricing pour faire la modélisation. Cet outil de back-office va nous aider à optimiser nos enchères sur le search et à adresser par e-mail une offre adaptée à la demande. Nous pourrons concentrer nos efforts selon les pays de manière chirurgicale.
Et l'exemple dont vous aimeriez parler en matière de fidélisation ?
Les équipes médias sociaux ont fait un jeu très simple, Travel Challenge, qui a plutôt bien marché. Il nous a permis de doubler notre base de fans, qui dépasse aujourd’hui les 600 000 membres. Le bouche-à-oreille (earn media) a très bien fonctionné.
"Tout savoir sur… l'Acquisition et la Fidélisation on line" est le deuxième ouvrage d'Hervé Bloch. Le président de la société Digilinx et de l'Internet Managers Club est l'auteur des "7 Péchés Capitaux du Marketing Digital".