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Gwendoline Cazenave, CEO d'Eurostar Group : "Eurostar ne doit plus être seulement un opérateur de transport"

Depuis la fusion entre les opérateurs Eurostar et Thalys le 1er octobre 2023, les deux entités évoluent désormais sous la même bannière, Eurostar. Une marque qui se veut plus « chaleureuse » qu'auparavant, comme l'explique Gwendoline Cazenave, la CEO d'Eurostar Group, qui décrypte les ambitions de ce nouvel Eurostar sur fond de crise économique.

Publié par Floriane Salgues le - mis à jour à
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Gwendoline Cazenave, CEO d'Eurostar Group : 'Eurostar ne doit plus être seulement un opérateur de transport'

Emarketing.fr : La fusion entre Eurostar et Thalys est actée depuis le 1er octobre 2023. Qu'est-ce que la nouvelle marque Eurostar change pour les clients ?

Gwendoline Cazenave : Ce nouvel Eurostar signe l'ouverture d'un nouveau chapitre dans l'histoire de deux entreprises qui, depuis près de 30 ans, ont révolutionné la mobilité longue distance en Europe. Pour les clients, la nouvelle marque signifie un seul système de réservation pour les cinq grandes métropoles qu'Eurostar relie désormais : Londres, Paris, Bruxelles, Cologne et Amsterdam. Et donc, un seul site Web et une seule application mobile pour davantage de destinations accessibles. Nous avons ouvert ce premier chapitre en nous occupant en priorité de nos clients fidèles, soit 2,5 millions de personnes si nous prenons en compte la fusion des programmes de fidélité de Thalys et d'Eurostar. Les clients qui nous connaissent vont donc avoir accès à un nouveau programme de fidélité, le "new" Club Eurostar, encore plus généreux. Nous avons conservé ce que les clients préféraient, à savoir le caractère VIP des avantages, avec notamment le "fast track" (le processus d'enre­gistrement rapide, NDLR), l'absence de frais et de date limite d'utilisation des avantages... Et nous donnons la possibilité de gagner des points plus rapidement et de les échanger contre des réductions, des billets gratuits ou des surclassements.

Ce nouveau chapitre d'Eurostar prend vie dans une campagne de publicité, conçue par adam & eveDDB et DDB Paris, dévoilée le 9 octobre. Pourquoi communiquer maintenant ?

G. C. : Nous avons fusionné juridiquement en mai 2022, dix-huit mois avant le lancement officiel d'Eurostar, le 1er octobre 2023. Durant ces derniers mois, nous avons oeuvré pour créer un unique système de réservation, une unique application et un unique programme de fidélité. Cette campagne, composée d'un film publicitaire et de l'affichage, coïncide avec le lancement de ce nouveau Club Eurostar et le dévoilement du nouvel univers de la marque. Ce n'est pas la fin de l'histoire, mais le début d'un processus qui devrait se terminer en 2025. Nous devons à présent rebrander l'ensemble des points de contact avec les clients de la signalétique aux gobelets, en passant, bien sûr par les trains. Sans oublier les uniformes !


Parlez-nous de la nouvelle identité d'Eurostar ?

G. C. : Pour travailler l'identité de la nouvelle marque, nous avons réalisé des études sur les attributs de Thalys et d'Eurostar. Il en est ressorti qu'Eurostar était perçu comme "froid" et "professionnel", avec une certaine "impertinence"... quand Thalys réussissait à transmettre un côté "chaleureux". Avec cette nouvelle marque, nous avons donc fait le choix de la chaleur, tout en travaillant à rajeunir la marque. Par exemple, la marque Eurostar était jusqu'à présent très bleue, nous avons opté pour davantage de couleurs.

Vous avez également changé le logo... Quelle en est la signification ?

G. C. : Nous avons choisi une étoile, inspirée de l'Étoile du Nord, le service de train original reliant Paris, Bruxelles et Amsterdam, et qui rend hommage au premier logo Eurostar. Cette étoile en forme d'étincelle fait office de boussole pour la marque. Notre inspiration vient aussi du fait que nous nous sommes récemment rendu compte que nos clients, en particulier les jeunes, écrivaient, en abréviation, le nom d'Eurostar avec un E et une étoile à côté.

Quelles sont vos ambitions avec le nouvel Eurostar ?

G. C. : À date, 20 millions de clients voyagent avec Eurostar (en additionnant les voyageurs sur Eurostar et Thalys, NDLR*). Nous souhaitons passer à la vitesse supérieure et transporter 30 millions de passagers par an à horizon 2030. La demande est là, l'enjeu est désormais de développer l'offre, en augmentant, notamment, la fréquence de trafic entre les grandes capitales et la capacité de nos rames. Mais, aussi, en connectant ces capitales aux réseaux nationaux grâce à des partenariats avec des opérateurs de transport locaux - comme la SNCF ou la Deutsche Bahn - ou avec des compagnies aériennes. Nous som­mes convaincus que nos grandes agglomérations doivent être plus que des destinations : des hubs de connexion aux réseaux ferroviaires domestiques et aux aéroports. En ce sens, nous travaillons déjà avec KLM, en réservant de 10 à 30 places sur les trains Thalys pour des clients de la compagnie aérienne. Nous souhaitons un accord à plus long terme avec KLM, mais nous oeuvrons aussi à développer des partenariats avec d'autres compagnies. Nous ne devons plus seulement être un opérateur de transport, mais un distributeur... La nouvelle signature d'Eurostar, "Together we go further" ("Ensemble on va plus loin", NDLR), raconte bien cette ambition.

Vous souhaitez devenir "la référence des voyages durables". Comment faire préférer le train, souvent onéreux, dans un contexte d'inflation ?

G. C. : Le sujet de l'accessibilité tarifaire est un vrai sujet. Nos coûts augmentent : notre facture d'électricité a été multipliée par trois cette année et nos coûts d'accès aux infrastructures sont aussi en hausse. Et pourtant, ce que nous voulons, et ce sur quoi je m'engage, est qu'il y ait toujours des prix d'appel sur tous les trains, et que ceux-ci n'augmentent pas. Il est possible de réserver un trajet Paris-Bruxelles à partir de 29 euros et un Paris-Londres à partir de 44 euros. Je tiens beaucoup à ces premiers prix qui sont visibles sur la page d'accueil de l'application. Et chaque fois que nous sommes en mesure de le faire, nous lançons de grandes campagnes de promotions - comme en novembre 2022 avec la campagne 29 euros/29 pounds pour voyager sur tout le réseau et qui a été un immense succès avec la vente de 80 000 tickets. Notre motto en interne, c'est "bold, honest and caring", "audacieux, honnête et attentionné" : nous voulons montrer à nos clients que nous tenons nos promesses envers eux, même si nous subissons nous aussi de plein fouet l'inflation.

En raison de la crise sanitaire de la Covid, Eurostar a connu un passage à vide sur la fréquentation de ses trains en 2020-2021. Qu'en est-il aujourd'hui ?

G. C. : Un nouvel équilibre post-pandémie se crée. Le trafic business a baissé, mais il est compensé par une très forte augmentation du trafic loisirs. Le trafic a ainsi été multiplié par deux, entre 2019 et 2023, entre Londres et Amsterdam. Nous avons retrouvé un trafic équivalent à 2018 sur cette ligne. Cet été, nous avons également constaté une hausse de +20 % de fréquentation entre Paris et Amsterdam. Nous voulons continuer à développer le court-courrier en train, avec l'idée qu'une fois que les touristes étrangers arrivent, par avion, en Europe, ils choisissent le train et non plus l'avion. En Amérique du Nord, nous avons remarqué que 1 voyageur sur 2 se connecte à l'application Eurostar pour programmer ses voyages intra-Europe.

L'intelligence artificielle (IA) générative aura été la tendance de l'année 2023. Comment regardez-vous l'apport de l'IA pour les marques ?

G. C. : Je prête une grande attention à l'intel­ligence artificielle, car je ne veux pas que des pans entiers de l'entreprise passent à côté. Nous avons donc lancé une démarche interne autour de ce sujet, via notamment des groupes de travail sur l'IA avec les collaborateurs de l'ensemble des entités d'Eurostar pour définir le rôle de l'IA dans l'entreprise, dans l'opérationnel, dans nos pratiques managériales, dans la relation client... Le nouvel Eurostar doit être un nouvel Eurostar résolument digital. Pour nos clients, mais aussi dans la manière dont nous organisons la production, les relations internes... D'un point de vue opérationnel, il est absolument certain que l'IA va nous aider de manière extrêmement forte à optimiser nos ressources, à travailler mieux. L'intelligence artificielle facilite, par exemple, la maintenance prédictive de nos trains. En matière d'expérience client, l'IA a aussi un rôle à jouer. Nous avons ainsi installé en gare de Saint Pancras, à Londres, des portiques "SmartCheck" dotés de la technologie de la reconnaissance faciale pour faciliter le passage aux frontières des passagers Business Premier et des membres Carte Blanche. Je suis absolument convaincue que, dans quelques dizaines d'années, nous passerons toutes les frontières avec la reconnaissance faciale.

Fin 2024, Eurostar fêtera ses 30 ans. Comment prévoyez-vous de célébrer cet anniversaire ?

G. C. : Il est un peu tôt pour dévoiler les actions marketing qui seront menées. Ce qui est sûr, c'est que l'année 2024 sera riche pour Eurostar, puisque nous serons également le transporteur officiel des équipes britanniques, belges et néerlandaises pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 !

* En 2022, Eurostar a transporté 14,8 millions de passagers et réalisé un chiffre d'affaires de 1 532 millions d'euros.

2005 : Gwendoline Cazenave intègre le groupe SNCF comme chief operations manager.

2016 : Elle devient CEO de TGV Atlantique (SNCF).

2020 : Elle est partner du cabinet de conseil Olivier Wyman.

2022 : Elle est nommée CEO d'Eurostar Group.


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