GAFA, startup, médias... Une semaine après, quelles réactions au RGPD outre-Atlantique ?
Certains ont coupé le robinet à data ou interdisent aux Européens l'accès à leur service, tandis que d'autres en profitent pour proposer des expériences inédites ou générer de nouveaux revenus... Une semaine après, panorama non-exhaustif de ce qui s'est dit des réactions américaines au RGPD.
Je m'abonneIl fallait s'y attendre: la mise en place du RGPD se révèle une excellente opportunité pour les GAFA, à commencer par Google, pour mettre en avant leur service. Présent sur l'ensemble de la chaîne de valeur et disposant de moyens bien plus élevés pour se mettre en conformité que ses concurrents, Mountain View a profité de la mise en application de la réglementation pour imposer ses conditions à ses partenaires: le groupe a mis en avant ses propres outils, au motif que ces derniers ne sont pas tous en conformité. Selon BFM Business, Havas évoque ainsi une hausse à deux chiffres de ses dépenses publicitaires vers Google, tandis que certains éditeurs ont perdu jusqu'à 50% de leurs revenus. "Entre temps, Google vient de valider sa présence dans l'initiative commune portée par l'IAB", note toutefois Jérémy Parola, directeur des activités numériques du groupe de presse Reworld Media : "Nous avions prédit une migration des budgets data non exploitable vers le search, mais entretemps c'est sur le terrain de la programmatique que la guerre a fait rage ces premiers jours. L'ensemble des revenus issus des adexchange, hors Google, a diminué fortement faisant ainsi chuter les revenus programmatiques des éditeurs n'étant pas en fullstack sur les solutions de Google. Heureusement pour nous, Reworld Media a fait le choix il y a près de 10 mois de travailler avec Adex et DFP, limitant ainsi la baisse de revenus annoncés. "
Une situation qui a de quoi énerver de nombreux acteurs, à commencer par les patrons de SSP qui travaillent avec Doubleclick Bid Manager, la plateforme d'achat programmatique de Google. Contactés par le JDN, ces derniers révèlent que DBM rejettent depuis le 25 mai la majorité des emplacements publicitaires proposés par les SSP des éditeurs qui intègrent des trackers autres que ceux de Google. Résultat ? Une diminution souvent de moitié des achats en provenance de DBM. Problème ? Google se justifie en invoquant son désir de respecter le RGPD en n'utilisant que les données des internautes dont il est assuré d'avoir le consentement. Or dans les faits, Mountain View n'avait, lors de la mise en application du règlement, pas intégré le framework lui permettant de s'assurer du consentement lié à ces données, rejetant de fait en bloc l'ensemble des demandes issues de ses partenaires, conformes ou non. "
"Pour continuer à utiliser Tumblr, veuillez cocher ces 322 cases"
Mais les annonceurs et les acteurs du programmatique ne sont pas les seuls en rogne contre les GAFAM et autres services américains. Alors que nombre d'entre eux ignorent une partie du réglement en faisant du "chantage au service", selon l'expression utilisée par la Quadrature du Net, qui a déposé cette semaine des plaintes collectives, dont cinq contre Google, Apple, Facebook, Amazon et LinkedIn, d'autres acteurs jouent la carte de l'usure. C'est par exemple le cas des sites de la galaxie Oath, comme TechCrunch ou Tumblr, qui plutôt qu'un simple bouton opt-out, demande à leurs utilisateurs de décocher un à un l'ensemble des 322 partenaires avec lesquels travaille l'entreprise. Usant pour les Européens les plus sensibles à l'utilisation de leurs données, qui pourront y passer l'été entier, mais utile pour ceux qui veulent avoir un panorama exhaustif de l'écosystème qui gravite autour d'Oath.
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Les médias américains ne sont pas en reste. Comme le fait remarquer Le Monde Informatique, ils se répartissent en 3 groupes : ceux qui ont purement et simplement coupé l'accès de leur site aux internautes européens, à l'image du LA Times et des autres médias du groupe Tronc ou GateHous Media. Ceux qui en profitent pour facturer à ces derniers la possibilité de naviguer dans un environnement compatible avec le RGPD, à l'instar du Washington Post, qui propose un abonnement PremiumEU pour 30$ supplementaires à l'année par rapport à l'abonnement de base. Et enfin, certains médias jouent la carte de l'opacité, comme par exemple NPR (National Public Radio) qui indique aux internautes refusant de partager leur donnée qu'ils n'auront alors accès qu'à un site en version HTML brut...
Tout n'est néanmoins pas à jeter, et certains médias s'en tirent avec le beau rôle: c'est le cas d'USA Today, qui, en proposant une version de son site sans tracker et sans pub, offre aux Européens l'un des sites de presse les plus rapides et agréables de l'Internet, à la grande joie de nombreux web designers. L'ensemble du site se télécharge en effet en une seconde, contre 13 secondes en moyenne chez ses concurrents. Reste enfin "les bons élèves", qui comptent même parmi eux certains GAFAM, comme Facebook et Microsoft, qui veulent aller au-delà du RGPD en appliquant ses règles à l'ensemble de leurs utilisateurs... tout en faisant lobbying contre la directive eprivacy, qui devait entrer en application le 25 mai elle aussi et va encore faire couler beaucoup d'encre cette année.