"La CTV est un nouveau territoire pour les marques en termes d'investissements média"
Benjamin Bergé, managing director et Cécile Oumansour, responsable du planning stratégique de l'agence Mozoo dressent un état des lieux du marché et des enjeux de la CTV qui vient flouter les frontières entre acteurs de la télé, du web et des plateformes sociales...
Quel état des lieux faites-vous du marché de la CTV, des acteurs en présence, et des enjeux du secteur ?
Benjamin Bergé : La CTV, d'un point de vue vraiment pratico pratique, c'est un téléviseur connecté à Internet qui permet la diffusion de contenus vidéo. Et donc, c'est un marché en forte croissance. De plus en plus de foyers sont équipés de Smart TV. Ils peuvent se connecter à Internet via la TV et via des box TV. Il y a fort à parier que d'ici quelques années tout le monde aura une télé connectée à Internet soit via son opérateur, son fournisseur d'accès à Internet, soit directement via sa Smart TV. On a trop longtemps prédit la mort de la TV traditionnelle, linéaire, en disant que c'était un dinosaure. Internet et les réseaux sociaux ont tout changé et on assiste à une espèce de retour en force de la télé grâce à la télé connectée. Le monde de la télé classique et le monde des réseaux sociaux se rejoignent... Un chiffre que l'on aime bien mettre en avant pour illustrer cela, est le suivant : chaque mois il y a 20 millions de personnes qui regardent YouTube sur leur télé. Une nouvelle consommation de la télé est en train de s'opérer grâce à la télé connectée. J'en veux pour preuve le fameux reportage "Kaizen" de Inoxtag, dont on a beaucoup parlé et qui a fait plus de 36 millions de vues sur YouTube. La moitié de ces spectateurs ont regardé le film sur la télé.
Cécile Oumansour : Oui, la télé est en train de revenir en force, et encore plus via la télé connectée. On assiste donc à une espèce de mouvement. Des plateformes comme YouTube sont en train de devenir des acteurs majeurs de la télévision. D'un côté les plateformes deviennent des chaînes de télé. Demain, on peut parier que TikTok prendra aussi la parole en télé. Et à l'inverse il y a aussi des broadcasters, des chaînes de télé qui deviennent elles-mêmes des plateformes. Canal, on le sait depuis longtemps, a créé My Canal, TF1 lancé TF1+, etc.
Sur ce marché, beaucoup d'acteurs sont en présence - vous en avez parlé - des plateformes, des réseaux sociaux, des acteurs dits traditionnels aussi... Qui va le mieux tirer son épingle du jeu, selon vous ?
Benjamin Bergé : Ce qui est intéressant c'est de noter qu'il y a un nombre énorme de concurrents. Entre le linéaire, le non-linéaire, ce qu'on appelle le fast, les plateformes de SVOD, la TNT, tous les acteurs type Netflix, PrimeVidéo, Paramount, le nombre d'acteurs est considérable, une cinquantaine au moins. Ce marché reste donc ultra-concurrentiel. Autre phénomène intéressant à observer, celui de la "guerre des boutons"! De plus en plus, on le voit sur les télécommandes, les consommateurs ont accès à des boutons pour accéder directement à Netflix, à Rakuten TV, etc. La compétition est féroce pour être présent sur la mosaïque des opérateurs, sur leurs pages d'accueil, et celles des box...
Cécile Oumansour : YouTube aujourd'hui est très présent sur les Smart TV. Récemment, Elon Musk a aussi annoncé le déploiement en version bêta d'une nouvelle application pour Smart TV qui s'appelle XTV, et qui se veut être une étape supplémentaire dans la transition de service de X. Je ne serais pas surprise que TikTok suive cette tendance. Toutes ces plateformes sociales veulent être présentes en CTV !
On n'oppose plus le digital et la télé, puisqu'en fait ces deux univers désormais se mélangent, s'organisent et se structurent pour pouvoir être présents sur cet écran télé qui reste malgré tout l'écran préféré (Cécile Oumansour) .
Si on se place du point de vue des CMO... Comment apprivoiser ce nouveau territoire et le rendre le plus pertinent possible pour sa marque ?
Benjamin Bergé : Ce qui est passionnant, c'est que l'on observe dans les chiffres qu'il y a un nouveau terrain de jeu pour les annonceurs et qu'il y a une majorité d'entre eux (83 % des annonceurs européens) qui ont l'intention d'accroître leurs dépenses sur les plateformes de CTV. Et cela en complément des investissements engagés sur la télé traditionnelle. C'est vraiment un nouveau territoire pour les marques en termes d'investissements média. Je pense qu'on va être dans une phase d'AB testing ces prochains mois. Ce qui est assez passionnant, c'est que même dans les metrics que vont cibler les annonceurs, on sort un peu de la télé classique avec des GRP qui sont complexes à appréhender et on va revenir sur du CPM plus classique en différenciant la CTV et la publicité segmentée.
Lire aussi : TV segmentée : c'est l'heure de l'inventaire ?
Le fait que nos écrans soient connectés à Internet permet d'aller beaucoup plus loin sur le ciblage des audiences, on va pouvoir rentrer sur une autre notion complémentaire de la TV connectée qui est la TV segmentée. Ce qui nous intéresse aussi et notamment pour accompagner nos clients à l'agence, c'est de pouvoir comprendre les changements en termes d'usage et de comportement. La façon de consommer le contenu évolue sur cet écran et est complètement différente du digital. L'attention est beaucoup plus élevée là où sur le digital, on va travailler sur ce qu'on appelle des "stops scrollers". En CTV, l'attention s'élève à plus de 12 secondes, c'est cinq fois plus que sur le digital.
Cécile Oumansour : La façon d'aborder le contenu n'y est pas du tout la même et on a aussi une façon différente de consommer ce contenu. La consommation y est en effet un peu moins individualiste. Là où sur le smartphone, la consommation est évidemment individuelle, en télé, on revient sur une consommation de contenus plus collective, familiale ou entre amis. Les messages ne vont pas être les mêmes... Avant, la télé était un média passif. Aujourd'hui, on peut créer des formats plus interactifs. La télécommande nous permet d'interagir avec certains formats, on retrouve des QR codes sur les publicités pour personnaliser l'expérience ou prolonger l'expérience. La CTV et la télé apportent aussi une nouvelle forme de publicité pour les annonceurs, avec des formats qui sont non seulement plus interactifs, plus ciblés, mais aussi qu'on va pouvoir dupliquer, et utiliser sur d'autres plateformes.
Parmi les exemples intéressants on peut citer, la campagne Citroën avec une publicité personnalisée qui permettait d'accéder à un configurateur pour personnaliser son modèle ou s'inscrire à un essai du véhicule.
Pouvez-vous nous parler de votre agence, Mozoo, et de ses ambitions ?
Benjamin Bergé : En quelques mots, chez Mozoo, nous nous présentons comme une creative content factory. Notre métier est d'accompagner les marques et les annonceurs dans la création et la production de contenus pour tout leur écosystème de marque. Et on se rend bien compte que les marques aujourd'hui ont une très forte injonction pour créer énormément de contenus pour nourrir tout leur écosystème. Un de nos sujets prioritaires est de les accompagner sur la CTV. On parle de content factory, parce qu'il y a une logique de rationalisation des coûts. Nous travaillons sur le concept créatif et sa déclinaison sur toutes les plateformes, comprenant TikTok, Instagram, etc. Le modèle de content factory est de plus en plus en vogue chez les annonceurs qui créent leur propre content factory parce qu'elles ont des centaines, voire des milliers de contenus à créer au quotidien pour nourrir les algorithmes qui sont très "vidéovores" notamment. Ainsi nous avons ce rôle de content factory externalisée pour nos clients...
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