Identité visuelle : Hissez les couleurs !
Elles ont leur personnalité, leurs effets propres et leur territoire de prédilection. Bien choisies, les couleurs sont d'une efficacité redoutable pour sublimer le message de la marque.
Débutons par un petit test. Des semelles rouges ? Un packaging orange ? Un smartphone rose ? Un emballage de chocolat violet ? Des marques vous viennent à l'esprit ? Bravo, vous avez reconnu, par la simple mention d'une couleur, de grands acteurs des marchés du luxe, de la téléphonie et de l'alimentaire, soit des univers hyperconcurrentiels, où les marques ont un besoin vital de se distinguer.
La couleur comme différenciation
"La couleur est une arme redoutable de différenciation", explique Jean-Gabriel Causse, designer couleurs et auteur du nouvel ouvrage L'Étonnant pouvoir des couleurs (éditions du Palio). "Parce que les marques sont souvent frileuses en la matière, celles qui osent et savent utiliser la couleur deviennent uniques. Réfléchissez à vos teintes et, quand vous les avez trouvées, gardez-les !" recommande ce spécialiste, qui conseille des entreprises françaises et étrangères.
La couleur est une caractéristique essentielle de l'identité, de la signature et donc de la reconnaissance d'une marque, voire d'un marché.
Des codes bien établis
Imaginez-vous un cola bleu, une bouteille de lait écrémé à bouchon jaune ou un ketchup vert ? En fait, Heinz a bien créé un ketchup vert et l'a même mis sur le marché en 2000. Ça a été un échec, tout comme la version violette, destinée aux enfants (premiers consommateurs de ketchup) et proposée à la même époque.
Un ketchup, ou n'importe quelle autre sauce à base de tomate, doit être rouge. Tout comme les flacons de shampoing pour cheveux colorés ou encore le bouchon des bouteilles de lait entier. Les produits "light", eux, sont bleus. Seule couleur à n'être naturellement présente dans aucun aliment, le bleu ne réveille pas l'appétit.
Mais attention, utilisée sur un packaging alimentaire pour un produit non allégé, le bleu donnera au produit une connotation chimique dévalorisante. (Cliquez ci-dessous pour la suite de l'article).
Comment rompre les codes ?
Le consommateur veut bien en voir de toutes les couleurs, mais pas question de casser des codes-repères que même les marques de distributeurs respectent à la lettre. Comme toute règle, elle souffre d'exceptions. Notamment lorsque les marques innovent.
Quand Breizh Cola se lance en 2002 sur un marché dominé par deux géants américains, il prend soin de choisir un packaging rouge. Mais quand, huit ans plus tard, il est le premier fabricant à mettre en linéaire un cola sucré au stevia, il décide de briser le code couleur du "light", gris argent, et conçoit une nouvelle étiquette et un bouchon verts, comme la plante, qui ont été bien compris par les consommateurs.
En revanche, quand Pepsi lance, en 1992, un cola classique, mais totalement transparent, baptisé Crystal, c'est un flop : les amateurs ne trouvaient aucun goût à ce liquide incolore, qui n'avait d'autre nouveauté que son absence de coloration.
La couleur conditionne les sens
La couleur, perçue par la vue, conditionne les autres sens, comme le goût, le toucher ou l'odorat. On l'a vu, une boisson gazeuse transparente est ressentie comme aussi fade que l'eau.
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À l'inverse, plus la teinte monte en intensité, plus le produit est considéré comme fort. Ainsi, un café dans un packaging foncé sera perçu comme ayant un arôme plus dense que le même café dans un emballage clair. S'agissant du toucher, un soda proposé dans un verre bleu, par exemple, sera perçu comme plus frais.
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Autre cas, même effet, lié à l'odorat : en 1988, Bic lance quatre parfums dans des flacons ressemblant à des briquets, peu chers et facilement disponibles dans les bureaux de tabac. "En test aveugle, explique Jean-Gabriel Causse, chacun était considéré par les consommateurs comme agréable à porter. Mais les parfums étaient présentés dans des flacons aux couleurs sombres (bleu nuit, noir) ou très saturées (vert et rouge), et les jus ont été perçus comme beaucoup trop forts et sans aucune finesse. Le rejet a été immédiat et sans appel."
Tout est dans la nuance !
Intenses ou discrètes, froides ou chaudes, les couleurs ne sont jamais neutres. "Elles ont toujours une incidence et véhiculent un message", assure Jean-Gabriel Causse.
Plusieurs expériences ont même prouvé qu'elles affectaient notre physiologie (pouls, circulation sanguine, respiration, battements de paupières...) alors même que nous y étions exposés les yeux fermés !
Une couleur, un positionnement
Le message de chaque couleur (voir le slideshare ci-dessous) conditionne le positionnement des produits sur leur marché. Pas un produit d'hygiène pour homme n'oserait utiliser un packaging rose ou même pastel.
Plus les couleurs sont vives et variées, plus le produit sera considéré comme "jeune" et accessible. Apple l'a bien compris et appliqué à l'occasion du lancement de son iPhone 5C, décliné en quatre teintes presque fluo (en plus du blanc) associées à une cible jeune, malgré un prix de départ qui dépasse tout de même les 550 euros.
La marque avait déjà très bien utilisé cet effet en lançant des iMac aux couleurs acidulées, en 1998. "Le message d'Apple était simple, explique Jean-Gabriel Causse. Voici un ordinateur convivial. Des couleurs saturées indiquent que le produit est accessible." Quand la marque a voulu remonter en gamme, elle a repris les codes traditionnels de l'informatique : noir, blanc et argenté.
Un moyen d'attirer les clients
Les constructeurs automobiles savent eux aussi parfaitement jouer avec les couleurs, quand ils déclinent leurs petites citadines en teintes vives. Mais en fait, ce ne sont que des couleurs d'appel : "Elles font venir les clients en concession, mais ils repartent avec des voitures noires, blanches ou grises", s'amuse Jean-Gabriel Causse.
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Reste que, bien maîtrisée, la couleur fait vendre.
A chaque couleur, son message : découvrez-le ci-dessous
Retrouvez cet article dans le numéro 178 (septembre 2014) du magazine Marketing.
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