Pauline Oster (Tribe) : "Tribe est un électron libre au sein du groupe Accor"
Nommée à la vice-présidence de Tribe Europe et Afrique du Nord - qui a rejoint le giron du groupe Accor en 2023 - Pauline Oster mène le développement de la marque tambour battant. L'ambition : ouvrir 100 nouveaux hôtels en Europe ces cinq prochaines années. Expérience client, notoriété, RSE, IA... sont des incontournables de sa feuille de route.
Tribe est née en Australie en 2017. La marque est l'une des petites dernières du groupe Accor. Comment se positionne-t-elle dans le portefeuille d'hôtels du groupe ?
Pauline Oster : Tribe est arrivée le 1er octobre 2023 dans le portefeuille "Premium, Midscale and Economy" (PME) du groupe Accor. C'est la dernière née de cette catégorie d'hôtels. Il s'agit d'une marque hybride : "midscale" avec ses 4 étoiles et "premium" par son essence lifestyle et son design haut de gamme, sophistiqué. L'esprit de Tribe, qui signifie "tribu" en français, est de créer un lieu de vie agréable, un réflexe pour venir travailler ou se détendre. Le personnel, en tenue urbaine et décontractée - tee-shirt loose et basket -, vous accueille "comme à la maison", vous met à l'aise. Tribe est un électron libre dans le groupe Accor, avec une business unit dédiée à la marque pour assurer une expertise, un développement et un accompagnement spécifiques des propriétaires et des directeurs d'hôtels, les acteurs principaux de l'expérience client.
Comment pensez-vous l'expérience design de la marque ?
P. O. : Nous concevons une expérience design commune à chacun des hôtels Tribe, avec des particularités en fonction de leur localisation. Nous travaillons l'association de couleurs, de textures, de matières, pour donner à nos établissements une aspérité et une granularité design exceptionnelle sur le marché hôtelier. Un designer spécialisé dans la curation d'art déniche des objets iconiques qui font le design reconnaissable de Tribe, sa patte. Nous mêlons ces objets d'art à des objets plus grand public dans chaque espace de l'hôtel. Nous complétons cette démarche esthétique avec un sound designer (designer sonore, NDLR) et un light designer (professionnel de la lumière, NDLR) pour créer une ambiance - sonore, mais aussi olfactive - et un éclairage qui évoluent au cours de la journée. Nous considérons l'environnement sonore comme un élément très important de la création de l'expérience client et nous référençons donc les musiques représentatives de l'essence de Tribe, plus particulièrement de la musique électro, urbaine et pop-rock.
Selon une étude menée par le groupe Accor, 37 % des clients placent la restauration en tête des critères dans la sélection d'un hôtel. Cette priorité vous surprend-elle ?
P. O. : Oui, et en même temps, l'hôtel est une ville dans la ville. À l'hôtel, nous dormons, nous rencontrons des gens, nous nous détendons... et nous mangeons. Le F&B (le food & beverage, c'est-à-dire l'activité des bars, de la restauration, du room service, NDLR) est aussi une empreinte de l'ambiance que nous voulons créer dans un hôtel. Dans chaque Tribe, nous avons conçu un "social hub" avec un bar central qui rythme la journée avec différentes animations. Les espaces de vie ne sont pas cloisonnés, mais permettent, en fonction du moment de la journée, de travailler, de se relaxer, de se rencontrer, de manger... Cette flexibilité est l'un des ingrédients de Tribe.
Quelle expérience différenciante proposez-vous autour de la restauration ?
P. O. : Tribe importe les tendances internationales dans un environnement local, c'est ce qui marque la différence avec d'autres marques du groupe. Nous avons retravaillé le petit-déjeuner pour qu'il soit davantage sain, en phase avec l'ADN lifestyle de Tribe et l'envie des citoyens de prendre soin de leur santé. Les produits ont, par exemple, des index glycémiques bas et nous veillons à leur qualité. Dans tous nos hôtels, nous avons une offre barista avec un grand choix de café sourcé auprès de torréfacteurs locaux. Nos baristas en connaissent l'origine et peuvent raconter son histoire aux clients. Ce café, l'un des piliers de la marque, se retrouve aussi, via une machine et des capsules, dans chaque chambre. Nous proposons aussi une offre de "grab and go", des aliments ou des plats préparés par l'établissement ou sourcés, toujours en local, et prêts à emporter ou à consommer sur place. Nous essayons d'éviter l'industriel... jusque dans l'offre de boissons. Au moment de l'after work, un autre pilier de Tribe s'installe : l'offre de mixologie. Nous avons une carte avec des cocktails classiques, mais aussi des cocktails phares, signatures, déclinés par nos mixologues dans chaque hôtel.
À quoi ressemble une chambre Tribe ?
P. O. : Nous travaillons des espaces à partir de 17 m2, il y a donc aussi des chambres plus grandes et des suites. Cette dimension peut paraître petite, mais nous compensons cette étroitesse par un haut niveau de design, de décoration et des prestations de services. Quelle que soit la typologie de la chambre, le même niveau de services est proposé. Il n'est pas nécessaire de payer un supplément pour avoir le petit quelque chose en plus, cela résume bien, là encore, l'état d'esprit Tribe. Ainsi, des produits de la marque de luxe Kevin Murphy sont présents dans chaque chambre. Elles sont toutes équipées d'une télévision de dernière génération et d'un Chromecast (un dispositif qui permet de diffuser du contenu audiovisuel sur un un écran depuis un appareil mobile, NDLR), mais aussi d'un steamer (un défroisseur vapeur pour les vêtements, NDLR) de haute qualité. Nous sommes aussi en train de tester, à l'établissement Tribe de Clichy, une nouvelle tendance beauté : des capsules de collagène. Nous sommes sur des pilotes avec trois gammes.
Quel est votre plan de développement ?
P. O. : Dans le monde, nous avons ouvert 18 hôtels Tribe. En Europe, 13. En octobre 2024, deux hôtels ouvrent, l'un à Manchester et l'autre à Düsseldorf. En 2025, nous inaugurerons des établissements Tribe à Pantin, Montpellier, Malte, Cracovie, La Haye et Reims. Notre ambition est d'ouvrir, en Europe, 100 hôtels, dans les cinq prochaines années. 20 contrats sont déjà signés pour de nouveaux hôtels et une trentaine est en cours de signature. Ce développement va faciliter la reconnaissance de la marque, sa notoriété et son identification par nos clients, qui vont pouvoir avoir le réflexe Tribe à mesure que nous nous implanterons. Il y a une appétence pour la marque, car elle complète une offre hôtelière chez Accor. Ce type d'hôtel manquait aussi sur le marché français.
Comment travaillez-vous la notoriété de la marque ?
P. O. : Quand je suis arrivée chez Tribe, j'ai lancé la stratégie "Level Up". Nous avions une belle marque, qui plaisait aux gens, mais sans qu'ils comprennent réellement ce qu'elle était. L'idée était donc de se servir de cette base pour aller un cran au-dessus. Cette stratégie se compose de trois piliers : réaffirmer les standards opérationnels de Tribe, son essence et faire transparaître les éléments constitutifs de la marque dans l'expérience client ; travailler la notoriété et assurer la performance. Ces trois piliers sont connectés les uns aux autres. Nous avons fortement travaillé la notoriété cette année, via des relations presse, des présentations lors de salons ou des rencontres au sein d'écoles, mais également via des campagnes marketing en ligne - de notoriété et de performance. Nous sommes allés faire des roadshows auprès de nos propriétaires. Nous avons opéré à l'échelle de la marque, mais aussi en granularité au niveau des hôtels grâce aux communications autour des partenariats que nous nouons. S'associer à une marque, c'est profiter de sa notoriété pour asseoir la vôtre. Mais, aussi, bénéficier, potentiellement, de sa légitimité, sur la mode, le design...
"Nous nous adressons aux aficionados du design, de l'art, de la fashion..."
Une campagne en télévision, est-ce envisageable ?
P. O. : La télévision n'entre pas dans nos plans marketing. Outre le budget considérable que nécessite le média, il nous semble trop grand public. Si tout le monde est le bienvenu chez Tribe, nous nous adressons aux aficionados du design, de l'art, de la fashion... et je ne suis pas certaine qu'ils soient souvent devant leur télé. L'idée serait plutôt de faire apparaître Tribe dans une série tendance !
Le groupe Accor était partenaire Premium des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Quel a été l'impact de l'événement pour Tribe ?
P. O. : Nous sommes arrivés tardivement dans les négociations du groupe Accor autour des Jeux olympiques et paralympiques et nous pensions qu'il serait compliqué pour nous de remplir nos hôtels à cette période. Finalement, nous avons eu de très bons taux d'occupation pendant les JO ! Nous avons profité de l'événement pour créer une animation de notre réseau en Europe. Nous avons notamment lancé pour nos mixologues un concours de cocktails autour de la thématique des JO. Nous avons organisé la finale entre les mixologues de Milan, Londres et Saint-Ouen dans le Tribe de Clichy, tout juste ouvert. Les créations, avec le flambeau, la médaille d'or... étaient incroyables.
"Nous respectons l'engagement pris par le groupe Accor du zéro plastique dans tous les hôtels"
Comment travaillez-vous sur la diminution de l'empreinte carbone des hôtels Tribe ?
P. O. : Nous respectons l'engagement pris par le groupe Accor du zéro plastique dans tous les hôtels. Nous avons retiré les bouteilles d'eau, les flacons à usage unique. L'hôtel Tribe de Batignolles (Paris) est, par exemple, labellisé Clef verte 2024, un écolabel international attribué aux établissements touristiques et hébergements qui répondent à des critères de durabilité environnementale. Notre objectif est que tous nos hôtels soient labellisés ou engagés dans la démarche de labellisation d'ici la fin de l'année. Pour cela, nous travaillons sur nos concepts de restauration pour 2025. Outre des produits locaux, dont l'impact carbone est plus faible, nous voulons diminuer le taux de produits carnés dans la carte de restauration. Le groupe Accor s'est engagé à proposer, d'ici 2030, 60 % de produits non carnés dans son offre. Nous allons nous concentrer sur cet objectif pour 2025, en proposant davantage d'alternatives végétale ou végétarienne.
Quelle autre tendance identifiez-vous dans le secteur de l'hôtellerie ?
P. O. : L'intelligence artificielle. Je vois cette technologie comme une source d'optimisation des process opérationnels. Un moyen de résoudre des tâches rébarbatives pour que les collaborateurs trouvent du plaisir dans leur quotidien. L'IA est déjà intégrée au système de revenue management du groupe Accor (fixer de manière dynamique et automatique le prix des chambres pour augmenter le revenu et le taux d'occupation, NDLR) et nous commençons à l'intégrer aux process de réponses clients. Demain, nous pouvons imaginer que l'IA soit intégrée à des process opérationnels, comme le checking des chambres.
"J'ai le job de mes rêves."
Pourquoi avoir choisi l'hôtellerie ?
P. O. : Quand j'étais toute petite, mes parents m'ont amenée dans un hôtel Hilton, je me rappelle avoir été complètement émerveillée. Après mon baccalauréat, je rêvais de travailler dans l'hôtellerie, mais mes parents étaient réticents. J'ai commencé une licence de relations internationales, je me suis essayée à la banque, j'ai poursuivi par un master Commerce international, mais mon rêve restait très présent. Après un MBA de marketing, j'ai reçu une promesse d'embauche dans une entreprise américaine, avec un salaire colossal. Je n'arrivais pas à accepter. C'est à ce moment-là, en 2008, qu'Accor m'a contactée, pour un stage, afin de contribuer à redesigner en France une nouvelle marque d'hôtellerie qui venait d'Australie, All-Seasons. Seize ans plus tard, je suis la directrice d'une marque lifestyle également originaire d'Australie. J'ai le job de mes rêves. Il y a eu des moments de doute, de galères, le parcours n'a pas été linéaire, mais j'ai pu compter sur l'accompagnement du groupe Accor qui a cru en moi.
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