Marketing durable : quelles solutions pour se former et se transformer ?

Mars 2020. La France se met à l'arrêt pour tenter de stopper la propagation du virus. On apprend bientôt à compter sur les seuls commerces dits « essentiels ». Les autres cessent toute activité, notamment l'industrie du tourisme, fortement impactée. Beaucoup se retrouvent au chômage partiel et s'interrogent sur leur activité.

C'est ce qu'a vécu Jonathan Gual, responsable de la communication à Pierre & Vacances depuis 2018. « Si la pandémie nous a appris quelque chose, c'est bien la fragilité de notre monde et la nécessité de le rendre plus résilient, plus anticipateur des risques à venir. » Lui veut alors donner plus de sens à son travail. Il se questionne sur l'empreinte environnementale du secteur dans lequel il évolue, échange avec ses proches. Puis suit une session de la Fresque du climat, un atelier ludique permettant de saisir - en groupe et en trois heures environ - les causes du changement climatique, documenté par les rapports du Giec. Le déclic.

Les mois qui ont suivi, Jonathan Gual dit s'être beaucoup renseigné, avoir beaucoup lu. Que ce soit les conférences « passionnantes », dit-il, à l'école des Mines, de l'ingénieur Jean-Marc Jancovici, auteur de la bande dessinée à succès Le Monde sans fin, illustrée par Christophe Blain, les publications de l'Adème du laboratoire d'idées The Shift Project (sur le sujet des énergies) ou le site de vulgarisation Bonpote, en particulier.

Mais aussi les interventions du responsable développement durable du groupe Bouygues Fabrice Bonnifet, aussi président du Collège des directeurs du développement durable (l'association professionnelle C3D, dont est membre le groupe Pierre & Vacances - Center Parcs). Très vite, celui qui pilote la stratégie de communication de sa société va découvrir également les cours d'Axa Climate School. « Cela a, par exemple, pu m'éclairer sur les échelles de grandeur de nos actions individuelles au quotidien », dit-il.

Remettre à plat les pratiques

Même s'il a conscience qu'il ne cesse d'apprendre, lui vient l'idée qu'il peut partager son expérience à l'extérieur de son entreprise. « Il faut réussir à embarquer le plus de monde possible... » Tant les étudiants, les futures générations, que ses pairs, en poste dans les métiers du marketing et de la communication. « Il est de leur devoir de remettre à plat leurs pratiques professionnelles, quitte à nourrir une forme de militantisme au sein des entreprises ».

Selon Antoine Poincaré, responsable d'Axa Climate School, en effet, « les collaborateurs des sociétés sont le levier le plus puissant de la transformation. » Sa structure, fondée au sein du groupe AXA, dédiée à l'adaptation climatique, propose de nombreuses formations en ligne auxquelles les particuliers et les écoles peuvent s'inscrire gratuitement.

Elle est naturellement à destination des entreprises qui veulent en faire bénéficier leurs collaborateurs. Prestation payante, mais qui peut être testée gratuitement. Nombreuses sont les structures qui la déploient pour leurs salariés, à l'instar d'Accor, de Stellantis, d'Ubisoft, de Marsh, de BNP Paribas ou encore de Pierre & Vacances. Certaines, au passage, déploient les cursus en marque blanche.

Par exemple : School for Change by Accor. De nombreux cours sont disponibles. Les sociétés sautant le pas n'en suivent jamais qu'un seul, mais plusieurs à la fois. Le prix ne varie pas en fonction du nombre de cours. Parmi les enseignements les plus populaires, notons un zoom sur le changement climatique, un autre sur l'effondrement de la biodiversité, ainsi qu'un troisième à propos de la transition bas carbone...

« 77 % des consommateurs pensent que les entreprises n'en font pas assez pour lutter contre le réchauffement climatique. » Source : BCG Center for Customer Insights, 2022.

Changer les marques de l'intérieur

Axa Climate propose également une formation spécifiquement dédiée aux professionnels du marketing et de la communication ayant l'intention de mieux déchiffrer les enjeux de la transition écologique. Comment faire évoluer leurs pratiques, réduire leur impact ?

Au programme, des cours en plusieurs parties, très accessibles, mais aussi des conseils de la part de responsables en poste, des études de cas, des quiz afin que les collaborateurs apprennent à développer une stratégie marketing plus responsable. Saint-Gobain, Unilever, Schneider Electric ou Tikehau Capital ont déployé la formation « marketing durable » en interne.

Pascale Patat-Dubouis, professeure de marketing et directrice académique de l'Executive MBA et du Mastère exécutif Direction commerciale et Business development, à l'Iéseg School of Management, y intervient en tant qu'experte. L'occasion, pour elle, d'expliquer qu'il est largement possible de « changer les marques de l'intérieur », et ce, en axant davantage sur l'éthique et la sincérité. « Il est nécessaire, ajoute-t-elle, de réfléchir aux externalités négatives quand les professionnels imaginent de nouveaux produits, de leur conception à la fin de vie et la collecte des déchets, note-t-elle. Il s'agit de trouver, aussi, le bon niveau de communication. Et être raisonnable, c'est peut-être communiquer moins, mais mieux... ».

Axa Climate propose une formation dédiée aux professionnels du marketing et de la communication pour les aider à déchiffrer les enjeux de la transition écologique.

Ne pas se précipiter avant de communiquer

Voilà justement l'une des recommandations de Jonathan Gual, de Pierre & Vacances, également intervenant dans le cadre du module Marketing & communication d'Axa Climate School. Lui estime que l'ensemble de son secteur - le tourisme - a à réduire son empreinte écologique, de manière collective. C'est notamment ce qu'il partage à ses pairs par écrit (accessible via le module d'Axa Climate School destiné aux marketeurs). Selon lui, l'information est indispensable avant toute mise en action. Surtout, ne pas se précipiter, et puis se questionner sur ce qui est le plus impactant.

Ses conseils ? Afin de réussir un plan de communication le plus responsable possible, le coeur de son métier, il convient d'éviter toute situation de greenwashing. C'est l'un de ses messages diffusés pour le cours. « Il est extrêmement facile de tomber dans le piège, même avec la meilleure des intentions », note Jonathan Gual.

Clairement, la solution, pour l'éviter, d'après lui, est de « ne valoriser que les initiatives qui ont un impact conséquent, et de toujours faire valider ses propos, tant par des experts techniques que juridiques ». Par exemple, une entreprise n'a pas besoin de raconter qu'elle... arrête le plastique à usage unique. D'autant que « ceci est une obligation légale pour les acteurs professionnels ». Aussi, la transparence est importante. « Le secteur du tourisme a une certaine empreinte, il ne faut pas la cacher. »

Marketing durable, qui donne des clés pour aider les entreprises à basculer vers un marketing durable, a reçu le Prix Syntec Conseil 2022 du meilleur ouvrage de management.

Apprendre et épauler des entreprises

L'Edhec peut aussi faire partie des solutions pour les professionnels du marketing et de la communication, qui entendent se remettre à niveau sur les sujets de la RSE, notamment. L'école de commerce propose ainsi le programme « Edhec online », auquel une centaine d'apprenants participent, pour beaucoup des professionnels déjà en poste au sein des marques. L'établissement propose « un e-learning de proximité », comme le dit le directeur des programmes francophones Christophe Abrial, avec la participation de coachs pour guider les uns et les autres.

Un « campus en ligne » sur lequel se trouvent des cours en vidéo et des contenus pédagogiques variés. L'Edhec organise, entre autres, des ateliers de la Fresque du climat, ce jeu de cartes qui plaît beaucoup aux entreprises ayant ainsi l'opportunité de former leurs collaborateurs aux enjeux liés à l'environnement. Mais aussi des cours de RSE, de management et comportement durable. « Les notions de durabilité nourrissent l'ensemble des cours proposés », indique Christophe Abrial.

L'association Fresque du Climat a mis au point un jeu éponyme comme support d'un atelier de trois heures abordant les causes du changement climatique.

En vue de se préparer au mieux, les inscrits simulent la gestion d'une entreprise. « Les apprenants réalisent un mémoire de fin de parcours, explique Sabine Ruaud, professeure à l'Edhec depuis deux décennies, portant sur les problématiques des entreprises partenaires. Celles-ci souhaitent accélérer leur transformation écologique, car établir une stratégie environnementale est devenu obligatoire », analyse l'enseignante.

Parmi les partenaires, elle cite en vrac « Jean Niel, une des plus anciennes maisons de parfumerie, située à Grasse, qui nous a sollicités pour mettre en place une culture RSE dans l'entreprise, en identifiant notamment les axes les plus pertinents en rapport à son activité ». Pour Auchan retail, les apprenants du programme de l'Edhec sont amenés à aider l'enseigne de la grande distribution à « insérer dans l'environnement local ses drives à Nice » dans le but de « capter une clientèle urbaine, qui ne fait pas ses courses en voiture mais à pied, à vélo ou en transport en commun. ».

6/10 : C'est la note moyenne que les salariés français donnent à leur entreprise en ce qui concerne son engagement environnemental. Source : Act For Now sur 1 000 personnes, 2022.

Les entreprises gagnent en marque employeur

Enfin, les participants de la formation accompagnent la société champenoise Rozoe dans le développement de l'achat en vrac, via l'achat de cabas réutilisables. « En tout, sur les douze derniers mois, comptabilise-t-elle, nous avons accompagné 24 projets d'entreprise, dont l'objectif a été de s'engager pour un monde plus juste, plus sobre. »

Pour faire partie de l'aventure, il s'agit de prendre un rendez-vous avec un conseiller de l'Edhec, chargé d'aiguiller les uns et les autres en fonction des projets de formations payantes (les bourses peuvent être mises en place), et qu'elles soient diplômantes (de 12 à 18 mois), ou non (10 semaines).

D'après Christophe Abrial, de nombreuses entreprises prennent également contact avec l'établissement, histoire d'inscrire leurs collaborateurs. C'est tout bénéfice pour elles, puisqu' « elles gagnent en marque employeur », à terme...

Sabine Ruaud de préciser : « Il faut aider les nouvelles générations à construire des modèles d'affaires plus circulaires, plus durables, les accompagner à créer de la valeur économique, tout en consommant moins de ressources naturelles, en respectant les territoires, les humains, au final. » Et « en misant davantage sur le réemploi des produits »...

Pour Pascale Patat-Dubouis, le métier du marketing a pu avoir mauvaise réputation : « Il a été décrié, on l'a accusé d'avoir créé des besoins inutiles et de favoriser la surconsommation », précise la professeure de l'Iéseg. Dans le but de changer la donne, son établissement propose également des formations en continu afin que les inscrits - en majorité des professionnels en poste - puissent monter en compétences.

Des enseignements à temps partiel pour leur permettre de cumuler la formation et leur profession. Les cursus sur les compétences métier et leadership, notamment pour la filière « direction marketing et digital », peuvent être diplômantes - elles durent 12 mois (45 jours, 360 heures) - ou pas. Dans ce cas, les professionnels prennent de 10 à 12 jours (80-120 heures) pour l'apprentissage.

La maison de parfumerie Jean Niel a sollicité les apprenants de l'Edhec online pour déployer une culture RSE dans l'entreprise.

Apprendre à sauvegarder la vie sauvage

Dans tous les cas, la RSE tient une place prépondérante dans les cours. Module sur les enjeux de la décarbonation, stratégie RSE, critères ESG dans la finance, prise en compte des externalités négatives dans le développement des offres... Le marketing responsable demeure central. La business school utilise de nombreux outils pour guider les apprenants au mieux, à l'instar de la... Fresque du climat - jeu auquel les collaborateurs de l'Iéseg (qu'ils soient enseignants, ou non) participent pour se former.

« Pour s'inscrire, il faut remplir un dossier en ligne sur notre site, et passer par un processus de sélection car ce sont des formations diplômantes, précise Pascale Patat-Dubouis, dans l'équipe des intervenants. Elles sont payantes, sachant qu'il y a des solutions de financement comme le CPF. »

Les cours ont lieu sur le campus de La Défense, en région parisienne. « Le présentiel est vital, mais nos salles sont équipées pour du distantiel depuis 2020, afin de garantir la continuité pédagogique, quelles que soient les circonstances. » Au final, le rôle des formateurs est le même : guider les femmes et les hommes en poste pour accélérer la transition, en toutes circonstances...

Clémence Froissant, étudiante à l'École supérieure de publicité, en alternance à Ecolearn

« Éco-concevoir un produit sans tricher »

Clémence Froissant aime cette idée d'aider les entreprises à évoluer dans le bon sens. Étudiante à l'École supérieure de publicité, elle suit le mastère « Marketing responsable et communication éthique » depuis 2022. Et elle a déjà une jambe en entreprise, car elle a rejoint, en octobre dernier, les équipes d'Ecolearn, qui dispense des formations dédiées à la durabilité des professionnels. En alternance, elle travaille comme chargée de communication et de marketing. Selon elle, son employeur tente de limiter ses impacts au mieux. En particulier, dans sa communication. « Par exemple, nous limitons le nombre d'envoi et nous veillons à ce que le contenu soit qualitatif », résume-t-elle.

Dans le cadre de sa formation, de deux ans, l'alternante est amenée à apprendre à déployer une stratégie RSE au sein d'une société. Et à trouver des solutions pour réduire, toujours plus, l'empreinte carbone. « Durant une semaine d'étude dédiée à l'écoconception, il nous a été demandé de réfléchir en groupe à la transformation d'un objet en un produit plus écologique, sans que ce dernier ne soit plus cher. Nous sommes tombés sur une bougie, et nous avons trouvé l'idée d'en produire une sans ingrédient toxique, et à transformer en huile de massage, afin de réemployer la matière après sa première vie. » Il a été demandé aux groupes du mastère d'imaginer un plan d'action de fabrication, puis de marketing autour du bien. Utile, pour se lancer dans le grand bain...