DossierMarketing connecté : ces objets nommés Désir
Capteur de données et de relations, "l'Internet de toutes les choses" relie objets et clients. Qu'attendre des objets connectés ? Faut-il y passer ? Peut-on s'en passer ?
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Sommaire
- Les objets connectés en chiffres
- Estimations du marché mondial
- Étude connectée d'un phénomène
- La révolution de l'Internet des objets
- 4 types d'entreprises concernées
- L'objet connecté 1.0
- Se poser les bonnes questions
- Créer une nouvelle relation
- Créer de la valeur ajoutée
- La barrière technologique tombe
- La réussite passe par l'acceptation
- Interview avec Rafi Haladjian, CEO de Sen.se - "Le but du jeu est de connecter la vie, pas les objets"
- Marketing : Pouvons-nous vous présenter comme le fondateur des objets connectés?
- Est-ce un grand mouvement qui est en marche ?
- Votre nouvelle invention, Mother, est un objet dont l'usage n'est pas défini ?
- Éclairages d'experts sur les défis créés par les objets connectés
- 1er expert : Thomas Nicholls (@thomasnicholls) - directeur marketing et communication Sigfox : "Nous allons parvenir à couvrir 95 % du territoire"
- 2ème expert : Jean-Laurent Bouveret (@jlbouveret) - directeur NetObserver Harris Interactive : Le défi = gérer toutes les craintes associées
1 Les objets connectés en chiffres
2 Estimations du marché mondial
Si tous les acteurs s'accordent sur une forte croissance à venir, les estimations varient considérablement car le marché n'en est qu'à ses débuts et les objets sont très difficiles à comptabiliser.
3 Étude connectée d'un phénomène
METHODOLOGIE
Étude Harris Interactive "Objets connectés : the next big thing", juin 2014.
Étude qualitative et quantitative menée en avril-mai 2014 pour dresser un état des lieux de la perception du marché des objets connectés par le grand public. Phase qualitative : deux focus groups composés de technophiles et d'early adopters. Phase quantitative : étude via l'Access Panel HI auprès d'un échantillon national représentatif de 3 000 Français de 15 ans et plus.
Découvrez les estimations du marché mondial des objets connectés en 2020, ainsi que le rapport des Français avec ce phénomène.
4 La révolution de l'Internet des objets
Qu'ont en commun la cigarette électronique Smokio, les drones grand public de Parrot, la brosse à dents électrique de Kolibree, les textiles de Cityzen Sciences et la Mother de Sen.se ? Ils appartiennent tous à la famille de l'Internet des objets.
À lire également :
- Citizen Data donne vie aux objets connectés- 7 objets connectés qui vont révolutionner notre quotidien
Un domaine étendu où l'on parle aussi bien de la raquette Babolat, homologuée par la Fédération internationale de tennis, que du Pee Analyzer, des urinoirs expérimentaux qui ont permis d'indiquer à 342 Singapouriens sous l'emprise de l'alcool (sur 573 testés) dans un bar qu'il était préférable pour eux de laisser leur véhicule au parking. Plus rien n'échappe donc à ces capteurs de l'instant.
Une étude récente menée par Toucan Toco(1), une société de conseil en logiciel et en analyse de données, a décrypté 44 initiatives de transformation d'objets communs en objets connectés. La démarche, dans chaque cas étudié est toujours la même : connecter des objets à Internet, collecter des données et inventer les nouveaux services qui vont avec.
Toutefois, cette étude est loin du compte, tant les initiatives lancées ici et là sont nombreuses. Pas un secteur n'y échappe : santé, assurance, sport, domotique, sécurité, automobile, loisirs, alimentation, jardinage, habillage, électroménager, distribution, maintenant...
5 4 types d'entreprises concernées
Mais quelle "puce" a donc piqué nos industriels ? Toucan Toco voit quatre catégories d'entreprises touchées par cette frénésie :
1. Les traditionnelles, qui trouvent ici la capacité de créer de nouvelles gammes de produits innovants
2. Les entreprises qui suivent déjà une démarche d'innovation technologique importante
3. Celles pour qui l'utilisation des objets connectés est un outil de communication
4. Celles qui souhaitent améliorer leurs processus internes.
Pour Arnaud Dupuis (@ArnaudDupuis) , CEO de Genymobile, une entreprise qui s'est spécialisée dans le développement logiciel sous Android, "il n'y a pas un domaine qui va échapper à la connexion et à l'Internet des objets". Avec toutefois un gros bémol. Pour lui, "l'obstacle principal, c'est le manque d'imagination de ceux qui fabriquent des produits".
En mars 2014, à l'occasion de nos Trophées Marketing (voir Marketing n°174, p106) Fred Potter, le directeur général de Netatmo, nous avait déjà mis en garde contre "l'objet lamentable", celui qui n'apporterait qu'une faible valeur ajoutée : "Il faut fabriquer des objets où il y a du logiciel. Si ces objets sont trop simples, ils seront bêtement copiés".
(1) "Les objets connectés au service de la création de valeur, enjeux, perspectives et initiatives", Toucan Toco, juillet 2014
Les initiatives de transformation d'objets communs en objets connectés sont de plus en plus nombreuses et leur nombre ne devrait pas faiblir avec les années. Quelles sont les entreprises concernées ? Quels en sont les obstacles ?
6 L'objet connecté 1.0
Pour l'heure, l'objet connecté semble n'en être qu'à sa version 1.0, au point que, comme le révèle Harris Interactive dans son étude "Objets connectés : the next big thing ?", six Français sur dix voient en eux des "gadgets dont on peut se passer" (voir multimédia plus bas).
Chez MRM McCann, même son de cloche. Frédéric Hart, en charge de la question, reconnaît que les projets sont encore dans les cartons et que ses clients sont encore loin de pouvoir imaginer leur utilité et d'y voir autre chose qu'un effet de buzz. "Nous sommes encore trop dans l'effet médiatique", affirme-t-il.
7 Se poser les bonnes questions
Que manque-t-il à toutes ces démarches pour éviter le feu de paille ? Pour Jean-Baptiste Paccoud, manager en charge de la mobilité et des nouveaux écrans au sein du cabinet de conseil Noexia, il faudrait seulement "se poser les bonnes questions et penser au contexte d'utilisation". Et surtout, "trouver des relais de business".
Selon Frédéric Hart, il ne faut pas non plus tomber dans l'excès de connexion : "La logique de l'abonnement peut ennuyer, par exemple, un client Nespresso. Elle peut le faire tomber dans la routine si ses capsules de café sont commandées automatiquement."
L'objet connecté n'est qu'au début de son évolution. Il faut familiariser les utilisateurs avec la présence de ces objets dans leur vie quotidienne mais également se poser les bonnes questions.
8 Créer une nouvelle relation
Connecter un objet à Internet a plusieurs objectifs. Comme l'indique Toucan Toco, il s'agit aussi bien de créer ou recréer un lien direct entre une marque et ses clients que de recueillir des données précises et précieuses. L'enjeu n'est pas tant de collecter des datas que de transformer la relation entre un objet et son utilisateur.
Pourquoi proposer, par exemple, une brosse à dents connectée ? Pour vérifier si le brossage respecte les directives d'un dentiste? Ou pour contrôler qu'une complémentaire santé n'indemnise pas un client pas trop négligent ?
L'inventeur du premier objet connecté, Rafi Haladjian (voir interview page 6) croisé, en juillet dernier, à l'occasion d'une soirée organisée par le Club des Annonceurs, reconnaît que plus personne ne se demande si un objet doit ou non être électrique. Selon lui, ce sera pareil demain pour les objets reliés au Web. Et si, à l'avenir, plus personne ne se souciait de savoir si notre quotidien était connecté ?
9 Créer de la valeur ajoutée
Pour Aymeric Esqué, le responsable marketing de Toucan Toco, "les entreprises qui s'intéressent aux objets connectés ont du mal à créer de la valeur à partir des données qu'elles collectent". On revient donc au déficit d'imagination. Aymeric Esqué est toutefois optimiste : "Ce qui me frappe, ce sont les nouveaux services que l'on peut créer à partir des données connectées. Il faut montrer visuellement le bénéfice qu'un utilisateur pourra en retenir. Il faut raconter une histoire à partir de ces données. Chaque entreprise doit reconsidérer son métier."
Si verser dans l'objet connecté relevait jusqu'ici du gadget, c'est aussi parce que les technologies employées étaient parfois trop embryonnaires. Arnaud Dupuis (Genymobile) remarque, depuis son poste d'observation, que les brisques techniques sont là pour connecter les objets : "La technologie est là et n'est pas utilisée".
10 La barrière technologique tombe
Propos à nuancer, car les mois qui viennent de s'écouler ont été porteurs de bonnes nouvelles, les obstacles techniques ont été levés un à un. Le directeur marketing et communication Thomas Nicholls (voir page 7) de Sigfox, spécialiste de la connexion bas débit, relève ainsi que connecter un objet à Internet ne coûte presque rien.
Pour les piloter tous, les smartphone, qui est lui-même un objet connecté, va connaître, dans les semaines à venir, des évolutions notables, avec l'émergence de standards pour que ces objets puissent communiquer entre eux. C'est le cas chez Microsoft, Intel, Samsung, Dell, Google, via sa filiale Nest, et Apple.
À quoi tout cela va-t-il donc servir ? Comme l'a évoqué l'un des responsables d'Apple à l'occasion de la dernière keynote destinée aux développeurs de l'écosystème Apple : "Il est dorénavant possible de définir des scénarios qui permettraient de regrouper différents appareils et de lancer tout un ensemble d'actions à la voix. Ainsi, lorsque l'on dira à Siri (le système de reconnaissance vocal d'Apple, NDLR), "je vais me coucher", HomeKit vérifiera que les portes et les volets sont fermés, que les lumières sont éteintes, que la température de votre appartement s'abaisse bien d'un degré...
Vous croyez que nous en sommes encore à imaginer des scénarios pour accompagner un film de science-fiction ? Absolument pas. D'ailleurs, tout cela devra être opérationnel avant la fin de l'année.
Les entreprises doivent créer une nouvelle relation entre l'objet et son utilisateur afin de les familiariser à l'Internet des objets. La technologie connaît un réel renouveau qui devrait être utilisé dès demain.
11 La réussite passe par l'acceptation
Pour Arnaud Dupuis (Genymobile), "la société est prête à communiquer ses données dès qu'il y a des services à récupérer". Selon lui, si "on accepte d'être épié en permanence, c'est pour avoir des services." Serions-nous naïfs ?
Il apporte toutefois une nuance, mais de taille : "Au-delà de l'usage, est-ce qu'il n'y a pas une question d'acceptation de l'Internet des objets ? La question que l'on me pose systématiquement quand j'ai mes Google Glass sur le nez, c'est "vous êtes en train de me filmer?"".
Concernant l'acceptation de la collecte des données, Jean-Baptiste Paccoud (Neoxia) est dans l'attente : "On a encore besoin d'apprendre et de voir comment les gens réagissent." Le sujet n'est ni l'Internet ni l'objet, mais bien le client.
Le SmartBand de Sony permet de contrôler la tension artérielle, le rythme cardiaque, le taux de glycémie...
Rafi Haladjian (Sen.se) se montre plus philosophe : "Je suis capable de mesurer les choses que je fais. Pour rien ! Il y a toujours cette question "à quoi ça sert de mesurer, de quantifier les données?" Je pense qu'à partir du moment où vous pouvez le faire pour pas cher, vous le faites. Si les consommateurs peuvent enregistrer des données et avoir une meilleure connaissance d'eux-mêmes, avec l'historique de leurs comportements, qu'ils peuvent consulter de temps en temps, pourquoi ne le feraient-ils pas ? Encore faut-il que ce soit des capteurs qui viennent se fondre dans la vie quotidienne. Et que cela ne nécessite de la part des consommateurs aucun effort. Aucun investissement. Rien."
L'Internet des objets, d'un point de vue marketing, ne serait donc plus un sujet dans les mois à venir. Tous connectés ?
Si on veut que l'Internet des objets devienne une réalité, il faut que les utilisateurs acceptent d'y passer et de ne plus s'en passer.
12 Interview avec Rafi Haladjian, CEO de Sen.se - "Le but du jeu est de connecter la vie, pas les objets"
13 Marketing : Pouvons-nous vous présenter comme le fondateur des objets connectés?
Rafi Haladjian : Je pense que oui. J'ai forgé le terme "objet connecté". Un jour, je visitais une usine de jouets en Chine. Un homme m'a présenté un ours en peluche auquel on avait ajouté de l'électronique en m'indiquant qu'il savait raconter 80 histoires en italien.
Cela a déclenché deux réflexions. La première, c'était que le métier de cet homme consistait à ajouter toutes les technologies disponibles pour faire évoluer ses produits. Il faisait, jusqu'ici des ours en peluche. Et comme les puces électroniques étaient devenues abordables, il les avait mises dans ses produits. La deuxième chose, c'était : "Il raconte 80 histoires en italien. Pourquoi seulement 80 et seulement en italien ?" Si l'on connecte cet ours en peluche à un réseau, il pourra raconter toutes les histoires du monde, dans toutes les langues.
14 Est-ce un grand mouvement qui est en marche ?
Je suis un peu déçu que cela n'arrive que maintenant. Le phénomène date de 2003. Les gens sont lents.
15 Votre nouvelle invention, Mother, est un objet dont l'usage n'est pas défini ?
Le but du jeu n'est pas de connecter les objets. Le but du jeu, c'est de connecter la vie. J'imagine que les gens n'ont pas 80 gadgets électroniques dans leur maison, qu'il faut recharger et pour lesquels il faut appuyer sur un bouton, regarder un écran, qu'il faut synchroniser avec une application... On imagine des systèmes qui viennent se fondre dans votre vie pour que vous puissiez vivre comme vous avez toujours vécu. Pour le moment, on est dans l'Internet des cadeaux de Noël, on n'est pas dans l'Internet des objets.
La relation avec les clients s'est faite de manière sporadique. Maintenant, on arrive à la situation où vous pouvez vivre avec vos consommateurs en permanence. Mon client n'est pas quelqu'un avec qui je communique, c'est quelqu'un avec qui je partage des expériences. Cela bouleverse les métiers, cela bouleverse les marques. En fait, cela bouleverse tout.
C'est à l'occasion de la Garden Party "come & connect", organisée par le Club des Annonceurs, que nous avons rencontré l'inventeur des objets connectés. Propos échangés.
16 Éclairages d'experts sur les défis créés par les objets connectés
17 1er expert : Thomas Nicholls (@thomasnicholls) - directeur marketing et communication Sigfox : "Nous allons parvenir à couvrir 95 % du territoire"
Qui connaît Sigfox ? Sigfox est l'une des rares sociétés spécialisées dans les réseaux bas débit. Son objectif est simple : offrir au plus grand nombre la capacité de relier des objets à faible coût. Cette solution de connectivité de réseau bas débit couvre actuellement 85 % du territoire français, avec pour objectif d'en couvrir 95 %. C'est un réseau indépendant totalement différent des opérateurs 3G / 4G que nous connaissons tous.
Son offre est très particulière : elle permet de collecter des petits volumes de données depuis un grand nombre d'objets. Ainsi, l'autonomie des appareils utilisant ce réseau bas débit est considérablement accrue. Sans parler du coût : de l'ordre d'un euro par an et par objet. Thomas Nicholls insiste sur le fait que "L'Internet des objets demande d'enlever ces freins que sont l'autonomie et le coût des réseaux."
L'offre de Sigfox est très spécifique, ses clients n'étaient pas des utilisateurs finaux mais des entreprises. Et notre interlocuteur de préciser : "Nous avons des clients dans tous les secteurs, dans le domaine de l'énergie pour gérer des compteurs d'eau, entre autres. Nous sommes agnostiques. Nous vendons juste un tuyau."
L'action de Sigfox touche déjà une partie de la population française : "Dans le Loiret, le conseil général offre à toutes les personnes âgées des boîtiers contenant un bouton de détresse. Elles ne peuvent pas utiliser une connexion wi-fi pour le faire fonctionner ni consommer trop d'énergie. Avec le réseau Sigfox, tout le monde peut l'utiliser."
18 2ème expert : Jean-Laurent Bouveret (@jlbouveret) - directeur NetObserver Harris Interactive : Le défi = gérer toutes les craintes associées
Harris Interactive propose, avec son étude sur les objets connectés, la vision des Français face à un phénomène qui les concerne tous. "Les seniors et les femmes sont les deux cibles les plus réfractaires aux technologies et, donc, aux objets connectés. mais dès l'instant où cela touche, à la santé et à la sécurité, les seniors y trouvent leur intérêt."
Quand Jean-Laurent Bouveret présente ce qui, pour lui, est un frein au fait que les objets connectés se diffusent sur le marché, il n'oublie pas que leur marketing est encore "balbutiant". Selon lui, il convient de renforcer l'accompagnement, afin que les consommateurs cessent de penser qu'ils sont confrontés à une déferlante de gadgets. Jean-Laurent Bouverte précise toutefois que "les Français sont bien conscients qu'ils n'achètent pas le bracelet connecté seulement pour le bracelet."
Reste que les bénéfices ne sont pas toujours clairement perçus. L'étude menée par Harris Interactive montre que "c'est plus abstrait pour des objets comme les Google Glass". Idem pour la montre connectée car "les bénéfices sont, pour la plupart des Français, totalement méconnus".
Si ces capteurs permettent de mesurer des choses dans tous les domaines, il faut que "ces objets soient associés à des fonctionnalités utiles". Sans cela, la perception "gadget" risque de perdurer. Sans compter que la peur d'une perte de contrôle est omniprésente. Il ne faut pas la sous-estimer.
L'Internet des objets pose de nouveaux défis aux entreprises comme celui de la technologie à utiliser ou les craintes des utilisateurs à gérer. Précisions grâce à deux experts.
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