Green marketing : objectif transparence
Directive CSRD, lutte contre le greenwashing, mesure commune de l'impact des activités... Les acteurs publics - français comme européens - ont pris à bras le corps le sujet de la décarbonation de l'industrie en encadrant, entre autres, la communication des entreprises. L'occasion pour elles d'asseoir leur positionnement écologique auprès des consommateurs.

Et si l'année 2025 était (enfin) placée sous le signe de la durabilité ? On le sait, cette notion est un facteur essentiel dans les décisions d'achat des ménages. D'après une étude publiée par Capgemini Research Institute en janvier 2025, alors que 64 % des consommateurs achètent des produits de marques responsables, 67 % d'entre eux changeraient de distributeurs en raison d'un manque de durabilité. Même si, selon la même enquête, ces derniers ne sont pas encore prêts à payer davantage pour promouvoir les produits plus respectueux de l'environnement, il est primordial pour les marques de prendre ce sujet au sérieux.
D'autant plus que, depuis quelques années - et surtout ces derniers mois -, plusieurs lois et règlements ont été mis en place pour inciter - voire contraindre - les entreprises à "verdir" leurs activités. "Nous voulons aller plus loin en matière de transformation écologique en redonnant confiance aux acteurs économiques pour qu'ils agissent de façon plus engagée dans cette direction", affirmait ainsi Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, lors d'une conférence de presse sur les "enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone" organisée le 27 janvier 2025 à Bercy.
L'obligation d'une communication transparente
Illustration avec la directive CSRD (corporate sustainability reporting directive) de l'Union européenne - adoptée en 2022 et transposée, à ce jour, par 18 pays de l'UE, dont la France - qui produira ses premiers effets en 2025. Empreinte carbone, consommation d'eau, utilisation des ressources et économie circulaire... Cette directive oblige les entreprises à se livrer à une communication transparente détaillée en matière environnementale et sociale.
L'occasion pour elles de rendre plus responsable leur fonctionnement et... d'en avertir les consommateurs pour valoriser leur image de marque. Voilà la principale raison pour laquelle l'année qui s'ouvre s'avère être particulièrement cruciale pour les marques en matière de green marketing. Et ce, même si toutes ne sont pas encore, à ce jour, concernées. "La directive CSRD est un véritable progrès. Toutefois, même si elle s'applique d'ores et déjà aux grandes entreprises, son processus doit être simplifié avant qu'elle ne s'adresse aux ETI et aux PME", estime le locataire de Bercy. Si aucun report - comme le suggérait Michel Barnier alors à Matignon - n'est décidé, tandis que les premières devront publier leur rapport en 2026 (pour l'exercice 2025), les secondes seront concernées à partir de l'année d'après.
L'essor du green marketing BtoB
En revanche, la suspension de la directive sur le devoir de vigilance européen pour les entreprises (CS3D) défendue par Éric Lombard lors de ses voeux du début d'année représente - selon des marques de premier plan comme Ferrero, L'Occitane, Unilever ou encore Nestlé - un regrettable retour en arrière. Pour rappel, celle-ci prévoyait, entre autres, la création d'un cadre réglementaire poussant les entreprises à "intégrer pleinement les considérations de durabilité dans leurs opérations et stratégies".
76 % des consommateurs ont le sentiment que les marques n'informent pas suffisamment sur leurs engagements.
Malgré tout, force est de constater que tous types d'entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité, BtoC comme BtoB, ont bien saisi l'importance de transformer leur fonctionnement et de communiquer autour de leurs actions environnementales. "Auparavant, seules les marques destinées au grand public adoptaient une stratégie de green marketing. Nous identifions toutefois aujourd'hui une montée des communications responsables au sein des entreprises BtoB" , observe David Garbous, cofondateur du collectif Réussir avec un marketing responsable et CEO du cabinet de conseil à impact Transformation Positive. Par exemple, Nexans, le géant français du câble à destination des électriciens professionnels, communique régulièrement autour de Cableloop, son service de recyclage dédié aux câbles électriques récompensé par l'or à l'occasion des Trophées Marketing BtoB 2024 dans la catégorie Impact positif. Mais attention, toutefois, à toujours bien rester dans les clous...
Des règles plus strictes pour prévenir le greenwashing
Détournement d'attention, manque de transparence, faux label... Le procédé de marketing utilisé par une marque pour se donner une image trompeuse de responsabilité écologique - appelé greenwashing (ou écoblanchiment en français) - représente toujours un fléau entachant quelque peu la confiance des consommateurs vis-à-vis des marques sur cette question de responsabilité sociétale des entreprises. Récemment, Coca-Cola a, par exemple, fait l'objet d'une plainte déposée par l'association France Nature Environnement pour "pratiques commerciales trompeuses" lors des Jeux olympiques de Paris 2024. La marque est, en effet, accusée d'avoir "induit en erreur le consommateur" sur ses promesses de réduction d'usage du plastique : après s'être targuée d'avoir mis en place un système de consigne sur les sites de la compétition, la marque s'est contentée de vider des bouteilles en plastique dans les verres, avant de les jeter.
Un phénomène de plus en plus pris au sérieux et sanctionné en France. Les peines auparavant prévues en cas d'actes s'apparentant à du greenwashing susceptibles de constituer des pratiques commerciales trompeuses pouvaient aller jusqu'à un emprisonnement de 2 ans et une amende de 300 000 euros (qui pouvait être portée à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité). Toutefois, dans le cas précis des allégations en matière environnementale, une loi promulguée en août 2021 durcit la sanction en portant ce taux à 80 %. De même, depuis 2024, lorsque l'allégation trompeuse a été diffusée en ligne ou par le biais d'un support numérique, les peines s'élèvent à 5 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende.
L'Union européenne également vigilante face à l'écoblanchiment
Parallèlement, alors que 9 Européens sur 10 souhaitent des règles plus strictes encadrant les pratiques de greenwashing (Eurobaromètre), l'Union européenne s'est, elle aussi, saisie de cette question des "allégations environnementales trompeuses". En mars 2024, une nouvelle directive portant sur les pratiques commerciales déloyales et sur les droits des consommateurs a ainsi été publiée dans le Journal officiel de l'UE. Celle-ci fixe des exigences minimales en matière de justification, de communication et de vérification des allégations environnementales explicites, améliorant ainsi les informations mises à la disposition des consommateurs afin de les aider à faire des choix circulaires et écologiques.
Par exemple, les produits dans l'ensemble de l'Union européenne porteront une "étiquette harmonisée" contenant des informations sur la garantie commerciale de durabilité. "Cette directive fera l'objet d'une transposition (en France) avant le 27 mars 2026" , précise le ministère de la Transition écologique. "Même si le greenwashing peut être matérialisé lorsque les marques abordent le sujet environnemental de manière trop simplifiée, les entreprises ont de moins en moins d'excuses, à travers l'ensemble des dispositifs mis en place, pour tomber dans ce piège. Cela n'empêche cependant pas que certaines marques cèdent encore aujourd'hui à cette tentation" , affirme David Garbous.
La mesure comme nerf de la guerre
Pour faire de leurs actions environnementales un véritable argument de vente, encore faut-il être capable d'adresser des messages de manière responsable. Et l'une des armes les plus essentielles dans ce dessein de "verdir" les activités publicitaires reste, sans aucun doute, la capacité des entreprises à mesurer l'impact de ces dernières. "C'est même ce qu'il y a de plus important pour optimiser le poids des campagnes, soutient Sophie Gherabli, programmatic director chez Jellyfish. Mais les annonceurs n'allouent pas forcément le budget nécessaire à la mise en place d'une solution de mesure" , remarque-t-elle. Pour pallier ce constat, l'agence a décidé d'offrir une analyse carbone chaque année à ses clients.
D'autres acteurs de la communication, à l'image de JCDecaux, ont aussi récemment lancé leur propre solution destinée à mesurer les performances environnementales de la publicité. En octobre dernier, le spécialiste français de la publicité urbaine a, en effet, déployé Eco Design Index, un outil capable de mesurer et de valoriser la performance environnementale de ses mobiliers urbains. S'appuyant sur 16 indicateurs environnementaux - parmi lesquels figurent les critères des matières premières, de la durabilité, de la circularité, mais également ceux de la consommation d'énergie, des transports ou encore des phases d'installation/désinstallation du mobilier -, ce dernier permet aux annonceurs de faire des choix éclairés pour la diffusion de leurs campagnes. Et les exemples de ce type se multiplient de mois en mois.
L'importance d'un référentiel commun
Toutefois, outre le manque de budget évoqué par Sophie Gherabli, l'absence d'un référentiel commun pour mesurer l'empreinte carbone des campagnes représente un autre problème que de plus en plus d'acteurs tentent de corriger. "C'est exactement ce que l'Alliance mondiale pour des médias responsables (GARM) de la Fédération mondiale des annonceurs et Ad Net Zero (ANZ) ont tenté de faire à travers la publication de la première version du Global Media Sustainability Framework (GMSF)" , explique la porte-parole de Jellyfish.
Présenté en juin 2024 lors des Cannes Lions, ce premier jet de référentiel international doit permettre une "mesure précise, cohérente et unifiée" des émissions carbone de l'industrie publicitaire sur six types de médias (digital, TV, OOH, presse, radio et cinéma). Bien que l'une des organisations à l'origine de cette initiative - la GARM - a, depuis, été dissoute, les dirigeants de l'Ad Net Zero assurent vouloir poursuivre les efforts pour déployer à grande échelle ce référentiel. "Nous devons mettre en place un personnel légèrement différent, mais le travail se poursuivra avec les mêmes priorités que celles que nous avions auparavant" , assurait alors Anthony Falco, directeur mondial d'ANZ, en août dernier.
De son côté, DK, la solution plurimédia de mesure et de pilotage carbone, a récemment intégré dans son moteur de calcul le référentiel lancé en septembre 2024 par le Syndicat des Régies Publishers (SRP) qui regroupe une vingtaine de régies publicitaires. Ainsi, pour les campagnes presse, par exemple, des critères tels que la production d'emballages, le poids des palettes utilisées lors du transport des supports ou encore la prise en compte de la version numérique (PDF) sont désormais analysés pour permettre aux annonceurs de se baser sur la même méthodologie de mesure, complète et standardisée, constituant ainsi plusieurs avancées supplémentaires vers la décarbonation des activités des entreprises. Seront-elles suffisantes pour booster considérablement l'image des marques auprès des consommateurs et atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 ?
Place aux green influenceurs !
Dans le cadre de leur stratégie de green marketing, de plus en plus d'annonceurs font appel à des créateurs de contenu engagés pour l'environnement - appelés "green influenceurs" - dont la mission est d'inciter les internautes à adopter une consommation plus responsable. "Nous identifions aujourd'hui une certaine lassitude des consommateurs vis-à-vis des influenceurs qui appellent quotidiennement à la surconsommation. L'enjeu pour les marques engagées est de collaborer avec des créateurs de contenu qui partagent leurs valeurs afin de diffuser des messages authentiques et cohérents" , explique Myriam Badens, head of account & publisher management chez Affilae, spécialiste français du marché du marketing d'affiliation. D'après elle, le recours à ces green influenceurs permet aux annonceurs de "paraître légitimes aux yeux des consommateurs sur les sujets RSE" . Et d'améliorer, au passage, leur notoriété, à l'image du programme d'affiliation éthique de Label Emmaüs. "Les Français connaissent les boutiques solidaires locales Emmaüs, mais n'ont pas vraiment l'habitude de chiner sur Internet. En faisant appel à des créateurs de contenu, l'idée était de faire connaître la plateforme e-commerce de l'association, tout en mettant en avant ses engagements en valorisant la seconde main", indique Myriam Badens. À travers des partenariats avec des influenceuses engagées comme Ali Emeriaud et ses 212 000 followers sur Instagram, Pauline Clea (127 000) ou encore lilix.lilix (94 000), la plateforme Label Emmaüs est ainsi parvenue à enregistrer 40,7 % d'abonnés supplémentaires sur le réseau social en 6 mois. Sur cette même période, la boutique en ligne a généré plus de 123 000 euros de chiffre d'affaires.

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