[Cannes Lions 2024] Quelle doctrine pour l'IA aux Cannes Lions ?
Comme les réseaux sociaux il y a quelques années, les acteurs de l'intelligence artificielle sont en passe de devenir les nouveaux acteurs incontournables de la Croisette. Mais comment cette technologie est appréhendée au coeur des Cannes Lions, dans ses prix publicitaires ?
Je m'abonneElle a permis de générer une vidéo de la joueuse de tennis Serena Williams de 1999 pour l'opposer à la Serena Williams de 2017 dans une campagne hommage de Nike conçue par l'agence AKQA (Grand prix des Cannes Lions dans la catégorie Digital craft en 2023). Elle est à l'origine d'un dispositif de recommandation de repas basé sur l'eyetracking élaboré par Wunderman Thompson pour l'application de livraison saoudienne HungerStation's (Grand prix Creative commerce en 2023). Au festival de la créativité publicitaire, l'intelligence artificielle est désormais partout en 2024. L'an dernier, 7,3 % des cas inscrits aux Cannes Lions utilisaient ainsi cette technologie, selon le recensement établi par l'organisateur. En 2022, cette part n'était que de 3,7 %.
Au point que, cette année, le festival a introduit un "AI disclaimer" qui requiert des agences qu'elles mentionnent si elles se sont appuyées sur l'IA "pour aider le jury à juger le travail de manière équitable, avec tous les détails nécessaires". Ce qui ne signifie pas pour autant que "l'IA est considérée comme une forme de triche", tient à préciser Clément Scherrer, directeur général en charge des stratégies chez Buzzman et membre du jury shortlist de la catégorie "creative strategy".
L'IA reste encore un outil émergent dans la publicité. Karim Naceur, global head of TV production chez BETC et juré dans la catégorie Film craft, s'étonne ainsi de ne presque pas avoir visionné de campagnes y ayant recours. "D'ici 4-5 ans on devrait voir beaucoup plus de campagnes autour de l'IA lorsque l'outil sera arrivé à maturité, à terme il pourrait même y avoir une catégorie dédiée", imagine-t-il.
Les sentiments mitigés du marché publicitaire vis-à-vis de l'IA
À condition qu'elle fasse ses preuves. Car au lancement des premiers outils génératifs, le milieu créatif s'est plutôt montré méfiant face à cette innovation. "Les agences craignent que l'IA remplace des métiers dans les agences voire génère des campagnes créatives", analysait l'an dernier auprès d'Emarketing.fr Pierre-Jean Bernard, head of digital de McCann Paris et juré des Cannes Lions 2023. Si "l'IA rend infini le champ des possibles, avec pour seule limite l'idée", dixit Karim Naceur, "elle ne remplacera jamais l'humain". Ainsi le jury de la catégorie Craft lion a éliminé la campagne de l'agence The Marcom Engine pour BMW qui mettait en scène l'influenceuse virtuelle Lil Miquela car "malgré la technologie bluffante, on a encore des difficultés à faire passer des émotions par l'IA", rapporte-t-il.
De quoi rassurer les agences sur leur rôle auprès des annonceurs, même si elles exploitent déjà les propriétés de l'IA pour gagner en efficacité sur des tâches à faible valeur ajoutée - BETC s'en sert par exemple pour modifier sans effort la couleur de voitures Michelin sur des bannières. "Les grandes idées créatives seront toujours générées par des créatifs", résume Clément Scherrer. D'autant que l'étiquette IA a tendance à être collée sur des dispositifs qui n'en sont pas toujours - pour y voir plus clair durant les Cannes Lions, Publicis a d'ailleurs mis en ligne un "détecteur de bullshit IA".