DossierRéveillez vos marques
Des hauts et des bas. Toutes les marques connaissent des périodes de creux. Certaines ne passent pas la vague, se noient et disparaissent. D'autres reviennent et c'est l'affaire du remarketing. Quels sont les secrets de ces renaissances ?

Sommaire
1 Des marques et des hommes, le retour
« La France est un pays de vieilles marques. On les appelle souvent des maisons, d'ailleurs. Installant de facto une intimité presque familiale. Alors, quand elles vont mal, nous cherchons les responsables, explique Jolanta Bak, présidente du cabinet Intuition, qui accompagne les marques dans leur stratégie marketing. On a le nom des coupables, on les connaît !, plaisante-t-elle. Une marque qui disparaît, c'est d'abord un dysfonctionnement humain. Une surdité à ce que disent les clients. Et plus la surdité s'installe, plus les dégâts sont grands. Car les signes d'un déclin sont visibles très tôt. Une marque ne meurt pas du jour au lendemain »
C'est en allant très simplement au contact du marché dans la vraie vie que l'on prend conscience de cette évolution. En se promenant dans les rayons des magasins, en lisant ce qui se dit de sa marque et surtout en observant les gens dans la rue, partout, et tout le temps... « De trop nombreux responsables marketing voient évoluer leur produit sur des PowerPoint, en lisant des verbatims de focus groupes quali, constate Patrick Mercier fondateur de l'agence Change. Une distance s'installe alors. Aller au contact de son produit est tout de même la base ! » Mais oser se remettre en question n'est pas facile.
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2 Évoluer : une vraie nécessité
Car une marque est un d'abord un organisme vivant et unique. On s'appuie sur son humus (NDLR : d'autres parlent d'ADN... mais ça, c'était avant, tant le terme est usé jusqu'à la corde). Pour réussir, il faut des hommes et des femmes connectés au réel. « Les marques bien gérées continuent à vivre. Seuls disparaissent les mauvais gestionnaires de marque », disait George Bull. Une fois cet aphorisme posé, comment faire pour que les gens du marketing se transforment en princes charmants pour réveiller la belle endormie ? « Se remettre en question ne va pas de soi, continue Patrick Mercier. Le marketing est une discipline pleine de certitudes et d'orgueils. Un peu de modestie éviterait bon nombre de faillites. » La remise en question prend du temps. Deux ans, en moyenne. C'est aussi la durée de vie d'un directeur marketing... Il y a donc un problème de ressources humaines évident. Une stratégie de remarketing n'est pas un sprint. On peut activer les leviers de la promotion pour relancer les ventes ou acheter de l'espace publicitaire, mais c'est très ponctuel. Il s'agit en fait d'un marathon. Long, douloureux mais noble. Certaines personnalités n'en sont pas capables. Et surtout, elles ne ressemblent pas à la marque dont ils ont la charge. Quand on les côtoie, cela saute aux yeux (il ne s'agit pas ici d'en faire la liste). À l'inverse, lorsque Véronique Gohmann, directrice marketing d'Yves Rocher, pilote le remarketing de cette maison qui arrive toujours en tête des marques préférées des Français, c'est absolument cohérent.
Cette ancienne maquilleuse à domicile n'est pas "formatée" par un parcours en grande école de commerce, mais elle est en résonance avec sa marque. Quand Alain Prost (ex-patron de La Perla et de Chantelle) reprend en janvier 2012, une partie de la marque Lejaby en créant La Maison Lebaby, ce n'était pas gagné d'avance. Affaire politique, licenciements, drame social récurrent dans le textile... Il y met toutes ses économies, son énergie et son talent. À l'issue du premier défilé, il pleure devant les caméras de télévision. Il a repris 195 salariés (sur 450), vient d'embaucher 25 personnes et termine 2013 avec un chiffre d'affaires en hausse de 20 %.
3 Les entrepreneurs repreneurs
En France, les exemples de reprises heureuses foisonnent. Jean-Marc Gaucher à la tête de Repetto, Bernard Reybier chez Fermob, Sylvain Orebi pour Kusmi Tea, Robert Dodd chez K-Way ou Jean-Pierre Barjon avec Lorina ont relancé des pépites. Mais l'époque est aussi à la conscience citoyenne de "faire quelque chose" contre les fermetures d'usines. C'est le cas de Guillaume Allié. Ce pharmacien, élevé en face d'une vieille maison d'huiles essentielles en Alsace, n'a pu se résoudre à laisser mourir la marque Olbas. Les propriétaires partaient à la retraite, sans repreneur. « Consommateur, je me sentais responsable de cette marque et de son histoire, dit-il simplement. C'est ma madeleine de Proust ! Cette odeur, je la respirais tous les jours. Je me suis lancé. » Nouveau pack, nouveau nom (LHEA pour Les Huiles Essentielles Allié), référencement chez les grossistes, campagne de RP en famille... Cela fonctionne : trois fois plus de ventes que prévu. Le système juridique des Scop (sociétés participatives et coopératives) est en hausse de 15 % depuis quatre ans. Leur taux de pérennité atteint 82,5 % au bout de trois ans d'activité (contre 66 % pour les entreprises en général). Les meubles pour enfants Vibel viennent de choisir cette voie pour ne pas disparaître. Une marque appartient aussi à ceux qui la font.
Paru dans Marketing n°173 de février 2014
Jolanta Bak accompagne les marques dans leurs réflexions stratégiques. C'est une spécialiste des signaux faibles, de l'innovation et de l'intuition. Rencontre vitaminée.
Une marque rencontre-t-elle toujours une phase de déclin ?
La fatalité n'existe pas. Il y a des marques bien gérées, d'autres pas. Ce qui a changé aujourd'hui, c'est que leur avantage compétitif n'est plus durable. Car tout le monde imite tout le monde. Pour durer, il faut être en résonance avec son époque. Capter les émergences, accorder de l'importance à la prospective, aux nouvelles cibles. Écouter les frustrations. Il s'agit d'intuition. C'est une compétence rare et peu encouragée dans les grandes écoles et les entreprises, en général.
Qui est alors responsable ?
Tout dépend des dirigeants, en réalité. Ce sont eux qui tuent les marques... On parle de mauvaise gérance. Pour relancer une entreprise, il faut des compétences précises. Parmi les responsables marketing, trois catégories se distinguent. D'abord, les intuitifs solitaires. Ce sont des profils très rares. Des électrons libres à l'intelligence fulgurante. Mais le gros de la troupe est constitué de frileux ou d'indifférents. Ceux-là n'ont pas choisi leur marque. Ils sont de passage. Ce sont les champions de la cosmétique du pack, par exemple. Ces conservateurs exposent la marque à son érosion. Autistes face aux problèmes, ils opèrent souvent dans de très grands groupes.
Rien entre les intuitifs brillants et les frileux dangereux ?
Si, les investis volontaires ! Ils prennent des risques. ce type de personnes fait preuve de courage et d'audace, en prêtant attention à tous les problèmes. Ce sont eux qui "déperfusent" aussi les marques plongées dans un coma profond.
Quand une marque s'endort, la personne qui préside à sa destinée aussi ! Pour remarketer une marque, il faut un directeur marketing courageux.
4 Le design comme réveil
« Le design est la première preuve d'amour d'une marque pour ses consommateurs », résume l'agence Desdoigts et Associés. Et que fait-on quand on veut plaire à l'être aimé que l'on sent s'éloigner ? On se donne les moyens d'être séduisant(e) à nouveau. D'abord, on se regarde dans le miroir et on compte les chances qu'il nous reste. C'est la même mécanique pour les marques. « Le design futile cède la place au design utile, aujourd'hui, explique Olivier Saguez, président de l'agence Saguez&Partners. Nous sommes dans un temps où la valeur d'usage prime désormais sur la valeur d'image. » Nous ne sommes plus que 36 % aujourd'hui à acheter un produit parce qu'il est beau, contre 45 % en 2006 (1), par exemple. Le temps des paillettes, des emballages superflus et de la cosmétique gratuite (mais chère) semble révolu. « La crise a eu au moins ceci de positif : elle a forcé les directions marketing à être plus intelligentes avec moins de budget », continue le designer. Les marques se demandent à nouveau "À quoi sers-je ? Pourquoi suis-je née ? Pour répondre à quels besoins ?" Si le contrat d'usage n'existe plus, pas la peine d'insister.
Que ce soit dans ses produits, son image, ses prises de parole, ses services, ses lieux physiques ou virtuels, le design se recentre sur le fond - avant la forme et l'esthétisme - en exagérant les preuves de la marque. La "brand essence" comme disent les Anglo-Saxons. Quand K-Way est rachetée par l'Italien Basic Net (Kappa, Superga), le design n'est que très légèrement revu. L'élastique aux trois bandes est même mis en avant. « L'intelligence des Italiens a été de ne pas corrompre le sens et la cohérence du produit », explique Robert Dodd, qui préside à son retour en France avec l'ouverture de deux boutiques monomarque à l'automne dernier. « Léon-Claude Duhamel, le créateur de la marque en 1965, reconnaîtrait son produit aujourd'hui ! Il est toujours pratique, léger, imperméable et unisexe », renchérit-il. Les stylistes ont simplement cintré la coupe des modèles iconiques (Le Claude et le Jacques), par exemple. L'univers de la mode reste un vivier pour le remarketing... Face aux géants de la "fast-fashion" (Zara, H&M et Primark en tête), bon nombre de marques ont souffert, souffrent et souffriront. Dernière en date : Alain Manoukian, qui vient de déposer le bilan. Mais d'autres ont résisté, en capitalisant toujours sur leur design d'usage. Les marques Villebrequin, Camper, Aigle, Petit Bateau, Converse ou Burberry's ne se sont pas reniées malgré les difficultés et sont restées fidèles à ce qu'elles sont. « L'honnêteté est perceptible en marketing et le design en est souvent la première manifestation, explique Louis Comolet, directeur de l'agence de design CLTG. Consommer pour consommer, c'est terminé ! Les clients ont besoin de réassurance. Et lorsqu'une marque nous laisse carte blanche pour travailler, on effectue un exercice d'intimité, un marketing de la sensibilité. »
Se réveiller en s'étirant. Un réflexe. C'est aussi ce que font certaines marques pour revenir dans la course. Ce stretching peut cependant virer au claquage. Quand Christofle change de territoire avec ses bijoux Space Invaders, c'est toujours de l'argent que la marque utilise comme matière. Elle reste cohérente pour les clients qui ne peuvent s'offrir de plus grosses pièces dans le précieux métal. On achète un petit bout de luxe tout de même. Quand Eastpack, la marque badge des ados, propose des étuis pour smartphones et tablettes, on arrive à comprendre.
5 La tentation du stretching
En revanche, lorsque Ladurée - marque reprise par le groupe Holder en 1993 et qui affiche un chiffre d'affaires multiplié par dix depuis - se lance, avec le Japonais Albion, dans les cosmétiques avec "Les Merveilleuses", le pari est très risqué. Certes, la marque s'est considérablement réveillée depuis son rachat, mais ce dernier stretching ne semble pas "prendre" (du moins en France). "Le pack est plutôt bas de gamme pour un prix élevé. On est dans le futile, tendance gadget. Pour un blush, je préfère une vraie marque de maquillage", lit-on sur les blogs des modeuses françaises. Cela peut, en revanche, fonctionner en Asie, où "le chic-à-la-française" se vend toujours très bien, notamment auprès de la classe moyenne. Mais là où le design peut prendre tout son sens en matière de remarketing, c'est avec la stratégie dite de "collaboration" (NDLR : recours à un nom du design pour signer une collection, un événement, etc.). Il s'agit d'associer son nom et son image à la patte d'un designer. Quand Marc Jacobs, le directeur artistique de Louis Vuitton, demande à l'artiste contemporain Takashi Murakami de réinterpréter le célèbre monogramme LV - l'un des logos les plus copiés au monde - en y ajoutant de la couleur, il "bouscule" les codes de la marque. Les ventes de Louis Vuitton ont été multipliées par dix en dix ans, notamment grâce à l'audace de son design. En grande consommation, la tendance n'est pas nouvelle - il suffit de considérer l'alliance entre Andy Warhol et les soupes Campbell - mais s'intensifie.
6 Se renouveler grâce à un designer
La marque de café Illy, l'une des rares firmes mainstream à posséder un directeur artistique en interne (Carlo Bach), collabore régulièrement avec des artistes dans le cadre de son projet d'entreprise, baptisé "Illy Art Collection". Daniel Buren, Michelangelo Pistoletto, mais aussi Jeff Koons ou Anish Kapoor sont collaborateurs de la marque italienne. C'est une ficelle très utilisée et qui fonctionne en général très bien. Les clients se diront toujours, même s'ils n'apprécient pas le résultat - car rien, n'est plus subjectif que le beau et le laid - que leur marque "bouge" et ose quelque chose.
Si une marque "patine", c'est qu'elle est peut-être mal comprise. Revenir en faisant de la (bonne) pédagogie, est également un levier qui peut s'avérer redoutablement efficace. Le brand content aide mais n'est pas suffisant. Il faut montrer les choses, et c'est par le design d'usage que l'on y parvient. TupperWare aurait pu disparaître mais la marque, qui vient de fêter ses 50 ans, s'est adaptée aux usages. Des ateliers culinaires (500 000 / an) façon Top Chef ont remplacé les réunions canapés statiques. Les clients participent, testent et dégustent in vivo. Deuxièmement, la marque avait anticipé le boom de la vente directe. Consommer autrement, plus qu'une mode une tendance lourde... Autre mécanique pour surprendre : créer des lieux. Meccano vient d'ouvrir sa ludothèque à Calais, Valrhona, sa Cité du chocolat à Tain-l'Hermitage.
1) Source : Observatoire France Sociovision, novembre 2013.
Vous qualifiez votre approche de "primal design". Qu'est-ce que c'est ?
C'est une approche chirurgicale. On ouvre, on regarde, on analyse et on émet des hypothèses en fonction du brief du client. On s'appuie sur l'existant, on ne détruit rien. C'est de la création stratégique. Nous avons, par exemple, bousculé la marque Christofle avec deux collections : les bijoux Space Invaders et AG47.
En quoi était-ce revivifiant pour cette marque née au XIXe siècle ?
Pour la collection de bijoux Space Invaders, par exemple - en référence au jeu vidéo star des années 1970 -, l'idée était de s'inspirer de ces personnages que tout le monde connaît sans dire réellement pourquoi. L'artiste Invaders en couvre les murs des villes du monde depuis 1988. Le bijou en argent a été lancé au Palais de Tokyo, en 2010. Un succès pour la marque, qui s'est ainsi approprié les codes du street art, alors qu'elle est davantage connue pour ses ménagères en argent.
Que signifie AG47 ?
Sur le tableau périodique des éléments(1), le symbole chimique de l'argent, c'est AG47. Le mentionner, c'est revenir aux fondements de la marque et dire que tout part de cette matière. Un code au départ mystérieux ; mais, une fois expliqué, les clients se l'approprient. La connivence se crée. Mais là où nous avons vraiment bousculé la marque, c'est avec la collection Graffiti. On l'a désanoblie avec des cours, des "Je t'aime" graffés. Comme on le ferait sur un arbre ou un bureau d'école. C'est très enfantin aussi. La collection fonctionne très bien !
(1) Tous les éléments connus ont des codes chimiques inscrits sur la table de Mendeleïev.
Design. Un mot magique pour désigner les signes qui différencient une marque. Il demeure incontournable pour réveiller une marque.
7 Le contenu, mon meilleur allié
Elle a couru toute la ville. Pas longtemps, c'était loin et compliqué. Mais c'est "ça" qu'elle voulait, et pas autre chose. Elle, c'est une consommatrice comme tout le monde. Pragmatique, exigeante, informée et qui opère des arbitrages économiques un peu forcés en ce moment. Les 46 % de Français qui se disent "étranglés financièrement"... c'est elle. Elle ne fait pas (encore) partie des 73 % de Français qui se disent "blasés" par l'exercice de la consommation, mais, comme 68 % d'entre nous, elle n'achète que de l'utile. Et l'utile, en marketing, c'est d'abord un bon produit. L'adage populaire "il faut donner sa chance au produit" s'est enrayé. Et les marques patrimoniales et historiques ont toutes leur chance aujourd'hui, car elles apportent de la sécurité dans un monde devenu très incertain. « Le filon de la nostalgie fonctionne à plein régime, confirme Clémence Sanlis, directrice d'ID Map, agence de création entre planning stratégique et études quali. Transposer d'anciens codes en 2014 est cependant un exercice complexe. Le revival doit d'abord s'attacher au contenu. »
Bernard Reybier, p-dg de Fermob, la marque de meubles d'extérieur en fer coloré qui, des cours de Roland-Garros à Times Square, n'en finit pas de séduire, avoue sans détour : « Au départ, je n'ai pas fait de marketing. Quand j'ai repris l'entreprise Fermob, en 1989, les affaires allaient mal. Le mobilier de jardin subissait de plein fouet la concurrence du mobilier en plastique, notamment d'origine asiatique. J'ai donné la priorité à l'usine, aux 12 ouvriers qui fabriquaient les produits. J'étais convaincu que le mobilier en fer n'était pas mort. » Cet ex-directeur marketing dans l'agroalimentaire s'est entouré de designers et a testé la couleur sur métal. À l'époque, cela n'existait pas. « La très petite taille de notre organisation nous permettait de tester nos idées quasiment en temps réel. Ce n'est que cinq ans plus tard, en 2004, après avoir eu la confirmation que l'on pouvait faire du durable, de l'utile et du beau avec les produits que j'ai voulu faire de Fermob une marque », poursuit le p-dg.
Aujourd'hui, Fermob compte près de 200 personnes (sept sur les 12 personnes que comptait l'entreprise au départ sont toujours là), 250 références dans 25 couleurs, 1 000 revendeurs et sept personnes dans le service marketing. L'entreprise, basée à Saint-Dizier-sur-Chalaronne, dans l'Ain, vient de lancer une nouvelle gamme, "Les Pièces Rapportées", pour couvrir tout le segment de l'outdoor avec des accessoires et a finalisé une opération de croissance externe avec le rachat de l'entreprise Roland Vlaemynck, entreprise spécialisée dans le mobilier de jardin, piscine... Fermob se définit comme une "marque intrépide".
Il y a des ficelles qui finissent par lasser. L'utilisation du préfixe "re", dans le marketing, et plus précisément dans la communication, en est une. Réenchanter, réinventer, régénérer, ressusciter, reconsommer... Les marques qui résistent sont celles dont le marketing est un processus continu. Parler de remarketing, c'est s'avouer qu'il est déjà un peu (trop) tard.
Pullman est une marque connue, mais le grand public ne sait pas toujours pourquoi. Comment l'expliquez-vous ?
Pullman représente le confort. On l'emploie comme un substantif, d'ailleurs. Un bus Pullman est un bus confortable. Cette marque, créée à la fin du XIXe siècle aux États-Unis par Georges Pullman, a réinventé le voyage sur rail avec les premiers wagons-lits. Elle a été reprise en 1993 par le groupe Accor (1). Nous avons travaillé sur son universalité et sur l'esprit initial du confort en voyage.
Un chantier qui ressemble à du "gros ouvre" ?
Accor a fait le choix du luxe avec Pullman. Quand la stratégie est claire, les travaux se déroulent bien ! Nous nous adressons à des personnalités cosmopolites et hyperconnectées. Le "blurring" est leur mode de vie. Soit une extrême porosité entre vie professionnelle et vie personnelle. Nos hôtels sont des lieux de vie et de travail. Nous avons, par exemple, réinterprété la salle de réunion avec "Business Playgroung", signé Mathieu Lehanneur. Plus chaleureuse et moins formelle.
Qu'est-ce que le terme "remarketing" vous évoque ?
D'abord, un fort ancrage terrain sur son secteur. Ensuite, travailler avec les opérationnels en contact avec les clients, intégrer le processus RH dans toutes ses actions. Tester en permanence les idées et enfin être humble sur des sujets que l'on ne maîtrise pas.
(1) En 1993, la fusion avec la marque Sofitel n'a pas fonctionné. Pullman a repris sa liberté en 2007. Il y a aujourd'hui 77 hôtels Pullman dans 23 pays.
Le contenu désigne les détails qui font qu'une marque n'est pas substituable à une autre. Si cela devient flou pour le client, il faut agir.
8 Commerce : inspiration client
Le retail est un mot qui vient du français. Du verbe "retailler", exactement. Comme le couturier qui adapte son ouvrage à son client. Couper, recoudre et essayer encore pour que le tombé soit bon. Le commerce, c'est ça. Si le client ne revient pas, vous n'êtes pas un bon commerçant. « C'est un secteur de perpétuelle remise en question. Ceux qui réussissent ont tous pris des risques, affirme Valérie Piotte, directrice de Publicis Shopper, agence qui accompagne certaines enseignes dans leur mue. Le remarketing ne devrait pas exister, je crois ! » Quand on interroge les experts du secteur, ils disent peu ou prou la même chose : "back to basics !" Et la base est constituée de la relation client. « C'est très simpliste comme approche. Mais si le client n'est pas attendu, ne se sent pas à l'aise, il dépensera ailleurs, autrement, et notamment sur le Net », poursuit la dirigeante. Les enseignes ont quasiment toutes repensé leur parcours d'achat en proposant de nouveaux concepts architecturaux (Tati, Eram, Heyraud, Nicolas ou Yves Rocher en tête), depuis une dizaine d'années environ. « Mais les clients vont plus vite que les magasins. Après le grand mouvement d'esthétisation du secteur marchand, ils veulent de la fluidité, de l'autonomie, de la reconnaissance et une qualité de service irréprochable. En un mot ce qu'offre le Net », note Valérie Piotte. Or, un magasin qui ajoute une brique digitale à la fin de son parcours client ne peut qu'échouer... Une grande enseigne de prêt-à-porter (qui tient à son anonymat) résume le fantasme de la digitalisation de son réseau par le sibyllin "ce qui fonctionne le mieux dans cette histoire de digitalisation... c'est le service gratuit de recharge de téléphones portables. Le reste n'a jamais pris !" On ne revient pas dans la course avec des effets "wow", type mur de commentaires, tweet mirror ou borne pour passer sa commande tout seul.
Le designer Olivier Saguez, explique que « si les gens sortent de chez eux pour passer la porte d'un magasin, ce n'est pas pour parler à un écran mais à une personne ». Lassés par des enseignes qu'ils détestent - 66 % des Français affirment que le commerce ne les comprend plus(1) - les consommateurs envisagent des voies alternatives au commerce classique. La vente directe, par exemple, enregistre des records (+ 4 % en 2013, selon la Fédération de la vente directe, ). Une manière de consommer entre soi, avec sa tribu, au chaud ... 25 millions d'actes d'achats l'an passé. Tout se vend par ce canal. De la lingerie jusqu'à l'épicerie fine, en passant par des placements financiers. Signe qui ne trompe pas : Yves Rocher y est présente, avec les marques Stanhome et Siotis, par exemple. Lapeyre aussi, avec K par K...
Autre relais de croissance, que les distributeurs ont mis au point avec succès : le drive. Le nombre de points de retrait dépasse aujourd'hui celui des hypermarchés.
Enfin, 2013 aura signé le grand retour d'un marronnier du commerce. Petit, certes, mais à ne pas négliger. L'ambulant et son camion. Tout a commencé par les célèbres food trucks, qui abordent les clients là où ils sont : dans la rue. Depuis, des beauty trucks (salons d'esthétiques, barbiers...) sont apparus. Indice de la popularité de ce nouveau format de point de vente : Monoprix teste son propre camion, Starbucks aussi. Proximité et mobilité deux pistes à creuser.
(1) Source : Observatoire Shopper Mind Altavia, septembre 2013.
L'avènement du commerce multicanal contraint les retailers à miser sur la désirabilité de l'offre.
9 Les marques disparues
Pleyel
La marque de piano fondée en 1807 a annoncé fin 2013 l'arrêt de son activité. Les ateliers de Saint-Denis ne fabriquaient plus que 20 pianos par an, contre 1 700 en 2000. Pleyel avait pourtant obtenu, en 2008, le label "Entreprise du patrimoine vivant (EPV)" et avait opéré un virage stratégique vers le haut de gamme (piano à queue, notamment). La marque continue cependant à vivre avec un lieu connu des mélomanes du monde entier : la Salle Pleyel.
Pastador
Pâte à tartiner inventée par Côte d'Or pour contrer le Nutella en 1952. Retirée de la vente en 1990 devant la puissance de la marque italienne (Ferrero) et la montée des MDD. Une pétition lancée par "le mouvement pour le retour du Pastador" est lancée 20 ans plus tard. La marque revient confidentiellement en 2013 dans le Nord de la France. Les combats type "David contre Goliath" séduisent toujours quelques consommateurs ...
Vache Grosjean (ex-Vache Sérieuse)
Accusée de contrefaçon par La Vache qui Rit (groupe Bel), et après dix ans de procès, La Vache Sérieuse devient en 1959 La Vache Grosjean. Elle disparaît peu à peu des rayons. Copier, c'est toujours se mettre d'emblée en position de concurrence...
Spring Gum
La marque préférée des amateurs de grosses bulles des années 1980 n'a pas résisté à la déferlante des gommes à mâcher sans sucres, synonymes d'hygiène bucco-dentaire. Le mâcher utile a remplacé le mâcher plaisir. De plus, il y avait, en face, l'indétrônable Malabar.
Virgin Megastore
Le 12 juin 2013, le rideau tombe sur l'enseigne Virgin Megastore. L'enseigne, arrivée en 1988 en France, n'a pas résisté à la concurrence de la numérisation des biens culturels. Si la fermeture du vaisseau amiral des Champs-Élysées a ému l'opinion, c'est au total 26 magasins et près de 1 000 emplois qui disparaissent. Le projet de "souk culturel" du cofondateur de l'enseigne, Patrick Zelnik (avec Richard Branson), n'a pas convaincu le tribunal de commerce.
Effacées des radars de la consommation, certaines marques n'ont pas su résister à l'érosion inéluctable du temps.

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