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LA BDD CLIENTS UNIQUE, UN MODELE ENCORE PEU PRIVILEGIE

Si les marketeurs s'accordent sur la pertinence d'une base de données unique multicanal au sein du paysage marketing d'aujourd'hui, le passage à l'acte tarde à s'opérer. Malgré quelques initiatives, le coût financier et les mutations organisationnelles qui en découlent freinent encore les directions générales des grandes entreprises françaises.

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Dans un monde marketing idéal, chaque entreprise disposerait d'une base de données clients unique qui offrirait une vision à 360° de chaque client. La réalité, elle, est bien différente: malgré la multiplication des canaux (papier, Web, centre d'appels, points de vente...) et donc des données, peu d'entreprises ont engagé des investissements pour mettre en place une BDD clients centralisée.

Frédéric Péronne (Soft Computing):

«La constitution du socle n'est pas le plus lourd. Le plus coûteux, c'est le déploiement sur tous les points de contacts.»

La faute, entre autres, à un coût de mise en oeuvre élevé mais aussi aux changements organisationnels que cela implique. Après plusieurs années durant lesquelles les bases de données ont été pensées «par produit» ou «par canal de distribution», les entreprises ont entamé un recentrage autour du client avec une ambition: construire un référentiel unique. Une réflexion qui, si elle a démarré depuis près de dix ans, commence tout juste à se traduire par des projets concrets.

Parmi les secteurs les plus avancés en la matière, on retrouve les banques, les distributeurs ou les télécoms, amenés à gérer beaucoup de données, souvent complexes, et qui nécessitent une gestion centralisée de leur clientèle. Le géant de la distribution américain Walmart, à ce titre, fait figure d'exemple avec le plus important entrepôt de données (datawarehouse) au monde. Avec 3 600 magasins qui accueillent chaque semaine plus de 100 millions de clients, Walmart possède une base de données clients unifiée d'environ 500 To (1 téraoctet vaut 1 024 gigaoctets). «Walmart a choisi de gérer toutes les données clients, produits et fournisseurs au sein d'une même plateforme», indique Robert Clamart, en charge des solutions CRM chez Teradata, l'éditeur spécialisé dans les grosses entreprises, justement choisi par Walmart. Avec IBM et Oracle, celui-ci fait partie des trois principaux éditeurs mondiaux de datawarehouse.

Des difficultés liées aux coûts et à l'organisation

Ces acteurs du datawarehouse ont multiplié leurs efforts pour que la gestion de millions de données clients en temps réel ne soit plus un obstacle technique. Alors, dans ce cas, pourquoi la mutation vers la constitution de BDD unifiée est- elle si lente? «La normalisation des structures, des nomenclatures, des procédures et des logiciels, ainsi que l'étape du dédoublonnage représentent de véritables difficultés pour les entreprises», explique Jean-François Goglin, consultant international chez Alizé Coms et auteur du livre Le datawarehouse pivot de la relation client. Pour les bases très importantes, l'étape du dédoublonnage peut, en effet, être très fastidieuse et peut durer, selon l'auteur, plusieurs années. Même son de cloche chez Business&Decision: «Un grand projet de mise en place d'une vision unique du client requiert une centaine de personnes mobilisées pendant 18 mois. Pour des projets plus modestes, il faut compter cinq mois de travaux comme cela a été le cas pour notre client CDiscount», précise Alexandre Losson, directeur de la Division CRM chez Business&Decision, spécialiste en business intelligence et en CRM. Un avis partagé par Robert Clamart: «Le nettoyage des données représente un véritable problème et prend entre trois mois et un an.»

Alexandre Losson (Business&Decision):

«Un grand projet de mise en place d'une vision unique du client requiert une centaine de personnes mobilisées pendant 18 mois.»

Quant au coût, il est difficilement quantifiable tant il varie d'un projet à l'autre. «La constitution du socle, c'est-à-dire de la base unique, n'est pas le plus lourd. Le plus coûteux est le déploiement sur tous les points de contacts. Les projets d'intégration complets peuvent générer des coûts allant de 3 à 10 millions d'euros lorsqu'il s'agit d'alimenter tous les canaux pour de grandes enseignes», estime Frédéric Péronne, directeur associé chez Soft Computing. «Un projet de constitution d'une base unique avec une agrégation des données coûte plusieurs dizaines de millions d'euros pour une grande structure», confirme Jean-François Goglin. Le consultant travaille d'ailleurs actuellement avec le groupe Lucien Barrière, qui souhaite se doter d'une base de données clients unique.

Réactivité et cohérence

Malgré la difficulté de la tâche, les bénéfices d'un tel projet semblent incontestables. «Si l'on fait abstraction des soi-disant contraintes techniques, le choix d'une base de données clients unique s'impose lorsque l'on veut faire du multicanal. Disposer de plusieurs BDD qui communiquent entre elles reste très complexe à gérer», note Robert Clamart. Et ce d'autant plus que, avec la multiplication des canaux, notamment interactifs, les consommateurs sont devenus de plus en plus autonomes et n'hésitent plus à entrer en contact avec leurs marques via différents points de contacts.

L'un des atouts majeurs de la constitution d'une base clients centralisée est sans doute la réactivité qui en découle. Dans le cas d'un contact client entrant (le client appelle le call center), le téléconseiller peut, pendant que le client explique sa demande, se connecter à la BDD clients, consulter l'historique des actions de ce client et proposer, en temps réel, la bonne offre.

Jean-François Goglin (Alizé Coms):

«La normalisation des structures, des nomenclatures, des procédures et des logiciels sont de véritables difficultés pour les entreprises.»

Elana Anderson (Unica):

«Il n'est pas nécessaire de construire une base de données clients unique pour avoir une vision marketing unique.»

«Les règles qui s'appuient sur l'historique des clients ne peuvent se faire que dans une base unique. Or, dans beaucoup de cas, les entreprises qui disposent de plusieurs bases font du temps réel sur des données de la veille», indique Robert Clamart.

Autre avantage d'un référentiel client unique: la garantie de la cohérence. Disposer de plusieurs bases, par exemple par canal, c'est prendre le risque de proposer deux fois la même offre à un même client sur deux canaux différents. Ce qui, d'une part, entraîne des investissements superflus et, d'autre part, est mal perçu par le client final. «On ne peut parler de multicanal que lorsque les trois briques que sont la construction d'un datawarehouse, l'adoption d'outils CRM puis de gestion de campagnes sont réunies», considère Roland André, directeur général de Media- post Multicanal. La filiale du groupe La Poste s'est elle-même dotée d'un datawarehouse via l'offre Microsoft Dynamics dès 2006, après six mois de mise en oeuvre. Aujourd'hui, la société est à la fois utilisatrice et revendeuse de Microsoft Dynamics et compte parmi ses clients des entreprises dans les secteurs de la presse, du tourisme et de la grande consommation. «La construction d'une base de clients unique est particulièrement intéressante pour les entreprises en réseau», estime Roland André.

Les logiciels, une alternative à moindre coût

Malgré tous ces bénéfices en termes de relation client, la constitution d'une base de données unifiée laisse encore sceptiques beaucoup d'entreprises qui se contentent d'outils tels que Siebel, Selligent ou Unica, reliés à leurs différentes bases.

Robert Clamart (Teradata):

«Disposer de plusieurs BDD qui communiquent entre elles reste très complexe à gérer.»

Pour Elana Anderson, vice-président Marketing produit et Stratégie d'Unica, «il n'est pas nécessaire de construire une base de données clients unique pour avoir une vision marketing unique». Unica, en effet, propose des outils qui se connectent aux différentes sources de données de l'entreprise. La société collabore notamment avec des acteurs du datawarehouse comme IBM et Teradata pour sa solution Affinium qui permet aux entreprises d'intégrer les informations on et off Une afin de personnaliser la relation client.

Malgre l'existence de voies alternatives«vers cette vision à 360° du client, des projets concrets d'unification des données ont vu le jour, à l'instar de BNP Paribas qui a lancé, avec une vision avant-gardiste certaine, un chantier colossal en 1998 (voir page 42). Et d'autres vont suivre très bientôt. «Beaucoup d'enseignes nous missionnent sur ce thème», admet Frédéric Péronne. Bien souvent, ce sont d'ailleurs les directions générales qui portent un tel projet, comme l'explique Jean-François Goglin: «Ce sont des projets transverses qui ne réussissent que lorsqu'ils sont portés par la, direction générale.»

Par Fabienne Granovsky, dga de Médiavente, vice-présidente du SNCD

Par Fabienne Granovsky, dga de Médiavente, vice-présidente du SNCD

Avis d'expert

Constituer une base de données multicanal et unifiée, pour quels bénéfices?

Si l'ambition de la relation client est toujours la même, les moyens d'y parvenir évoluent et les entreprises doivent s'en emparer. En effet, connaître ses clients et ses prospects, leur proposer au meilleur moment les produits qu'ils attendent et leur faire savoir par le canal qu'ils préfèrent... Tout cela passe par le recueil systématique, le contrôle, l'organisation, le stockage et la lecture d'un ensemble d'informations hétérogènes et de sources diverses, dans un environnement unique et dédié. La construction d'une base de données multicanal unifiée permet de se donner les moyens d'une gestion de la relation client optimisée. Cette base de données a une double dimension, analytique et opérationnelle. Analytique, en permettant études et mesures multidimensionnelles, et opérationnelle, en générant des programmes et des actions sur l'ensemble des canaux et centralisant tous les résultats. Une telle mise en oeuvre repose sur quatre piliers:

- Les données collectées, organisées et stockées après procédure de nettoyage. Soumises à diagnostics récurrents, les données mises en cohérence devront être fiabilisées pour être exploitables en contacts, comportements et attitudes, actions réalisées et actions à venir...

- L'enrichissement des données par enquêtes, référentiels internes ou externes, permet d'en développer le potentiel.

- Le data mining, les customers et la business intelligence. Mesures sur la personne et sur l'activité, le data mining fournit analyses, reportings d'activités, gestions de plans et de budgets ainsi que besoins et ressources marketing. Les outils multidimensionnels de connaissance clients permettent des analyses qualitatives (profilage et segmentation...) et quantitatives (scoring, reporting, analyse prédictive...) sur les actions réalisées et à venir.

- L'automatisation marketing. Opérations de conquête, conversions, parrainage, ventes additionnelles ou croisées, peuvent être déclinées en process et s'appuyer sur un système intégré enregistrant chaque événement. Les outils de gestion de campagnes multicanal vont permettre la mise en oeuvre de programmes individualisés avec contenus différenciés et personnalisés, aux objectifs clairs et résultats mesurables. Ces programmes géreront la pression commerciale et les préférences déclarées et toujours changeantes d'un consommateur désormais entendu. Les bénéfices d'une base de données multicanal et unifiée sont nombreux:

- une connaissance unifiée des clients et des prospects,

- un dialogue client s'appuyant sur une vue à 360°,

- des processus marketing optimisés car définis et partagés, harmonisés et gagnant en cohérence,

- une mesure d'efficacité accessible à travers de multiples indicateurs.

BNP Paribas, un cas d'école

Sous l'egide de Philippe Laulanie, BNP Paribas a construit un vaste projet de relation client multicanal pour son département Banque de Détail. Etape par étape, la banque s'est dotée d'une base centralisée multicanal dont l'architecture sera démultipliée au sein du groupe.

C'est une référence, l'exemple le plus souvent cité lorsque sont évoqués les grands projets français autour du multicanal. BNP Paribas, en effet, fait figure de précurseur avec la mise en place, très tôt, d'une vision unique du client. Tandis que la majorité des entreprises se penchent à peine sur cette problématique, le groupe a lancé, dès 1998, un vaste projet construit sur une dizaine d'années. Pour mener à bien ce gigantesque chantier, un département «Développements multicanaux» a même été créé au sein de la division Retail de la Banque de Détail France, avec à sa tête Philippe Laulanie. Au total, le groupe a débloqué la bagatelle de 250 millions d'euros pour reconstruire la banque de détail autour d'un modèle «customer centric» intégré et multicanal.

Trois grandes étapes

La première étape a été consacrée à la téléphonie, avec la création d'un centre de relation client unique fondé sur la technologie IP gérant de l'entrant, du sortant et de l'e-mail, en lieu et place des deux call centers parisiens «BNP en ligne».

Seconde étape menée en parallèle à la première, et non des moindres, la construction d'un nouveau poste de travail multicanal. Après avoir comparé deux voies pour y parvenir (progiciels CRM ou construction en interne), BNP Paribas a finalement opté en 1999 pour une «nouvelle workstation» propriétaire en collaboration avec Cap Gemini. Le poste a été créé de façon à ce que chaque vendeur soit capable de gérer les différentes situations clients de manière fluide. Après une période de tests en 2001, 20 000 postes de travail ont été déployés sur tout le réseau en 2002 et 2003.

Enfin, en 2003, le site internet Bnpparibas.net est venu compléter le projet. Ainsi, le portail web a été intégré au CRM de la banque de sorte que toutes les actions de l'internaute sur le site intègrent son dossier client, et soient donc connues des vendeurs en agence et des téléconseillers.

Pour les différentes étapes de construction de cette BDD clients unique, BNP Paribas a mis en place un entrepôt Teradata avec une plateforme CRM fournie par SAS, filtrant elle-même les événements venant du système de gestion de base de données transactionnelle (DB2) d'IBM.

Grâce à cette organisation, la banque a troqué son modèle de référentiel basé sur un compte à vue rattaché à une agence contre un modèle client unique qui intègre les transactions et les relations banque / client sur l'ensemble des canaux. Satisfait des bénéfices de cette organisation, le groupe a d'ailleurs engagé des chantiers similaires sur d'autres divisions telles que la Banque Privée et le «small business», mais aussi chez BNL, une banque italienne rachetée en 2005.

En novembre 2007, Philippe Laulanie tirait un bilan très positif de cet environnement data et confiait au magazine Relation Client: «Le multicanal, c'est long, compliqué, mais c'est le modèle gagnant et aujourd'hui dominant en matière de distribution retail. C'est un sillon que l'on doit tracer, sans perdre le cap, étape par étape. C'est un gros ticket d'investissement. Et, au-delà, c'est surtout un changement culturel pour l'entreprise.»

@ Bruno Delessard

Philippe Laulanie (BNP Paribas):

«Le multicanal, c'est le modèle gagnant et aujourd'hui dominant en matière de distribution retail.»

BNP Paribas réaffirme sa confiance en Teradata

En octobre dernier, BNP Paribas a opté pour la nouvelle plateforme 5550 de Teradata. Cette offre a été conçue pour offrir un entrepôt de données actif et une intelligence d'entreprise en temps réel. Le 5550 est un modèle hautement performant et évolutif. Objectif: permettre à BNP Paribas de disposer d'un ensemble d'analyses plus complet pour garantir des services de haute qualité à valeur ajoutée à ses clients.
L'investissement de la banque résulte d'abord d'un usage régulier de l'application CRM de Teradata dans le secteur bancaire et de l'expansion de l'utilisation de Teradata au-delà de la seule clientèle des particuliers. «Ces nouveaux outils nous permettent de contacter nos clients au bon moment, pour leur proposer le bon service», explique Philippe Laulanie, responsable du département «Développements Multicanaux» de BNP Paribas.

Céline OZIEL

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