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Fusalp: un retour tout schuss !

Reprise par les anciens dirigeants de Lacoste en 2013, Fusalp, la marque iconique du ski français dans les années 1970, a su renaître de ses cendres. Retour sur un succès marketing fulgurant avec son directeur général Alexandre Fauvet.

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Fusalp: un retour tout schuss !

  • Vous avez racheté Fusalp aux côtés de Sophie et Philippe Lacoste fin 2013. Qu'est-ce qui vous a séduit chez cette marque?

Fusalp fait partie des marques patrimoniales françaises du sport olympique. Elle possède une histoire extrêmement riche, en France comme à l'international, et un savoir-faire produit orienté vers l'innovation. Elle a inspiré la mode dans les années 1960-1970 et a très tôt proposé des collections de prêt-à-porter.

  • Fusalp a été créée en 1952 à Annecy, et était avant tout dédiée au ski, partenaire des champions des années 1960-1970. Qu'en est-il de son positionnement aujourd'hui?

C'est un positionnement premium naturel qui correspond à notre histoire et à notre ADN. Fusalp, à l'origine, est l'alliance d'un savoir-faire en matière de coupe, puisque la marque a été fondée par une famille de tailleurs, et d'un savoir-faire technique lié aux matières, au service de la performance des champions de ski. C'est pourquoi, quand nous avons repris la marque en 2014, nous sommes partis de cette offre pour sourcer les bons ateliers, les bons modélistes et les bons tissus. La conjugaison de ces éléments crée un positionnement prix. Nous n'avons pas eu une approche purement marketing et avons privilégié une réflexion de marché non pas en termes de positionnement mais de besoin. Nous nous adressons à une population urbaine, qui fait face à des climats variables au cours d'une même saison. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité proposer une gamme de prêt-à-porter de ville au-delà de notre offre de ­vêtements de ski.

  • Fusalp est donc devenue une marque de mode?

Aujourd'hui, Fusalp fait partie intégrante de l'univers de la mode. Nous refusons de cloisonner les univers du ski et du prêt-à-porter et chacun bénéficie de l'autre, pour ce qui est du confort, de l'esthétique et de la technicité. Les vestes de ville sont faites dans les mêmes matières et selon les mêmes techniques que les blousons de ski (membranes, coutures soudées...). Les caractéristiques techniques de nos vêtements ont autant d'importance que leur esthétique.

  • En 2014, au moment de la reprise de Fusalp, Sophie Lacoste faisait part de sa volonté de développer les produits haut de gamme vendus au public entre 500 et 1 000 euros. Pourquoi ce choix?

Pour se positionner sur un marché ultra-concurrentiel comme celui du vêtement de sport, il n'y a que deux voies possibles: il faut aller soit vers le haut soit vers le bas. Fusalp était coincée entre deux eaux, il fallait choisir.

  • Ce positionnement premium n'est-il pas difficile à maintenir avec la concurrence de marques moins chères et très innovantes ? Comment faites-vous pour être compétitifs par rapport à un Uniqlo, par exemple?

Notre promesse est celle de la qualité de nos tissus et de leur technicité. Les matières que nous choisissons proviennent du Japon et de la Corée, qui possèdent un véritable savoir-faire dans ce domaine. 70% de la valeur de nos produits est le tissu. C'est ce qui fait la différence par rapport à un Uniqlo [dont la veste la plus chère coûte 149 euros, NDLR]. La thermorégulation est un axe de recherche très fort de notre cellule R & D. Nous garantissons l'imperméabilité, la respirabilité et la chaleur de nos vêtements, ainsi que leur finesse, leur légèreté et leur confort grâce au stretch. Antoine Dénériaz, champion olympique de ski de descente en 2006, est notre ambassadeur. Il participe à la mise au point technique des produits en nous faisant bénéficier de son expérience de skieur de haut niveau.

  • Fusalp a lancé pour la collection printemps-été 2016 une ligne de maillots de bain ainsi que des combinaisons pour la pratique des sports nautiques. Quelle est votre stratégie pour appréhender la saisonnalité des ventes?

Annecy a vu naître le ski nautique en Europe. C'est une source d'inspiration constante pour nos collections d'été. Nous nous sommes aperçus que les vestes légères, polos, leggings, shorts et tee-shirts avaient vocation à vivre toute l'année en complément de notre collection hiver.

  • Le produit iconique de Fusalp est le fuseau. Reste-t-il votre best-seller ou votre clientèle est-elle plutôt à la recherche de modèles universels et standardisés?

Nous profitons bel et bien d'un revival des produits vintage et capitalisons sur le fuseau. Il descend à la ville, et se retrouve même dans les défilés de grandes maisons de mode. Nous sommes d'ailleurs régulièrement en rupture de stock. Mais les pièces à manches, vestes de ski et vestes urbaines, sont de très loin nos premières ventes, en volume et en valeur.

  • Vous semblez accorder de l'importance à la relance de ces produits phares, comme les Pulls Montant, repris par Fusalp dans les années 1970. Pourquoi ce choix?

Qu'il s'agisse de Fusalp ou des Pulls Montant, nous ne voulons pas dénaturer leur ADN. Nous cherchons à les remettre dans leur écrin d'origine, à reprendre le fil de l'histoire là où il s'était arrêté. Nous remettons donc au goût du jour les logos originels. Les modèles des Pulls Montant sont en laine de grande qualité dont le fil provient d'Italie, ils sont tissés dans des ateliers français. Le positionnement est très élevé, il s'agit d'une niche. Cette relance est en dehors de toute réflexion économique, nous voulons le meilleur pour ces pulls. Nous sommes des passionnés des marques et ne voulons pas les galvauder.

  • Dans ce souci d'authenticité, quelle cible visez-vous?

Ceux qui connaissent ou reconnaissent la marque, c'est-à-dire le plus souvent des personnes qui l'ont portée étant enfants. Ils ont une affinité émotionnelle avec Fusalp, liée à l'époque glorieuse du ski français, et attendent la marque qu'ils ont connue dans le passé, nous devons donc les réconforter, leur raconter son histoire et correspondre à leurs attentes en termes de produits. Très vite, nous avons aussi voulu toucher leurs enfants, qui n'ont pas connu la marque mais qui sont séduits par cette promesse d'authenticité. Ils deviennent prescripteurs auprès de leurs parents. Nous constatons d'ailleurs que ces early adopters, qui ont parfois à peine 18 ans, reviennent en boutique.

  • Comment les touchez-vous?

Notre premier réflexe a été de mettre en avant les ­"ambassadeurs" de la marque, à l'instar d'Antoine Dénériaz. Ce sont aussi des personnalités connues de la télévision ou du cinéma. Les early adopters sont finalement nos meilleurs ambassadeurs, le bouche à oreille étant un vecteur de communication fort. Nous produisons du contenu sur notre site et sommes présents sur les réseaux sociaux. Mais nous ne voulons pas nous noyer dans le virtuel. C'est pourquoi les boutiques sont primordiales en phase de reconstruction. Celle du Marais, à Paris, ouverte en octobre 2015, s'est révélée être une excellente opération de communication, en plus d'être une réussite commerciale. Pour la deuxième saison, elle atteint un chiffre d'affaires de +40 % en octobre 2016 par rapport à l'année précédente. Nous nous félicitons d'avoir constitué un socle de fans sur lequel nous pouvons nous appuyer. Nous sommes une marque de niche et souhaitons cultiver notre singularité.

  • Votre stratégie passe donc beaucoup par la distribution...

Je pense qu'il n'y a pas de stratégie digitale sans stratégie de développement dans le monde physique, et les pure players qui développent des points de vente physique le prouvent bien. Nous avons d'abord communiqué via des partenaires commerciaux qui ont un positionnement premium, comme notre collection capsule chez Colette lancée en décembre 2014. Cela nous a permis de communiquer auprès d'une clientèle pointue sur la mode et internationale. L'année dernière, la première collection a été référencée au Bon Marché, et nous continuons de distribuer nos produits dans près de 400 points de vente en France et dans le monde.

  • Et vous commencez à développer vos boutiques en propre.

Dès l'année dernière, nous avons ouvert trois boutiques en propre en parallèle de la distribution multimarque: Paris, Courchevel et Verbier, en Suisse. La boutique est la maison de la marque, c'est le reflet de son identité, de son état d'esprit, de ses codes esthétiques. Dans la stratégie de reconstruction de Fusalp, l'étape essentielle a été l'ouverture de notre premier flagship à Paris. Il accueille un véritable espace de culture alpine, qui regroupe d'autres marques et des savoir-faire complémentaires: lunettes Vuarnet, linge de maison Arpin, ouvrages des éditions Guérin basées à Chamonix. Notre ­ambition est de recréer un univers au-delà même de la marque Fusalp.

  • Allez-vous continuer à distribuer auprès de revendeurs multimarques en parallèle des succursales?

Cette problématique est tout à fait liée au repositionnement de la marque: avec un prix moyen des produits qui a doublé, il a fallu rationaliser la distribution. Cette année, nous devrions équilibrer la distribution entre les boutiques en propre et le wholesale. Les dernières ouvertures 2016 sont Lyon et Zermatt (Suisse) au mois de novembre, puis Chamonix.

  • Avez-vous le projet de revenir à vos premières amours, à savoir le ski?

Nous venons de signer un contrat de ­partenariat avec la Fédération monégasque de ski ainsi que le Monte-Carlo Ski Club, pour devenir l'équipementier de quatre athlètes. En développant une combinaison à cette occasion, nous nous confrontons à l'exigence de la compétition, sans laquelle il ne peut pas y avoir d'innovation.

  • Vous semblez privilégier aussi les partenariats à forte visibilité, comme celui avec la ville de Chamonix ou l'équipe de France de bobsleigh pendant les JO d'hiver de 2014, quelle est la stratégie qui se cache derrière?

C'est toujours cette même optique d'univers autour de la marque. Le partenariat avec Chamonix est évidemment une promesse très forte de visibilité et de notoriété, la ville étant une place mythique des sports d'hiver et Fusalp originaire de la Haute-Savoie. Une boutique en partenariat va être ouverte dans le centre-ville, nous allons y importer notre concept, décider des produits à référencer et gérer tout ce qui relève du marketing et de la communication. Quant au sponsoring de l'équipe de France de bobsleigh à Sotchi, en février 2014, il correspond à notre prise de fonction chez Fusalp trois semaines auparavant. Nous avions la volonté de revenir rapidement dans l'univers olympique pour continuer l'histoire du partenariat de Fusalp avec le sport olympique dans les années 1960-1970. La convergence du bobsleigh avec notre marque est évidente: c'est la vitesse.

  • À combien se montent vos investissements marketing?

Les investissements dans le marketing "pur" sont très raisonnables. Il faut prendre en compte un ensemble d'initiatives : développement produits, investissement boutiques, opérations de trade marketing, merchandising... Les investissements pour relancer la marque sur un plan mondial sont ainsi considérables.

Fusalp

Chiffre d'affaires : 8,5 millions d'euros au 31 mai 2016 (6,2 millions en 2014)
CA prévisionnel 2017 : 12 millions d'euros
Nombre de salariés : 40

  • Quels sont vos principaux relais de croissance?

Le produit reste notre plus belle promesse, ainsi que le retail -incluant ­l'e-commerce qui marche très fort- et l'international.

  • Quelle est votre stratégie de vente à l'international?

Nous faisons 20% de notre chiffre d'affaires à l'export, essentiellement dans des multimarques et magasins de sport. Nous avons pour projet d'ouvrir des boutiques en partenariat. Notre premier marché export est l'Angleterre, mais rien n'est encore décidé quant à des initiatives retail. Nous cherchons d'abord les bons endroits.

  • Vous avez vous-même un profil très international. Que pensez-vous avoir apporté à la marque Fusalp?

Grâce à mon expérience en Asie, j'accorde une attention particulière au service. C'est aussi fondamental que la qualité du produit, car c'est ce qui nous permet de gagner en réputation. C'est pourquoi nous tenons à rester agiles, à fournir des réponses rapidement aux internautes, à nous adapter à tous les canaux de communication et à résoudre rapidement les problèmes rencontrés par nos clients.

Alexandre Fauvet

1992 : Master of Business Administration (MBA) à l'Université Paris I Panthéon Sorbonne
1993-95 : VIA au sein du service commercial de l'ambassade de France en Corée du Sud
1995-98 : attaché commercial à l'ambassade de France en Corée du Sud
1999-2013 : directeur exécutif de Lacoste SA
Depuis 2014 : directeur général de Créations Fusalp SA

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