Diffusions suspendues, exigences "déraisonnables", justice saisie... Le bras de fer entre TF1 et Canal+ s'aggrave
Alors que les abonnés de Canal+ sont privés de nombreuses chaînes depuis le 2 septembre, le conflit opposant la chaîne cryptée au groupe TF1 prend aujourd'hui des tournures politiques et judiciaires.
Je m'abonne« Cher abonné, le groupe TF1, fort de sa position dominante, exige [...] le versement d'une rémunération très conséquente pour ses chaînes gratuites de la TNT [...]. Face à ces exigences infondées et déraisonnables pour des chaînes qui sont accessibles gratuitement pour tous et qui doivent le rester, le groupe Canal +, partenaire de longue date du groupe TF1, est contraint de renoncer à diffuser ces chaînes en France métropolitaine. » Vendredi 2 septembre, les abonnés "satellite" de la fameuse chaîne cryptée ont reçu cet étonnant message dans leur boîte mail. Depuis, cette même annonce apparaît lorsqu'un client de l'entreprise tente de regarder un programme des 5 chaînes du groupe TF1 via les serveurs de Canal +.
Le groupe TF1 n'a pas tardé à répliquer, rejetant la faute sur son concurrent : « Canal + n'a pas souhaité conclure un nouvel accord [...] malgré des semaines de discussions et de négociations. » TF1 fait ainsi valoir que le groupe a réussi à trouver des accords avec les autres opérateurs (Free, SFR, Bouygues Telecom, Orange, Molotov et Salto). Déplorant cette décision « qui pénalise les consommateurs », les chaînes TF1 ont essuyé quelques déceptions en matière d'audiences. Pouvant atteindre habituellement presque 6 millions de téléspectateurs chaque soir, le 20H présenté par Anne-Claire Coudray en a rassemblé seulement 4,27 millions vendredi soir. Le lendemain, la colère s'est fait entendre du côté des abonnés de Canal +. « Ça fait longtemps que je suis abonnée mais là c'est terminé. » De nombreux messages similaires ont déferlé sur les réseaux sociaux.
La diffusion de la Coupe du Monde de Football non concernée
Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal +, a tenu à leur répondre dans le JDD, remettant une couche sur les intentions jugées infondées et déraisonnables de TF1. Selon lui, l'entreprise détenue par le groupe industriel Bouygues leur a demandé « une augmentation de 50 % pour un accès aux mêmes contenus qu'aujourd'hui ». Estimant cette requête « incompréhensible », le président assure regretter cette situation qui prive les abonnés de l'accès à « la première chaîne de France », sans pour autant faire un pas vers le compromis. La société audiovisuelle a tout de même tenu à rassurer les fans du ballon rond en soulignant être en mesure de proposer l'intégralité de la Coupe du Monde de Football à ses abonnés. Canal + anticipe ainsi un conflit sur la durée car la compétition se tiendra du 20 novembre au 18 décembre 2022.
Ce bras de fer a poussé la ministre de la Culture à intervenir. Dans une lettre publiée par Le Parisien, Rima Abdul Malak appelle au groupe de Vincent Bolloré « à son sens de la responsabilité et de l'intérêt général pour éviter de priver des centaines de milliers de foyers la réception de la réception de l'intégralité des chaînes de la TNT ». Celle qui a succédé à Roselyne Bachelot au ministère de la Culture déplore également le comportement du groupe TF1. Selon elle, « cette situation n'est pas conforme à l'intention du législateur qui était de garantir une couverture intégrale du territoire par la TNT en obligeant les chaînes de la TNT à mettre leur signal gratuitement à disposition d'un distributeur par satellite qui en fait la demande ». Rima Abdul Malak a tout de même affirmé ne pas vouloir « s'interférer dans ce différend commercial ». Selon les chiffres de l'ARCOM (ex-CSA), 7 % des foyers reçoivent la télévision uniquement par satellite - et une partie d'entre eux seraient donc concernés par le bras de fer des deux groupes média.
TF1 saisit la justice
Lundi 5 septembre, TF1 assure vouloir porter plainte contre Canal + par l'intermédiaire de son secrétaire général Didier Casas. « On ne va pas se laisser prendre de l'audience et laisser nos téléspectateurs sans possibilité de regarder nos antennes sans réagir », a-t-il déclaré sur les ondes de franceinfo en répondant aux questions de Marc Fauvelle. Selon lui, les chiffres annoncés par Maxime Saada sont « fantaisistes » et cette situation de prise en otage intentée par la chaîne cryptée empêche « 2 millions de téléspectateurs » d'accéder aux programmes du groupe TF1. La justice tranchera donc pour déterminer les responsables de ce conflit préjudiciable pour de nombreux Français.