Comment innover grâce à sa raison d'être ?
Au travers des témoignages de Bertrand Bonhomme (Michelin), Jean-Yves Forel (BPCE) et Noël Bauza (ZEI), interviewés à l'occasion de BforGood 2021, voyons comment la raison d'être d'une entreprise est un vrai levier de changement plutôt qu'une simple promesse.
Je m'abonneS'engager, c'est devenu inévitable quand on veut donner à son entreprise une image moderne et en prise avec les préoccupations des consommateurs et des citoyens. Mais alors que le greenwashing n'est jamais loin, faut-il pour autant en conclure que le marketing est toujours l'ennemi du bien ? Que la raison d'être de nombreuses entreprises n'est qu'un paravent derrière lequel les pratiques critiquables continuent d'avoir lieu ? C'est à ces questions que répondaient ce 14 avril Bertrand Bonhomme (Michelin), Jean-Yves Forel (BPCE) et Noël Bauza (ZEI), invités par Jean-Jacques Manceau, rédacteur en chef d'e-marketing.fr et de Marketing Magazine, à l'occasion des conférences BforGood 2021 organisées par les médias de NetMedia Groupe.
"90% des consommateurs veulent mieux consommer, et deux tiers des jeunes ne veulent pas travailler pour des entreprises qui ont un impact négatif", rappelle Noël Bauza, fondateur et directeur-général de ZEI, une entreprise qui permet de jauger la politique RSE d'une entreprise afin de lutter contre cette défiance qui s'installe entre les marques, les employés et les consommateurs. "Il existe des labels RSE que personne ne connaît et des rapports RSE que personne ne lit. Notre but est de traduire ces informations en un indicateur clair", indique-t-il en se présentant comme un tiers de confiance en la matière. Il donne également quelques pistes pour identifier les entreprises qui adoptent la bonne démarche : "Les entreprises ne peuvent plus mentir face aux réseaux sociaux qui facilitent le partage de l'information. Mais elles ne doivent pas non plus communiquer que sur le positif. Une entreprise qui a de bonnes pratiques mettra aussi en avant ce qu'elle peut améliorer." Par ailleurs, attention aux effets d'annonce qui donnent des chiffres dans l'absolu, sans relativiser : "Quand Uber dit avoir un million de véhicules électriques dans sa flotte, il ne faut pas oublier que ce n'est qu'1% de sa flotte !" Enfin, il est aussi important de prendre du recul pour avoir une vue d'ensemble de certaines pratiques, plutôt que de se focaliser sur des détails. Ainsi, à une question des internautes concernant l'impact environnemental de l'affichage dynamique, Noël Bauza rappelle que "le support publicitaire, ce n'est peut-être que 0,001% de l'impact global. Faire une publicité pour une voiture électrique en DOOH, cela a sans doute in fine moins d'impact qu'une publicité pour un SUV en affichage print classique."
Michelin s'engage pour une mobilité durable
Pour Bertrand Bonhomme, vice-président développement durable chez Michelin, pour que les promesses soient prises au sérieux, il faut faire en sorte qu'elles soient vécues. Au siège de Clermont-Ferrand, l'entreprise va plus loin que le stéréotype de la fin des gobelets en plastique : "Nous avons aussi remplacé les pelouses par des herbes vivaces, ce qui diminue considérablement les besoins en eau et en entretien. Enfin, nous favorisons bien sûr l'utilisation des mobilités douces pour nos employés." Car la mobilité reste bien sûr au coeur de l'activité de l'entreprise. "Si l'on veut favoriser l'accès à la santé, à l'éducation et au travail, il faut favoriser la mobilité. Notre rôle, c'est de faire en sorte qu'elle soit la plus propre, silencieuse et durable possible." Et alors que la raison d'être de la firme est d'offrir à chacun une meilleure façon d'avancer, Bertrand Bonhomme répond à la question-titre de la conférence en faisant de l'innovation le meilleur allié du marketing : "Dès 1933, notre fondateur disait que l'amour du progrès était notre raison d'être. C'est autour de ces enjeux que nous embarquons nos 150 000 employés dans le monde. Il faut faire la narration de cette histoire auprès des équipes, et les pousser à nous faire remonter des idées d'amélioration. Quand on ne sait pas faire, il faut le dire pour résoudre le problème." De cette approche est né le pneu Vision, qui disrupte la façon de faire des pneus et de les commercialiser : "Il est increvable et bio-dégradable. Sa bande de roulement est imprimée en 3D et peut-être facilement renouvelée. Grâce au RFID, il est connecté, et nous permet de passer d'une simple logique de vente à une approche servicielle où l'on ne vend plus un produit, mais son usage. Comme le marketing, l'innovation est un outil. Si la cause qu'il sert est belle, il n'y a aucune raison de s'en passer."
BPCE fait du sport le véhicule de ses engagements sociaux
Enfin, Jean-Yves Forel, dg Banque de proximité et responsable du Projet des Jeux de Paris 2024 au sein du groupe BPCE a témoigné des engagements de l'entreprise en matière de sponsoring sportif. Lui aussi va plonger dans l'histoire du groupe des arguments pour présenter sa raison d'être actuelle : "Le sport est un véhicule classique des actions de mécénat engagées, car le sport c'est de l'émotion, c'est souvent du collectif, bref, c'est universel ! Et quand on regarde l'histoire de la Caisse d'Epargne et de Banque Populaire, qui ont été lancées il y a respectivement deux et un siècle pour ouvrir l'accès aux instruments bancaires classiques, au financement et à l'épargne, aux classes les plus populaires et aux petites entreprises et artisans, on se dit qu'il y a aussi des choses à faire dans le sport en matière d'inclusion, d'ouverture et d'égalité des chances. Et désormais, l'accent est aussi mis sur le financement de la transition environnementale."
Sur tous ces aspects, il évoque l'impérativité pour les JO de laisser un héritage aussi durable que profitable à tous : "le CIO sait que si les Jeux ne laissent pas un impact positif, les citoyens n'en voudront plus, et les villes candidates se feront de plus en plus rares à l'avenir." En tant que premier partenaire des Jeux en 2024, mais aussi des entreprises au quotidien, le rôle de BPCE est d'accompagner ces dernières dans les appels d'offres et de faire de la compétition un tremplin pour la relance économique. "2500 dirigeants ont déjà été contactés dans le cadre de notre tour de France "Entreprendre 2024". Nous soutenons aussi les athlètes, qui n'ont pas tous la chance de vivre du sport et ne sont mis en lumière pour certains que tous les quatre ans." BPCE aide ainsi une centaine d'athlètes en leur apportant des ressources financières, mais aussi un soutien dans leurs projets de reconversion. "Les anciens sportifs de haut niveau sont des atouts inestimables pour les entreprises, de par leur capacité à se fixer des objectifs et à se dépasser pour les atteindre", indique Jean-Yves Forel. En septembre dernier, ceux qui pratiquent un handisport ont également participé à In'2Job, une journée "job dating", organisée au stade Jean Bouin à Paris, et qui mêlait des rencontres de DRH et la découverte d'activités sportives, à destination de personnes en situation de handicap.
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