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Marketing responsable : comment s'initier ?

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De plus en plus de formations voient le jour pour aider les professionnels à évoluer sur les enjeux environnementaux et à engager une réelle transformation des modèles économiques.

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"Cela faisait longtemps que j'entendais parler des fresques." Alors Caroline Basset, responsable marketing de Perle du Nord, n'a pas hésité longtemps. Quand elle a vu que l'Adetem, dont elle est membre depuis deux ans, lançait à l'automne 2023 une fresque adaptée aux acteurs du marketing, elle s'est vite inscrite à un atelier. Sans regret, sourit-elle. "Je n'ai pas vu passer les trois heures." Le réseau des professionnels du marketing s'est inspiré de la fameuse Fresque du climat pour sensibiliser aux enjeux écologiques et sociétaux, via une série de cartes. "La Fresque du marketing est un outil pertinent pour comprendre les effets des activités humaines sur le changement climatique." Durant la session, Caroline Basset était entourée de professionnels issus de marques variées. "Tout le monde n'avait pas le même niveau d'éveil sur les enjeux de RSE, c'était intéressant."

"Monter en compétences"

L'atelier inventé par l'Adetem se veut ludique, mais également concret, afin que les équipes parviennent à "éviter les dérives liées à la sur­con­som­ma­tion et ne tombent plus dans des situations de greenwashing, par exemple", détaille Catherine Réju, la déléguée générale du réseau. En l'occurrence, le collectif propose aux participants de "réfléchir ensemble à une offre de marketing responsable". Aurélie Delauney, directrice marketing de la MNT, la mutuelle des agents des services publics locaux (Groupe Vyv), remonte les souvenirs. Au cours de la fresque à laquelle elle a assisté l'hiver dernier, elle a pu plancher avec les autres participants sur "une solution de location de vêtements pour enfants, donc sur une alternative à l'achat de produits neufs" visant à "mettre, dit-elle, un peu moins de pression sur les ressources naturelles". Une démarche d'autant plus "intéressante", explique Aurélie Delauney, qu'elle n'avait pas eu l'occasion de se former sur la question à l'époque où la quadra se trouvait sur les bancs de l'école de commerce ESC Toulouse (TBS Éducation, aujourd'hui). C'est au groupe La Poste, son employeur durant les années 2010, qu'elle a pris conscience de l'importance des enjeux de la RSE. Ainsi, suivre la fresque quelques années plus tard lui a donné envie d'aller plus loin et de "monter en compétences". Aurélie Delauney a prévu de s'initier plus en détail au marketing responsable. Ce, via une formation de deux jours planifiée en juin 2024. Proposée par l'Adetem, elle est pilotée par l'entreprise Des enjeux et des hommes.

Se former pour sensibiliser les collègues...

Ce programme attire, explique-t-on du côté de l'Adetem : "Certaines personnes désirent s'y inscrire, car elles viennent, par exemple, d'intégrer une entreprise et veulent se renseigner sur le thème du marketing responsable, note Claudie Voland-Rivet, déléguée générale adjointe du réseau, chargée du développement. Souvent, celles-ci ont déjà une sensibilité environnementale à titre personnel, mais recherchent des tips en vue de sensibiliser sur le sujet leurs collègues et, in fine, arriver à mettre en place des actions en interne." Aurélie Delauney, typiquement, aimerait que la plateforme Web de la mutuelle, pour laquelle elle travaille, puisse à terme être "plus accessible aux personnes en situation de handicap, aux malvoyants", par exemple. Ce n'est pas encore totalement le cas, et la formation pourrait l'aider à mettre le sujet "sur la table", sourit-elle. Et à "avancer dans la bonne direction".

... et accélérer la transition

"Nous sommes convaincus, précise Catherine Réju, que le marketing a une place centrale au sein des organisations et peut être le chef d'orchestre de la transformation des sociétés." D'où sa volonté d'aider les professionnels à "entamer leur mue". "Nous avons besoin des métiers de la communication et du marketing en vue d'accélérer la transition", valide Mathieu Jahnich, lui qui accompagne les acteurs dans leur bifurcation. Mathieu Jahnich sensibilise également, via Science Po Paris, et anime en particulier une formation courte dédiée aux professionnels. L'initiation, lancée en 2023 et proposée plusieurs fois dans l'année, vise à apporter aux inscrits "une vision actuelle des enjeux", des ressources et des leviers d'action concrets pour réussir à "faire autrement", indique le consultant-chercheur. Selon lui, beaucoup ont l'intention d'"être des forces motrices" au sein des équipes et aimeraient que leur entreprise formule "une véritable stratégie", en particulier sur leur offre. Lui souhaite leur "donner une sorte de panorama des possibles" afin de les pousser à s'y mettre. En valorisant au cours de sa formation des exemples d'initiatives concrètes, Mathieu Jahnich cherche à démontrer, en somme, que l'écologie n'est pas juste "une mode". À travers ces quelques heures d'apprentissage, Mathieu Jahnich désire en effet prouver que ces collaborateurs volontaires et engagés ne sont "pas isolés", bref qu'il y a "une ­tendance" et "une accélération des prises de conscience depuis quatre ou cinq ans, notamment depuis 2022, année ponctuée par les nombreux mégafeux ainsi que les épisodes de sécheresse"...

Convaincre la direction

"Les entreprises ont intérêt à s'engager, elles ont une responsabilité", confirme Caroline Basset, de Perle du Nord. Même si celle-ci raconte avoir eu le déclic personnellement voilà quelques années - ce qui l'a poussé à rejoindre une entreprise dans le végétal -, il lui manquait toutefois quelque chose. "Je sentais que ma vision sur les questions environnementales n'était pas complète. De façon générale, beaucoup de personnes ont pris conscience qu'il fallait évoluer, en particulier sur le thème de la durabilité. Néanmoins, elles ne connaissent pas forcément les outils dont elles disposent afin de sensibiliser les collègues." C'est ainsi que Caroline Basset a suivi la formation Marketing responsable de l'Adetem, l'été dernier. Son intention était également de trouver des astuces en vue de "convaincre la direction que l'entreprise a la capacité de se métamorphoser". En d'autres termes, elle vise à les inciter à "opérer une bascule", à "transformer leur modèle économique sur le long terme". Pour elle, il faut faire en sorte que les responsables voient les changements à mener comme une "chance", notamment au sujet de l'attractivité de la marque, et non pas comme des "contraintes" pour le business. Car "s'ils ne sont pas persuadés, cela ne peut pas fonctionner à la longue". Il convient de montrer aussi les évolutions des attentes des citoyens à l'égard des marques. Comme Caroline Basset l'explique, ces derniers sont "de plus en plus exigeants" et ne tolèrent plus "des entreprises non engagées".

Changer sans attendre

Au cours de la formation, on a demandé aux participants d'évaluer le niveau RSE de leur employeur : "Nous avons tendance à sous-évaluer nos propres initiatives, indique Caroline Basset. J'avais mis 1 point sur 4. Or, il s'est avéré que nous pouvions largement prétendre à 2, en particulier grâce à l'écoconception des emballages mise en place au sein de Perle du Nord." Les participants, à la fin de la session, repartent avec "une réelle boîte à outils", dit-elle. Concrètement, une liste de leviers d'action dont peuvent disposer les équipes marketing. "Parfois, des agences organisent pour les entreprises des événements, et si leur volonté est de limiter ­l'impact, il faut par exemple penser à intégrer des critères de durabilité dans le cahier des charges", glisse-t-elle. Finalement, Caroline Basset se rend compte qu'elle a "changé de regard", elle a vite pris conscience de ce qui pouvait être initié sans attendre... et assez "facilement". Il suffisait juste d'y penser, en quelque sorte. Par exemple, sur le choix des goodies. "J'ai demandé à la personne qui se charge de les commander, peu de temps après la formation, de privilégier des fournisseurs capables de livrer des produits conçus à partir de matières recyclables. Cela n'était pas vérifié auparavant", raconte-t-elle. Idem, pour les stylos : "Avant, l'entreprise ne se demandait pas à quoi ressemblait leur fin de vie, s'ils allaient être revalorisés. La question sur le cycle des produits n'était pas posée, maintenant, si." Caroline Basset pense à autre chose : "Quand nous organisions des salons, il y avait du matériel qui devait terminer sa course... à la déchetterie. Désormais, précise-t-elle, nous allons plutôt avoir tendance à opter pour des objets en location, du moins réutilisables."

Valentina Zajackowski, head of brand & communication à AXA Climate School, acquiesce : "En réalité, dit-elle, on comprend assez vite que notre marge de manoeuvre est énorme, même si notre impact semble à tort invisible." Elle-même ne l'avait pas forcément "réalisé" avant d'avoir intégré, en 2022, les équipes à l'origine des modules d'apprentissage, mis en ligne à destination des équipes. L'ancienne employée d'Île-de-France Mobilités poursuit : "Cela vaut le coup de s'y mettre, tant sur la forme que sur le fond des campagnes de communication. Car, très vite, on peut noter des résultats positifs." Néanmoins, et Valentina Zajackowski ne dira pas l'inverse (voir son témoignage complet ci-dessous), toutes les transformations ne se font pas du jour au lendemain. Y compris pour les entreprises les plus vertueuses.

Les raisons de l'inaction

Par conséquent, il est important que l'ensemble des collaborateurs soient "au même niveau de connaissances". Ainsi, Caroline Basset souhaiterait que ses collègues participent à un moment à une Fresque du marketing, tant les personnes travaillant au siège de sa marque, près d'Arras (Pas-de-Calais), qu'au sein des coopératives agricoles produisant l'endive. De son côté, Aurélie Delauney (groupe Vyv) indique avoir, d'ores et déjà, invité son équipe d'une vingtaine de personnes à participer à une session de la Fresque du marketing pour les sensibiliser. La connaissance des enjeux climatiques est une étape cruciale en vue de la métamorphose des entreprises. Or, d'après Caroline Basset, "la tâche s'annonce ardue pour les professionnels du marketing". Ce n'est pas forcément lié à un défaut de connaissances de la part des salariés ou des dirigeants, mais c'est que ces derniers ont souvent, estime-t-elle, "la tête dans le guidon", et pas toujours le temps de "s'y mettre sérieusement".

Mathieu Jahnich analyse : "Prenons le cas d'une entreprise qui fait l'effort de protéger le vivant et de mieux rémunérer les collaborateurs. Si les concurrents ne l'imitent pas, ce sera perçu comme un risque de perte de chiffre d'affaires." Il y a beaucoup de retard, et une marge de progression importante, remarque en outre Claudie Voland-Rivet, la DGA chargée du développement à l'Adetem. "Par exemple, l'économie circulaire n'est pas encore totalement entrée dans les moeurs, même si les discours plutôt favorables se multiplient, ce qui est un bon point, note-t-elle. Je vois encore que certaines organisations mettent en oeuvre des actions à court terme qui restent "tactiques", qui visent à se donner bonne conscience. Ce n'est plus suffisant." Pas le choix : afin que "les entreprises réussissent à repenser leur modèle dans leur globalité, il est nécessaire", explique-t-elle, de marteler le message et de continuer de former : "Est-ce qu'une marque ne vend que des produits neufs ? Ne peut-elle pas proposer de la location ? Comment allonger la durée de vie des produits ? Comment créer une offre plus durable, un service ou un produit le moins polluant possible ? En fait, poursuit-elle, il faut pousser les professionnels à se poser les bonnes questions, même s'il est juste qu'évoluer n'est guère évident."

Les limites planétaires

Mathieu Jahnich abonde dans ce sens : "Les métiers du marketing et de la communication ont été inventés et optimisés à une époque durant laquelle chacun pensait que les ressources étaient infinies ou que c'était la croissance à tout prix", explique-t-il. Or, désormais, six limites planétaires sur dix ont été franchies, ce qui remet lentement en cause les conditions d'habitabilité sur Terre. "Si les employeurs ne s'y mettent pas volontairement sans attendre, ils y seront contraints dans un futur plus ou moins éloigné, de par les réglementations qui évolueront ou à cause des tensions sur l'accès aux ressources et aux matières premières. Commencer à transformer les modèles d'affaires, conclut-il, c'est donc mieux anticiper les éventuelles crises et mieux s'armer à long terme..." Selon lui, "cela ne va pas assez vite". Mais Mathieu Jahnich continue d'"y croire", pour autant. "Cela avance et j'ai le sentiment de pouvoir agir là où je suis..."


Valentina Zajackowski, head of brand & communication à Axa Climate School : "J'ai dû modifier mes pratiques"

Après mon embauche, en 2022, j'ai suivi les formations que l'on proposait chez AXA Climate. Tant celles autour de l'effondrement de la biodiversité, de la raréfaction des ressources, que les modules ayant comme objectif d'aider les professionnels à réduire leur impact, en fonction de leur métier. J'ai suivi en particulier le cours "Je travaille à la communication et au marketing" et me suis rendu compte que je devais moi-même modifier mes pratiques. Cette formation invite les professionnels à évoluer, la moindre des choses était de nous l'appliquer à nous-mêmes. Par exemple, je n'avais pas pris conscience de l'empreinte écologique de mes actions de communication numérique. Comme d'autres, j'ai suivi les progrès technologiques, et cela fait partie de mon quotidien. Nous utilisons une multitude de réseaux sociaux, sur lesquels nous postons de plus en plus de photos et de vidéos avec des définitions assez hautes. On publie en HD sans réfléchir, alors que la résolution nécessaire pour une bonne expérience utilisateur est bien plus faible.

Prendre le temps de la réflexion

J'ai réalisé, grâce à mes missions, qu'il était possible de consommer moins d'énergie et de ressources pour concevoir une communication plus responsable (mais toujours de belle qualité.) Cela nécessite de repenser sa stratégie globale, d'identifier les points d'amélioration, via des audits, par exemple. De s'interroger. Comment peut-on imaginer un événement plus écoresponsable ? Avec quels prestataires est-il possible de collaborer ? Faut-il imprimer une brochure d'une centaine de pages ou plutôt la mettre en ligne pour que les clients la téléchargent ? Comment peut-on réduire le poids d'une vidéo mise en ligne ? Etc. Je ne prenais pas toujours ce temps de réflexion, avant. Depuis que je m'y suis mise, j'ai aussi arrêté de communiquer si je ne pouvais pas justifier de l'authenticité du message. Là, il s'agit de prouver ce que j'avance. Ou encore de choisir les bonnes formules à mettre en avant dans une campagne, d'éviter certains mots-valises qui manquent de clarté, tels que "développement durable". L'objectif est de communiquer moins, mais mieux.

 
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