L'intelligence artificielle renouvelle le marketing
L'intelligence artificielle appliquée au marketing fascine et inquiète. Il ne s'agit pourtant pas de science-fiction. Nous la vivons déjà, via le marketing automation, notamment.
Je m'abonneConnaissez-vous le Fair ? Non pas la traduction anglaise de "juste", mais le centre de recherche sur l'intelligence artificielle que Facebook a inauguré, à Paris, le 2 juin dernier. Ce Facebook artificial intelligence research (Fair) français est le troisième du genre dans le monde, après ceux de Mento Park, en Californie, et New York. Et c'est un Français, Yann LeCun, professeur à l'université de New York, qui dirige depuis décembre 2013 toutes les recherches en intelligence artificielle (IA) du géant américain. L'objectif à terme? Permettre aux machines de raisonner, ce qu'elles sont encore incapables de faire. Pour l'heure, elles calculent et l'homme décide. C'est tout l'enjeu du "machine learning" (ou "deep learning"), qui se nourrit des comportements des internautes pour accompagner les décisions stratégiques des entreprises. Déléguer le rationnel à une machine rassure les services marketing: la machine ne se trompe jamais
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En réalité, la collaboration de l'homme et de la machine existe déjà dans le marketing et permet de démultiplier ses ambitions, les services marketing étant assistés par toute une gamme de technologies pour déléguer les tâches répétitives et fastidieuses, dites de "marketing automation". Une terminologie qui remplace progressivement la notion de marketing programmatique (qui n'existe pourtant que depuis sept ans), dévoilant ainsi qu'il s'agit bel et bien d'intelligence artificielle.
Parallèlement, la notion de marketing intelligence reste (pour au moins une cinquantaine d'années) le territoire de la conscience humaine.
"L'automatisation de certaines tâches marketing aboutira-t-elle à la disparition progressive des marketers? Les outils de marketing automation nous remplaceront-ils un jour?, s'interroge Hervé Kabla, fondateur et directeur général de l'agence digitale et sociale Be Angels. En réalité, je doute que cela se produise de notre vivant. Pour l'heure, ces outils sont tout sauf intelligents. Ils réalisent parfaitement des tâches répétitives, mais manquent cruellement de ce bon sens qui distingue encore l'être humain du robot, et fait du test de Turing [test d'intelligence artificielle décrit par Alan Turing en 1950, NDLR] le dernier rempart à une humanité déshumanisée." L'expert pointe du doigt l'écart abyssal qui subsiste encore entre les solutions relevant de l'intelligence artificielle et les besoins exprimés par les directions marketing. Selon lui, "le défi du digital est de devenir plus réel. Les marketers expriment le besoin de mieux comprendre les consommateurs afin de leur répondre avec un produit ou un service utiles. Or, pour l'heure, le digital ne répond pas encore complètement à ce besoin".
"Il faut encore plus d'intelligence, de vision et de réflexion pour déployer une bonne stratégie. La fonction aura toujours besoin de stratèges", déclarait, récemment, Pascal Delorme, directeur exécutif d'Accenture Digital en France et au Benelux, dans la version française de la Harvard Business Review.
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Pour la pub, c'est déjà là
Pourtant, les robots ont déjà pris place dans les services marketing. L'essor du programmatique dans l'achat d'espace en est un exemple éloquent. Technologie permettant d'automatiser l'achat d'espace sur le Web, le mobile et même les réseaux sociaux, le programmatique autorise l'intégration de données externes pour affiner le ciblage et, par conséquent, augmenter la performance des campagnes. Et son avènement n'est déjà plus du domaine de la prospective. Selon le dernier Baromètre EBG/Quantcast, livré en septembre dernier, deux tiers des annonceurs ont, en 2014, alloué moins de 20% de leur budget digital au programmatique, et 71?% affirment que cette part va augmenter avant la fin de l'année en cours.
IA, comme indécision artificielle
Mais le signe le plus tangible de l'arrivée de l'intelligence artificielle dans le quotidien des marketers demeure, de toute évidence, l'avènement des solutions de data intelligence, qui bouleversent de fond en comble l'approche marketing. Et le phénomène n'en est qu'à ses débuts. Pour l'heure, les annonceurs peinent encore à croiser on et off line: un consommateur qui entre dans un magasin, une gare ou un restaurant sera difficilement reconnu en tant que mobinaute, sauf s'il a activé une application dédiée ou qu'il passe à proximité d'un beacon... Mais la multiplication des technologies de géolocalisation in et outdoor et de reconnaissance faciale (qui existe déjà sur Facebook, où l'on peut taguer un visage sur une photo de groupe par exemple, ou sur les principales applis de télésurveillance privée) permettront, demain, de tracer les consommateurs... Avec le risque de les voir se rebeller contre des méthodes intrusives à l'excès. "L'intelligence artificielle, c'est un peu comme l'électricité. C'est génial quand on ne voit pas les câbles", plaisante, à ce sujet, Hervé Kabla, directeur général de l'agence digitale et sociale Be Angels.
Robot buzz
Récemment, on a vu le robot Nao (Aldebaran Robotics) chez Sephora Flash, Darty ou Carrefour en Espagne. Les clients peuvent lui poser (certaines) questions et il peut répondre et changer la couleur de certaines lumières autour de lui. Un effet "waou" qui amuse les (grands) enfants. Nao s'est aussi installé ce printemps dans une maison de retraite à Issy-les-Moulineaux pour assister le personnel.
Drones livreurs
Les drones sont de petits robots. Amazon a testé fin 2014 (en Inde, puisque c'est interdit sur le sol américain) des drones livreurs baptisés Prime Air dans les régions de Bangalore et de Bombay. Google teste aussi, en Australie, le même système de livraison par des drones (projet Wing). En situation d'urgence et pour atteindre des humains, cela peut fonctionner.
Robotique hôtelière
Depuis juillet dernier, les clients de l'hôtel Henn-na à Sasebo, au sud du Japon, sont accueillis par des robots. Pour l'instant, ces derniers renvoient souvent à une borne où les clients s'enregistrent... seuls. Les robots ne savent pas non plus faire les lits. Cet hôtel est situé dans un parc d'attractions.
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"L'ordinateur calcule, l'homme décide", Davy Tessier, CEO de l'agence Disko et professeur à l'Inseec Business School
Pensez-vous que les machines vont prendre, peu à peu, la place des hommes dans les entreprises?
C'est humain de penser que les machines et les robots nous voudraient du mal. Mais le programmatique, invisible pour le commun des mortels, existe depuis de nombreuses années. À la Bourse, par exemple, le trading haute fréquence est géré par des robots calculateurs. L'intelligence artificielle a installé sa propre légitimité pour mettre du rationnel dans l'irrationalité des consommateurs et transcender les limites de l'intelligence humaine. Grâce à la smart data dont se nourrissent les systèmes d'information, les stratégies marketing s'appuient sur des signaux faibles, qui façonnent des prises de décision. Mais les machines sont toujours dépourvues de conscience, qui demeure la singularité de l'homme.
Pourtant, le marketing automation est déjà une réalité. Comment imaginez-vous la composition des services marketing dans les années à venir?
Dans une cinquantaine d'années, les deux courbes d'intelligence -celle de l'humain et celle de la machine- se croiseront probablement... Selon une récente étude Gartner, 80% des métiers du marketing de 2025 n'existent pas encore en 2015... Les métiers de la "prédiction utile" auront le vent en poupe et permettront d'aider les décideurs à décider.
Que pensez-vous de l'émergence des robots humanoïdes, dans la distribution, notamment?
Il est vrai que l'on commence à en rencontrer dans les magasins ou dans les hôtels... Mais je pense que ce sont des gadgets pour créer du buzz et amuser les enfants. Cela m'inquiète réellement quand il s'agit d'accompagner la vie quotidienne des seniors, par exemple. Personne ne souhaite échanger vraiment avec un robot! Rien ne remplacera jamais le contact humain.
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