DossierLa marque délègue, le consommateur agit !
Alors que le client apparaît toujours plus exigeant avec les marques, il se montre tout à fait conciliant lorsque celles-ci tentent de le mettre au travail. Décryptage des nouvelles fonctions du consommateur.

Sommaire
- Le consommateur devient mobile et se passe des guichets
- Consommateur guichetier
- Consommateur mobile
- Le consommateur, un prescripteur bien utile
- Une communication à moindre coût
- L'internaute, à la fois cofabricant et coproducteur
- La mode du "do-it-yourself"
- Le retour en grâce du partage
- "Nos clients en ligne génèrent trois fois plus de valeur que les autres", Philippe Tobie, Monoprix
1 Le consommateur devient mobile et se passe des guichets
Le marketing, un ami qui nous veut du bien? La preuve: le consommateur est partenaire des marques, qui le mettent... au travail! Il commande ses produits sur Internet, les scanne au supermarché, enregistre ses bagages, livre ses idées, recommande... Il effectue ces tâches gratuitement sans problème. Pourquoi? Parce que les marques ont l'art et la manière de valoriser ce "travail". Et cela ne date pas d'hier. Ikea, par exemple, a bâti son succès en mettant à contribution ses clients pour qu'ils montent eux-mêmes leurs meubles. En échange d'un prix plus bas, le Suédois a bouleversé tout le segment de l'ameublement.
Autre exemple, dans le secteur des voyages, cette fois. Le passager réserve sa place, choisit son siège, enregistre ses bagages sur une borne, imprime lui-même sa carte d'embarquement, etc. Un nombre croissant de compagnies aériennes lui délègue ainsi les tâches commerciales et administratives liées à son vol. La restauration n'est pas en reste. Illustration avec Capucins, le restaurant de crêpes de Michel Bras, à Toulouse. Dans un cadre conçu par Minale Design Strategy, le client choisit, dès son arrivée, sa recette... seul. Il dicte ensuite à un cuisinier la liste des ingrédients qui composeront son plat. Là encore, le consommateur est à la manoeuvre.
Dans la grande distribution, le transfert de tâches existe depuis l'invention du libre-service, qui remonte au début du XXe siècle! Le consommateur prend ses produits, pèse lui-même ses fruits et légumes, colle sur le sachet l'étiquette avec le prix, dépose ses achats sur le tapis roulant, les place dans des sacs, donne sa carte de fidélité, introduit sa carte bancaire et emporte ses achats. Voilà pour la version traditionnelle, car aujourd'hui, avec l'installation de caisses automatiques, le consommateur scanne également ses produits lui-même. La version ultime de ce transfert de compétences: la distribution automatique, qui se généralise à l'ensemble des secteurs. Dernier exemple en date, celui de Nespresso. La célèbre marque de café vient en effet d'installer son "Cube", un automate de 9m2 contenant 25000 capsules au coeur du rayon cuisine du BHV Marais. Depuis juillet, on peut y acheter et récupérer sa commande en trois minutes chrono. What else?
2 Consommateur guichetier
Avec les mutations technologiques et le développement des réseaux, cette mise au travail du consommateur connaît une explosion phénoménale. Internet a installé des guichets à domicile. Les formes courantes sont la billetterie (transports, culture...), l'administration (opérations bancaires, fiscales...) et, bien sûr, les achats en ligne. 59% des Français ont acheté en ligne en 2013, soit 33,8 millions de personnes (selon la Fevad), ce qui représente une progression de 13,5 % sur une année. Le consommateur plébiscite ce canal de vente. Il est autonome, libre, gagne du temps... Chez McDonald's, on est enthousiaste sur le sujet. "À date, un quart de nos ventes est effectué sur les bornes interactives Easy order, qui permettent de commander et de payer son menu soi-même. Un service qui, pour l'heure, existe dans 1900 restaurants", se félicite Jean-Noël Pénichon, vice-président en charge des systèmes d'information et du digital pour McDonald's France et Europe du Sud. Il espère un succès aussi grand pour GoMcDo. Cette application, lancée il y a six mois, permet de commander et de régler en ligne avant d'aller en magasin récupérer sa commande à un comptoir dédié. Déjà 1100 établissements l'ont déployée. "Ces services supplémentaires constituent une alternative pour le consommateur et non un substitut", souligne Jean-Noël Pénichon.
3 Consommateur mobile
Ces pratiques sont facilitées par la généralisation de l'usage du mobile dans le parcours d'achat. Comparer, tester, géolocaliser son parcours d'achat, recevoir des promotions, payer... les usages offerts par le smartphone semblent infinis. On peut même télécharger une application pour produire soi-même un produit. Le mobile, cet objet intime, est devenu, en moins de cinq ans, un tiers majeur entre la marque et le consommateur. Le cabinet Forrester parle de "mobile mind shift"(1). Traduisez: la manière dont les entreprises repensent leur activité en fonction du mobile. Un objet qui a reprogrammé le cerveau des clients.
Selon l'institut, les entreprises dépenseront 189 milliards de dollars d'ici à 2017 pour redéfinir les processus commerciaux dans la perspective du "mobile mind shift". Dans le best-seller de Joël Dicker, "L'Affaire Harry Québert", des millions de lecteurs ont lu, lisent et liront ces mots: "Des gens, à travers le monde entier, se chargent, sans même s'en rendre compte, d'assurer votre publicité à une échelle planétaire. N'est-ce pas incroyable? [...] Des hommes-sandwichs qui travaillent gratuitement. Ce serait stupide de ne pas les utiliser"...
(1) Parution en France le 24 juin du nouveau livre de Forrester, "The Mobile Mind Shift: Engineer your Business to Win in the Mobile Moment".
La généralisation de l'usage d'Internet et du mobile a révolutionné le parcours d'achats. Et les marques poussent toujours plus loin le concept de libre-service.
4 Le consommateur, un prescripteur bien utile
Se sentir impliqué dans l'exercice de la consommation est une attente forte. Notamment pour la génération Y qui, à 40%, souhaite (au sens large) participer à la vie des marques (selon l'étude Edelman 8095). Les clients peuvent même collaborer à la réalisation de campagnes publicitaires. Certaines marques n'hésitent pas à faire du consommateur lambda leur égérie. En échange de... rien. Ou seulement d'une exposition sociale de soi, "le quart d'heure de gloire" cher à Andy Warhol. Certaines marques utilisent les liens sociaux comme un vecteur publicitaire en créant des communautés d'utilisateurs (Leroy Merlin, Monoprix, Auchan, etc.). Les membres échangent et peuvent, par exemple, se dépanner mutuellement. Dans ce cas précis, le consommateur remplace alors... le service après-vente! La création du réseau social de consommateurs Apreslachat.com rentre typiquement dans ce cas de figure. Il permet aux utilisateurs de produits Ikea de s'entraider. Pour résoudre une panne, solutionner un problème d'entretien ou de garantie, il suffit de s'inscrire sur le site et de demander l'assistance des membres possédant le même produit que soi. Malin, convivial et gratuit, à la fois pour l'utilisateur et pour la marque.
Plus généralement, ces communautés sont mises à contribution pour s'exprimer sur une nouveauté, un service, une opération commerciale... "Engager la conversation s'avère primordial, explique Jean-Noël Pénichon, vice-président en charge des systèmes d'information et du digital de McDonald's France et Europe du Sud. Nos 1,3 million de fans nous remontent leurs attentes ou leurs frustrations. Cela marche dans les deux sens. Après écoute des remontées clients, nous avons, par exemple, réintroduit le Double Cheese dans les menus McDonald's."
5 Une communication à moindre coût
Le deuxième intérêt de ce regroupement de fans réside dans le "bruit" qu'il émet sur la Toile. Une exposition à peu de frais... On parle alors d'"économie du coût marginal nul", un modèle qui ne prédit rien moins que la disparition du capitalisme. Selon Forrester(1), 58% des utilisateurs européens de réseaux sociaux interagissent ainsi avec les marques sur les plateformes communautaires. Au cours des trois derniers mois, 6% d'entre eux suivaient une entreprise ou une marque sur Twitter, 9% ont posté des commentaires sur le profil d'une entreprise, 58% ont interagi avec des marques sur Facebook. Échange, préférence de marque et fidélisation: le trio gagnant, selon les marques, qui n'hésitent pas à coupler l'usage des réseaux sociaux avec le mobile.
L'enseigne Urban Outfitters constitue l'un des exemples les plus aboutis en la matière. Elle permet au consommateur de bénéficier de points de fidélité, primo en parlant de la marque sur les réseaux Twitter et Facebook, secundo en postant des photos de lui-même sur Instagram et Pinterest avec un vêtement acheté dans son parc de magasins. Et si le consommateur a pris la peine de s'enregistrer sur Foursquare, "Urban On", l'outil digital d'Urban Outfitters, peut l'identifier en magasin, le géolocaliser et lui fournir, sur son mobile, des offres personnalisées. Un modèle fondé sur la récompense.
(1) Infographie Forrester fondée sur la dernière étude "European Consumer Technographics", réalisée auprès de plus de 22000 adultes européens.
Les adhérents mènent la barque
Témoignage de Katia Hersard, directrice e-commerce et marketing de la Fnac
Face à un marché des produits culturels en baisse de 10% par an, la Fnac a lancé, il y a trois ans, son plan de relance, "Fnac 2015". "Le client se situe au coeur de cette stratégie, annonce Katia Hersard, directrice e-commerce et marketing de la Fnac. Nous avons créé un Lab pour échanger avec lui." Son slogan, "Coconstruire la Fnac de demain", résume l'ambition de la marque. "7000 clients sont inscrits, dont une majorité d'adhérents", indique-t-elle. Logique: les quelque 5 millions de porteurs de cartes réalisent plus de 55% du chiffre d'affaires! "Parmi les actions issues des cogitations menées par le Lab, le Pass location est l'une de celles qui ont suscité le plus d'attentes, poursuit-elle. Le consommateur souhaitait accéder aux produits moyennant le paiement d'une mensualité." Autre attente recensée: le retrait des achats en magasin une heure après avoir commandé en ligne. Enfin, la dernière nouveauté réside dans l'offre de produits connectés. "Les réponses apportées par le Lab ont validé certaines de nos intuitions", rapporte Katia Hersard. Concernant les tendances de consommation, la domotique et la santé ressortent comme deux items principaux. S'agissant des intentions d'achat, les montres connectées sont largement plébiscitées (à 56%), par exemple. "Ce qui nous a permis, pour le lancement de notre boutique Fnac connectée, en juillet dernier, sur les Champs-Élysées, de référencer les produits les plus attendus." Des nouveautés bien accueillies par le million de fans de la Fnac, qui ne cessent de s'exprimer sur les réseaux sociaux.
Le nouveau consomm' acteur permet à la marque de réaliser des économies substantielles en matière de communication et de relation client.
6 L'internaute, à la fois cofabricant et coproducteur
De la posture du "client que l'on sert", on passe à celle du "client qui coproduit". 22 millions de Français sont désormais connectés(1). Ce qui permet la diffusion de contenus provenant d'amateurs: des photos, des vidéos, des textes... Ces contenus contiennent des informations qui intéressent les marques. Elles sollicitent l'individu pour qu'il donne son avis. Son opinion a de la valeur. Il collabore ainsi à l'élaboration d'une offre qui le ciblera plus tard. Pour le cybermarchand Houra.fr, le modèle est le même. "Tout ce que nous créons est issu d'une demande client, assure Marion Rémy, chef de projet marketing et communication pour Houra.fr. Les clients postent leurs desiderata sur un forum dédié et nous étudions la faisabilité." Sur leurs recommandations, Houra.fr a ainsi lancé le premier programme de fidélité proposé par un cybermarchand. Le "créneau de livraison à l'heure" en Île-de-France a également été mis en place sur demande pressante des internautes. "Plus récemment, pour le lancement de notre première marque distributeur, une eau minérale, en août dernier, nous avons soumis au vote l'étiquette figurant sur le produit final, explique-t-elle. Nous allons même jusqu'à proposer à nos clients d'indiquer les produits qu'ils voudraient voir référencés dans notre offre." Sur 1000 demandes de référencement de produits reçues par mois, le site répond ainsi favorablement à 40% d'entre elles.
7 La mode du "do-it-yourself"
C'est la mode des fab labs: on crée soi-même. La tendance du "do-it-yourself" (DIY) séduit la masse. 61% des Français pratiquent le DIY, que ce soit pour la décoration, les bijoux, les vêtements, la cuisine créative ou encore le bricolage (selon une étude d'OpinionWay pour le Salon créations et savoir-faire, en septembre 2013). La conception d'objets en 3D gagne du terrain: Auchan, Système U et Carrefour en ont équipé leurs points de vente. Les applications de customisation ont également le vent en poupe. Après Nike, Coca-Cola ou encore Ikea, c'est au tour d'Uniqlo, groupe de prêt-à-porter japonais, de lancer son outil, UTme. Il permet de fabriquer son propre t-shirt en quelques clics. Si le dispositif n'existe pas encore en France, il pourrait bien voir le jour rapidement. On le voit, le consommateur devient multicasquette. Il peut désormais tout faire.
Mais quid alors du rôle du personnel en magasin? "Au fur et à mesure que des tâches sont transférées vers les clients, l'activité du personnel de contact se déplace de la technique vers la vente et le conseil", répond Laurent Houitte, directeur marketing et alliances chez Wincor Nixdorf. Le vendeur reste toutefois le partenaire privilégié du chaland. "En effet, 90% des Français le sollicitent afin de bénéficier de son expertise ou de sa connaissance des produits. Depuis 2010, le besoin d'être accompagné au cours de l'acte d'achat s'avère même en augmentation constante, observe-t-il. Cette année-là, 72% des répondants affirmaient solliciter le vendeur, contre 80% deux ans plus tard et 90% aujourd'hui." Les vendeurs ne s'avèrent donc absolument pas disqualifiés. "Au travers de formations, il faut juste réorienter leur fonction auprès des acheteurs et développer leurs aptitudes à agir en fonction du comportement client", affirme Laurent Houitte. Dans son dernier ouvrage(2), Jérémy Rifkin, professeur, écrivain et président de la Fondation pour les tendances économiques (Foet), évoque ainsi ces "consommateurs qui équilibrent leur consommation avec le partage et la production de leurs propres informations et produits."
(1) Étude Médiamétrie, premier trimestre 2014.
(2) "The Zero Marginal Cost Society: the Internet of Things, the Collaborative Commons, and the Eclipse of Capitalism".
Témoignage de Valérie Dassier, directrice e-commerce, CRM et digital de Comptoir des Cotonniers
Des QR codes à scanner en guise de boutiques
Pressée, connectée, intergénérationnelle et... férue de mode. C'est la cible de Comptoir des Cotonniers (propriété du japonais Fast Retailing). En mai dernier, la marque-enseigne a pris tout le monde de court avec son "fast shopping" (terme déposé depuis). "En ouvrant 10000 boutiques en une nuit, nous disons très clairement que l'on peut acheter à partir de n'importe quel support, explique Valérie Dassier, directeur e-commerce, CRM et digital de Comptoir des Cotonniers. Une affiche, une vitrine, un set de table ou une insertion presse... tout média devient une surface de vente." Avec un QR code et en téléchargeant l'appli Powatag, la cliente est très rapidement dans l'ambiance "je flashe, je shoppe" en toute autonomie. "La moitié de nos ventes en ligne vient déjà du mobile", poursuit Valérie Dassier. En général, les enseignes de prêt-à-porter françaises révèlent que leur site e-commerce est le premier magasin de la marque. Pour Comptoir des Cotonniers, ce serait plutôt "la première région" de ce réseau qui compte 368 boutiques dans le monde (dont 222 en France). La croissance est donc bien stratégique sur ce device. Et si, en août 2012, 23% des Français utilisaient le mobile ou la tablette lors de leurs achats, ils sont aujourd'hui plus de 50% à le faire, ce qui représente un bond de plus de 100% (selon une étude d'Ifop/Wincor Nixdorf, publiée en juin 2014). "Pour autant, affirme Valérie Dassier, nous n'avons pas vocation à envahir les villes de QR codes pour les transformer en surfaces commerciales."
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Les consommateurs mettent désormais un point d'honneur à élaborer l'offre des marques en collaboration avec ces dernières.
8 Le retour en grâce du partage
"2013, l'année de l'économie collaborative", titrait "The Economist". Son poids est estimé à plus de 3 milliards d'euros pour l'année 2013, après une croissance annuelle de 25% (Forbes). Pour autant, l'idée n'est pas neuve. Selon Jérémy Rifkin, professeur, écrivain et président de la Fondation pour les tendances économiques, c'est même notre société de consommation de masse "qui constituerait l'exception, une parenthèse dans le cycle de notre économie". Elle serait issue des Trente Glorieuses. Avant les années cinquante, le modèle collaboratif fonctionnait déjà à plein. "Avant guerre, nous n'achetions pas nos draps, par exemple, nous les louions, soutient Laurence Allard, sociologue de l'innovation.
En renouant avec l'échange, nous retournons donc simplement à nos fondamentaux. Le modèle fondé sur la propriété ne répond plus aux aspirations des clients d'aujourd'hui, qui réclament une consommation libre et sans contrainte." Ce qui entraîne une évolution économique, culturelle et donc, forcément, marketing. "La notion de propriété redevient caduque pour beaucoup. À Paris, le succès d'Autolib' est explicite: les habitants de la Capitale achètent de moins en moins de voitures. Ils voient plus leur intérêt dans la location sur une durée limitée", commente-t-elle. Les plus jeunes, surtout, se déclarent plus intéressés aujourd'hui par l'expérience que par la possession. "C'est ce qui a mené à l'explosion des plateformes de service, qui permettent aux gens de partager leurs produits, leurs biens, leurs qualités et leur savoir", explique encore Laurence Allard. La réussite d'eBay, d'Airbnb ou d'Uber en témoigne. Aux marques de relever le défi et d'intégrer le fait que le consommateur est tout à la fois producteur, vendeur, créateur et distributeur. Il montre ainsi qu'il peut se passer d'elles. Les marques sont prévenues!
Témoignage de Gérard Mermet, sociologue de la consommation et directeur de Francoscopie
"Le temps de la permission marketing est venu"
Les marques en demandent-elles trop à l'homo zappiens? Peut-on ainsi parler de délégation?
Oui?! Mais l'autre manière de nommer ce transfert de compétences, c'est le modèle collaboratif. Ou comment ne pas laisser le peer-to-peer aux seuls consommateurs. Les marques n'ont pas vraiment vu venir ce phénomène d'économie collaborative. Elles se rattrapent aujourd'hui en demandant aux consommateurs d'agir, de faire, de créer, de donner. Bref, de supporter une part de leur travail.
Une manière subtile, pour les marques, de réduire les coûts?
On parle d'économie substantielle. Le prospectiviste Jérémy Rifkin dit que notre société est en train de prôner un nouveau modèle: celui du coût marginal nul. Ce qui signifie que l'on peut, avec Internet, dupliquer des messages à l'infini sans variation de coût pour l'émetteur. Ikea a bâti son succès sur ce modèle en déléguant une partie de son travail à ses clients. Monter ses meubles soi-même était, à l'époque, révolutionnaire. C'est moins cher pour le consommateur et pour la marque. De plus, avec le mobile, tout semble possible.
Le consommateur est-il conscient de ce qu'il livre aux marques? Notamment en termes de données?
Oui et non. Une certaine forme de méfiance numérique se fait jour. Ne pas être pisté à son insu me semble être une aspiration légitime. On parle alors de "permission marketing" ou simplement d'agir en transparence en demandant aux individus l'autorisation d'utiliser leurs données pour éviter la paranoïa. À terme, il faudra nécessairement légiférer pour créer les conditions de l'émergence réelle d'un marketing vertueux. Les marques les plus honnêtes et transparentes se distingueront alors.
De nouveaux usages s'imposent, auxquels les marques doivent s'adapter, à l'image de l'économie collaborative. Les consommateurs partagent leurs biens et leurs connaissances et deviennent eux-mêmes vendeurs.
9 "Nos clients en ligne génèrent trois fois plus de valeur que les autres", Philippe Tobie, Monoprix
Avec plus d'1 million de fans sur Facebook, Monoprix, présente sur le réseau social depuis 2010, dispose de la fan page la plus puissante dans son univers (1). Comment êtes-vous arrivé à ce résultat ?
Nous proposons un contenu original et conversationnel. Outre son actualité, la marque y relaie régulièrement des idées de recettes, des packagings détournés rebondissant sur l'actualité... Le but étant d'incarner, sur ce média, notre promesse de rendre le quotidien plus joyeux et plus coloré. Et de créer un trait d'union émotionnel entre notre marque et les internautes.
Comment impliquez-vous le consommateur ?
Nous avons monté un comité d'innovation avec des marques en interne et nous utilisons Facebook pour demander l'avis des fans sur ces produits. Nous organisons des battles et nous faisons voter les internautes. Les produits les plus plébiscités sont ensuite référencés dans nos magasins. Des opérations spéciales, comme "les messages en boîtes", qui permettent aux internautes de personnaliser une sélection de packagings Monoprix, ont d'ailleurs beaucoup plu à nos fans. Nous estimons, au final, que notre taux d'engagement (c'est-à-dire notre capacité à engendrer des conversations avec nos consommateurs) est dix fois supérieur à celui de nos concurrents.
Plus largement, comment utilisez-vous l'ensemble du dispositif web pour engager le consommateur ?
Nous avons des outils d'e-reputation qui nous permettent d'identifier les discours tenus sur des produits que nous commercialisons et, donc, d'anticiper un succès commercial. Ce fut le cas, par exemple, avec le lancement du shampoing Aussie. Dès qu'il a été proposé à la vente, une information positive s'est propagée sur la Toile. Nous étions donc confiants. Et les chiffres de ventes l'ont confirmé : la marque a atteint, dès sa deuxième semaine de lancement, le top 5 de la catégorie.
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres concernant la montée en puissance des achats en ligne ?
Le site internet Monoprix.fr a connu une croissance de 26 % pour l'année 2013. Nous recensons actuellement 1,2 million de visiteurs uniques sur le site et les applications Monoprix chaque mois. Enfin, nos clients en ligne génèrent trois fois plus de valeur que les clients qui consomment exclusivement en magasin. C'est pourquoi nous avons lancé des services en plus, comme le drive piéton, livraison à domicile avec créneau horaire ou encore, plus récemment, le service de livraison de déjeuner avec notre partenaire Tok Tok Tok... Clairement, l'omnicanalité est pour nous synonyme de croissance.
(1) Monoprix et son agence Rosapark ont remercié leurs fans via un mini-site dédié "Fan de notre million de fans" en juin dernier.
Paru dans Marketing n°178, septembre 2014
Le directeur marketing et marque de Monoprix revient sur la stratégie omnicanal de l'enseigne de distribution

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