Recherche
Méthodologie

La boîte à outils de la Prise de décision
Chapitre VI : Gérer les biais décisionnels

Fiche 01 : La prise en compte des bénéfices escomptés

  • Retrouvez 8 fiches outils dans ce chapitre
  • Publié le 11 déc. 2017
©

La boîte à outils de la Prise de décision

8 chapitres / 59 fiches

  • Imprimer

Limiter les bénéfices indirects

Résumé

Le pouvoir décisionnel, qu'il soit lié à une expertise ou hiérarchique, a souvent comme but de défendre une solution et ses bénéfices escomptés. Ces bénéfices peuvent se classifier en deux catégories :

  • les bénéfices directs : ils servent à prendre la meilleure décision ;
  • les bénéfices indirects : leur fonction est de satisfaire des besoins individuels tels que la reconnaissance, l'appartenance, la considération ou la maîtrise.

Optimiser la décision, c'est gérer ce biais de pouvoir appelé aussi biais d'autorité.

Pourquoi l'utiliser ?

Objectifs

Les biais de pouvoir ou d'autorité privilégient des choix " égocentrés ". Prendre en compte les bénéfices escomptés est naturel lorsqu'il s'agit des bénéfices directs. Prendre en compte les bénéfices escomptés indirects au cours du processus décisionnel assurera une décision plus adaptable, qui tient compte des besoins de tous les acteurs.

Dans la prise de décision en groupe, gérer les biais de pouvoir favorise la collaboration et l'implication des acteurs. Chacun des participants a un point de vue qui doit être pris en compte et analysé avec équité.

Contexte

Le biais de pouvoir ou d'autorité est une situation dans laquelle une personne est persuadée de disposer d'un pouvoir de contrôle, ou tout au moins d'influence, sur son environnement, en particulier sur des phénomènes aléatoires. Elle pense ainsi être en mesure de favoriser des événements positifs ou d'éviter des événements négatifs.

Comment l'utiliser ?

Étapes

  • Assurer une prise de recul objective pendant les phases d'analyse ou de choix.
  • Tenir compte des bénéfices escomptés de tous les acteurs.
  • Se focaliser sur l'objectif et la gestion des processus plus que sur le résultat.
  • Confronter les avis et les conseils auprès de cercles élargis tels que les bénéficiaires, les opérationnels ou même des individus hors de l'environnement décisionnel.
  • Protéger la décision des " arguments d'autorité ". On appelle argument d'autorité un procédé rhétorique qui consiste, lors d'une argumentation, à invoquer une autorité en attribuant de la valeur à l'un des propos, davantage en raison de son origine (l'autorité) que de son contenu.

Méthodologie et conseils

Gouverner les bénéfices escomptés, c'est :

  • définir un objectif ; finalement c'est préciser là où on doit aller. Il ne s'agit pas ici de construire un résultat mais d'identifier à partir de quel moment la solution sera considérée comme satisfaisante ;
  • adapter le processus en fonction des événements en gardant toujours l'objectif en vue. C'est garder à l'esprit que dans un environnement complexe, la décision se doit d'être agile pour être appliquée ;
  • remettre en question les bénéfices escomptés indirects. C'est ce que l'on pourrait appeler l'humilité du décideur. Il faut accepter d'abandonner certains bénéfices indirects au profit d'une solution optimale.

Dans un processus d'innovation, la décision doit souvent être prise dans un environnement inconnu, ce qui demande au décideur d'être également visionnaire. Défendre un " rêve " est en soi positif, mais l'obstination peut amener un biais d'autorité.

Avantages
  • Gérer les biais de pouvoir revient à éviter le syndrome de Bethsabée : " Tout le monde est vulnérable aux tentations qui viennent avec le pouvoir et le contrôle. "
Précautions à prendre
  • Il ne s'agit pas de mettre de côté les bénéfices indirects des acteurs, mais de faire en sorte qu'ils puissent cohabiter en faisant quelques concessions mutuelles équitables.

Comment être plus efficace ?

Le biais de pouvoir

L'acte de décider est en lui-même une récompense car il permet de valider la capacité de contrôle sur l'environnement et soi-même. La possibilité d'avoir un résultat favorable ou d'éviter une situation désagréable est source de plaisir. Le caractère récompensant d'une décision renforce la confiance en soi et influence les comportements des choix suivants. Cet excès de confiance peut amener une personne à surestimer ses capacités personnelles pour la décision et à sous-estimer celles des autres. Il se traduit par une illusion de contrôle sur le cours des événements et un sentiment d'invulnérabilité conduisant parfois à une prise de risques injustifiée.

Le syndrome de Bethsabée

L'analyse biaisée des succès et des échecs est liée à l'excès de confiance. La personne a, dans ce cas, tendance à s'attribuer la responsabilité d'une décision qui s'est soldée par un succès et à rejeter la faute sur les autres ou sur des circonstances non favorables en cas d'échec.

Le biais de confiance peut conduire à ce que Ludwig et Longenecker (1993) ont appelé " le syndrome de Bethsabée ", caractérisé par quatre éléments :

  • la négligence des missions qui sont au coeur des responsabilités exercées ;
  • l'octroi à soi-même de certains privilèges et la sensation d'être au-dessus des obligations et des lois ;
  • une volonté de centraliser les informations et les expertises ;
  • l'illusion de pouvoir contrôler le cours des événements.

Quelques gestes simples permettent de faire reculer cet excès de confiance en soi :

  • faire preuve d'humilité et relativiser ses propres apports dans la prise de décision ;
  • reconnaître la part des autres, des circonstances et de la chance dans le résultat positif d'une décision ;
  • diversifier les sources d'avis et ne pas éviter les critiques constructives ;
  • faire un suivi des décisions prises et identifier les dysfonctionnements avec discernement ;
  • être transparent sur les bénéfices escomptés indirects que la personne aimerait retirer de la prise de décision. Ces avantages représentent des besoins tels que : le pouvoir, l'appartenance, la prise de risque, la sécurité, l'intégrité, etc.

En premier lieu, le décideur doit bien sûr se protéger de ce biais pour lui-même et dans un deuxième temps, le réguler au sein de tous les acteurs de la décision. Être transparent et échanger dans un environnement de confiance lui seront alors des atouts précieux.

CAS D'ENTREPRISE : L'expertise, facteur d'excès de confiance

Contexte

Le niveau d'expertise ne protège pas du risque d'excès de confiance et peut même dans certains cas le favoriser. Dans une étude de E.S. Berner et ML Graber " Overconfidence as a cause of diagnostic error in medecine ", Am J. Med 2008 a étudié des médecins en début de formation, en fin de cursus ou reconnus comme des experts qui doivent analyser des dossiers de patients et proposer un diagnostic. Ces professionnels ont la possibilité de demander ou non des avis ou des examens complémentaires s'ils doutent de leur analyse, ce qui permet de juger de leur niveau de confiance. Comme attendu, les médecins experts ont une meilleure acuité diagnostique que les médecins formés, et eux-mêmes que les médecins en début de formation. Ces derniers sont moins sûrs de leur diagnostic et demandent donc plus régulièrement des éléments complémentaires. C'est un excès de confiance justifié par le niveau d'expertise.

Résultat

L'analyse des résultats laisse apparaître un taux d'erreur de diagnostic strictement identique de 40 % quel que soit le niveau de connaissance. Être un expert dans une discipline n'apporte pas toujours un avantage dans la prise de décision. Alors autant consulter d'autres avis.

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page