Les logiciels d'études: vers des solutions de plus en plus intégrées
Que seraient aujourd'hui les études marketing sans les logiciels études? A l'heure où le besoin de réactivité et de flexibilité des clients finaux se fait toujours plus sentir, l'industrie des études nécessite de plus en plus d'outils de collecte, de traitement et de restitution innovants et performants, garants d'une meilleure efficacité et de rentabilité. Les besoins existent et, malgré les efforts en R&D des éditeurs de logiciels et spécialistes des études, les attentes sont encore loin d'être comblées. Les technologies de collecte évoluent vite. Internet habitue instituts et annonceurs à la quasi-immédiateté, ce qui se traduit par une demande de solutions pratiquement «live» et sur mesure.
Selon l'enquête annuelle «The 2008 Confirmit Annual Market Research Software Survey», réalisée par Meaning Ltd pour Confirmit, les deux tiers des sociétés d'études interrogées en 2008 dans le monde déclarent qu'elles ont l'intention de changer de logiciels d'ici un à deux ans. 20% n'ont pas encore pris de décision. Ce sont surtout les grosses sociétés qui sont dans ce cas en 2008. En 2007, un tiers des entreprises interrogées pensaient changer de logiciels; en 2006, elles étaient 25%. Questionnés sur le type de logiciels qu'ils envisagent de renouveler, les instituts font aussi bien référence aux outils de collecte qu'aux solutions de traitement et de distribution des données. Ils sont d'ailleurs un peu plus nombreux dans ce cas. Les solutions de gestion de panels sont les moins susceptibles d'être remplacées. Est-ce parce qu'elles sont les plus récentes? Quel que soit le type de logiciel, la principale raison d'en changer est la recherche d'une plus grande flexibilité, et une demande de fonctionnalités plus nombreuses et plus efficaces. Les grosses sociétés sont davantage à l'affût de nouvelles solutions de distribution des données que les autres.
Un marché dominé par une poignée d'acteurs
Très concentré, le petit marché des logiciels se partage entre quelques acteurs. D'un côté, on trouve des sociétés mondiales éditrices de logiciels, telles que SPSS et Confirmit. De l'autre, des éditeurs plus locaux, comme Askia, Voxco, Grimmersoft, Conversoft, Le Sphinx, Soft Concept... Et, si les progressions des acteurs du marché des logiciels d'enquêtes sont, pour la plupart, à deux chiffres, elles ont quand même nettement ralenti sous l'effet de la crise. «Les investissements de confort, comme ceux consacrés à de nouvelles générations d'outils, sont souvent repoussés», constate Pascal Hébert, p-dg de Grimmersoft.
A côté des deux poids lourds que sont SPSS (300 MEuros de CA monde 2008) et Confirmit, quelques sociétés jouent également à l international. Voxco, par exemple, dont la société mère se situe à Montréal, réalise 50 % de son chiffre d'affaires (10 m$) en Amérique du Nord et 50% en Europe. Sur ce dernier continent, elle vise plus particulièrement l'Europe de l'Est, alors que des marchés comme l'Italie et l'Espagne «poussent énormément», selon Raymond Cyr, CEO de Voxco. Qui poursuit: «Notre ambition est de nous rapprocher le plus possible du n 2 tout en restant sur l'industrie très spécifique qu'est celle du sondage. Nous voulons grossir avec nos clients et en attirer davantage de nouveaux. Nous allons chercher des grands comptes, le Top 10 des sociétés d'études mondiales, avec des contrats globaux.» Askia réalise, de son côté, 62 % de son chiffre d'affaires en France, 30% en Grande-Bretagne et 8 % aux Etats-Unis et dispose d'un partenariat depuis 1997 avec MI4C, une société belge. «Notre but est de figurer au rang des leaders incontestés et d'être considérés par nos clients comme un partenaire à part entière» explique Patrick George, président d'Askia. Dans cet esprit, la société a mis un point d'honneur à améliorer sa relation client au travers d'un site entièrement refondu. Avec un caractère communautaire affirmé, Askia.com joue la transparence, offre de l'interactivité, des services, etc. Ainsi, des widgets permettent désormais la consultation des informations à distance, des résultats en direct, le suivi d'une étude en temps réel... La société est leader sur l'analyse chez TNS Sofres et GfK depuis deux ans et figure sur des short-lists pour le recueil. Quant à Grimmersoft, la société regarde également du côté de l'international, mais de façon opportuniste. Conversoft, de son côté, travaille beaucoup en Grèce, Italie, Grande-Bretagne, Afrique du Nord mais aussi en Nouvelle-Zélande.
Au niveau de leurs clients, on peut noter que Voxco travaille à 80% pour des instituts et 20 % pour des annonceurs. «La part des annonceurs, au fur et à mesure de la montée en puissance des études on Une, augmente peu à peu», précise son directeur général, Gilles Bernasconi. Chez Grimmersoft, la proportion est inverse: 20 % d'instituts et 80 % d'annonceurs sur tous types de secteurs. SPSS compte, pour sa part, 25% d'instituts d'études et 75 % d'annonceurs tandis qu'Askia annonce 75 à 80% d'instituts et 20 à 25% d'annonceurs.
Patrick George (Askia):
«Notre but est d'être considérés par nos clients comme un partenaire.»
Des éditeurs divisés en trois catégories
Pour Socio Logiciels, les éditeurs de logiciels d'enquêtes et de statistiques peuvent être classés en trois catégories (voir le graphique ci-dessous): les pure players qui viennent avant tout du monde de l'analyse des données et qui déclinent des solutions complètes allant du recueil au reporting (SPSS, Le Sphinx, Grimmersoft...); les éditeurs issus de l'enquête téléphonique qui ont pour origine un logiciel de recueil de données par téléphone mais qui aujourd'hui proposent, eux aussi, des solutions plus ou moins complètes (Voxco, Askia, Conversoft...); et enfin, les éditeurs venant de l'enquête sur Internet ayant d'abord développé des logiciels de recueil via le Net et qui déclinent des solutions alliant l'analyse et le reporting.
Pour ces leaders, l'activité market research est essentielle. Pourtant, à cause de la forte concentration de l'industrie des études et de sa récente moins bonne santé économique, certains cherchent à étendre leur activité. Voxco (90% de son activité réalisés par la collecte, 5% par le traitement) veut s'ouvrir aux clients corporate
(pour des études internes, d'image, etc.) avec ses partenaires instituts. Même politique chez Grimmersoft. La société va progressivement couvrir de nouveaux domaines, tels que l'assessment (enquêtes internes, qualité/formation, évaluation) - ce qui explique son rachat de la société Perspective 1.2.3., leader des enquêtes internes -, l'analyse sensorielle, l'expérimentation...
A côté de ces éditeurs leaders, on trouve d'autres acteurs professionnels. Qui se positionnent soit sur la collecte, soit sur le traitement ou l'analyse. La société 5ème Force, entreprise spécialisée dans le traitement des données, en est un exemple. Travaillant avec les grands instituts et parfois directement avec les annonceurs, elle a développé des outils logiciels selon le principe «à chaque fonction son outil». «Ces modules - Testoïde, Geocodoïde, Samploïde en 2008-2009 -doivent rendre service au quotidien dans les services études et marketing, en permettant à tout un chacun de réaliser instantanément des opérations basiques sans avoir à mettre en oeuvre des logiciels avancés ou à faire appel à un spécialiste. Nous avons petit à petit identifié ce besoin parmi nos clients et contacts, mais il n'était pas couvert par les logiciels de traitement de données des grands éditeurs», indique Stéphane Boucharenc, directeur général de 5ème Force, qui propose ses logiciels gratuitement.
Quant à AreYouNet.com, pure player, né il y a sept ans, 65 % de son activité provient des logiciels et 35 % de prestations études. «Nous comptons 2500 utilisateurs de notre solution, hébergée dès 2001. Si nous étions positionnés uniquement annonceurs au départ, depuis un peu plus d'un an, les instituts «middle market«viennent nous voir. Néanmoins, nous pensons que notre stratégie n'est pas d'investir le marché des instituts», estime Aymeric de Boiheraud, directeur commercial et marketing. Au contraire de Confirmit, grand leader mondial sur les solutions de collecte, traitement et reporting, et de gestion de panel on line, qui offre sur le marché l'une des meilleures suites logicielles dans le domaine des études on line, chère et nécessitant de grandes compétences.
Côté gestionnaires de panels on line, Toluna, par exemple, propose Panel- Portal, une solution web 2.0 de gestion d'enquêtes et de gestion de communautés de panélistes en ligne. Et a lancé Toluna QuickSurveys, un service qui permet à toute société de réaliser ses propres sondages en ligne et d'accéder 24h/24 et 7j/7 à leurs résultats en temps réel. Dès leur création, les sondages Toluna Quick- Surveys sont instantanément diffusés sur Toluna.com, la communauté des 2,5 millions de panélistes Toluna.
Hervé Dhelin (SPSS):
«Aujour'hui, nous cachons la complexité statistique de nos outils.»
Quel business model?
Plusieurs business models coexistent au sein des éditeurs de logiciels. La licence pour un enquêteur (le modèle le plus important), la licence en fonction du nombre d'interviews réalisées, ou encore - et c'est l'offre qui évolue le plus vite - le modèle SaaS (Software as a service). Là encore, deux façons de travailler sont possibles: un abonnement fixe ou à la consommation. «D'ici à 2012, la moitié du marché se fera en mode SaaS», prévoit Pascal Hébert, qui diffuse sa toute nouvelle solution Obseo de cette façon. Ce qui, pour Hervé Dhelin, directeur marketing de SPSS, «correspond à une évolution de technologie et démarché». Pour renforcer sa capacité technologique, la société a rejoint le Club Alliance pour le SaaS d'IBM.
Aujourd'hui, explique Fabien Souletie, directeur général de Conversoft, «nous travaillons sur la base de la location. Mais il est important de proposer également du SaaS, par exemple pour les clients qui veulent tester de nouveaux modes de collecte, notamment les études on Une. Nous sommes également capables de fournir une plateforme téléphonique en mode SaaS quel que soit l'opérateur.» L'éditeur a d'ailleurs soumis sa plate forme à l'Anvar qui lui a donné le label Innovant sur les technologies utilisées et la méthodologie. Com me le constate Gilles Bernasconi, «le marché des études attend de nous tous des solutions «client léger»». Avantage: le client n'a rien à installer chez lui; il lui suffit de se connecter à un serveur via Internet. «Grâce à son abonnement, il dispose d'un logiciel et de l'informatique qui va avec», souligne Pascal Hébert. Pourtant incontournable, le mode SaaS a nécessité, côté éditeurs de logiciels, la mise en place de solutions technologiques «full web», ce qui a pris un certain temps. Dans ce domaine, AreYouNet.com fait figure de pionnier: depuis le début, ce pure player fonctionne en mode SaaS. Peu à peu, tous les éditeurs s'y mettent. Désormais, la solution Sphinx est full web. «Depuis un an surtout, poussée par les grandes sociétés d'études, la location SaaS tend à remplacer l'achat de licences. Les instituts n'auront plus de charges fixes lourdes, il leur suffira de louer une plateforme», s'enthousiasme Bruno Colin, Global Managing Director, Operations & IT Member of the Global GfK Custom Research Board. Une réponse également à la mobilité des responsa bles études marketing dans les sociétés d'études et chez l'annonceur. Et qui offre l'énorme avantage de permettre une modification des outils immédiate et commune à tous les utilisateurs.
Guillaume Weil (Crmmetrix):
«Il est pour l'instant difficile de trouver des logiciels à la fois performants techniquement et simlles à utiliser.»
Répondre aux besoins
Parce que leurs clients ont besoin d'aller vite à faible coût, les éditeurs ont adapté leurs outils. La technologie a permis de développer puissance, rapidité et fiabilité. «En outre, nos logiciels sont devenus plus simples a utilisation. Aujourd'hui, nous cachons la complexité statistique de nos outils», reconnaît Hervé Dhelin. De gros efforts ont été réalisés, mais des progrès restent encore à accomplir. «Il est pour l'instant difficile de trouver sur le marché des logiciels qui soient simultanément très faciles à utiliser et très performants d'un point de vue technique», constate Guillaume Weil, directeur général de Crmmetrix.
Autre tendance: le développement de gammes de solutions complètes. «Il faut que la suite logicielle soit capable de suivre le terrain, le traitement et le web reporting», remarque Christian Barbaray, p-dg d'Init.
«Cette année, les demandes des clients se multiplient sur le web reporting, note Marion Clairet, directrice marketing de Soft Concept. L'axe majeur est de pouvoir articuler les enquêtes en ligne à une application, sur mesure, de restitution des données pour une alimentation et un suivi en temps réel. Les grands comptes, et donc les instituts, y trouvent les intérêts suivants: moins de manipulation de données au fur et à mesure que les répondants valident leur questionnaire en ligne (l'ensemble des résultats s'actualisent); des baromètres en temps réel et personnalisables selon les droits d'accès, des remontées par site ou entité avec historisation.»
«C'est une perte de temps que de passer d'un logiciel à un autre», souligne Bruno Colin. Les logiciels sont de plus en plus orientés «end users», avec des bibliothèques préprogrammées facilitant l'utilisation et permettant d'aller chercher des projets passés. Dans les logiciels de collecte, la grande nouveauté est l'apparition de solutions autorisant le mix mode ou le switch mode, du face-à-face au téléphone en passant par Internet et les différents téléphones portables. Les outils de collecte d'enquêtes téléphoniques intègrent désormais la VoiP. Autre grande évolution: l'attention portée au reporting qui, de plus en plus souvent, fait partie de la suite logicielle. Areyounet.com, par exemple, lancera en novembre un module de conception de rapport dans sa solution intégrée d'enquêtes en ligne et de gestion de panel, Panel Management on Demand. «Le marché des logiciels d'études va évoluer vers des outils capables d'autoanalyser les données et faire des reportings avec de l'interprétation intelligente automatique», explique Christian Delom, directeur général de Socio Logiciels. Une amélioration fortement attendue par l'industrie des études, comme le confirme l'enquête Confirmit/Meaning Ltd.
Christian Delom (Socio Logiciels):
«Le marché va évoluer vers des outils cApables d'autoanalyser les données et de faire des reportings avec de l'interprétation intelligente automatique.»