Les entreprises plébiscitent les outils de CRM
La gestion de la relation client (ou CRM) est à la mode. Après les ERP (progiciels de gestion intégrés) et la business intelligence (décisionnel), c'est au tour des outils de CRM d'être plébiscités par les entreprises. Mais encore faut-il savoir à quels usages ils sont destinés. Implanter un progiciel généraliste ou monter un centre d'appels de dix positions sont deux chantiers très différents en termes d'implication des hommes, de durée du projet et de coût. Pour bien choisir ses outils CRM, il convient de déterminer avec précision ses besoins sans se laisser influencer par les nombreux prestataires, dont les offres sont parfois difficiles à évaluer. Intégrateurs et cabinets conseils sont là pour aider les entreprises à mener à bien l'installation de ces instruments de gestion de la relation client.
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Comme Monsieur Jourdain, tout le monde fait du CRM sans le savoir. Mais, là
où le boucher de quartier n'avait besoin que d'une bonne mémoire et d'un bagout
naturel pour dialoguer avec ses clients, les entreprises doivent gérer des
interactions multiples, en direction des professionnels (B to B) ou du grand
public (B to C). Et, plus les sociétés sont importantes et ramifiées, plus
elles ont besoin d'outils sophistiqués. Ensemble de concepts, le CRM nécessite
des instruments pour être appliqué avec succès. La palette est large :
progiciels dits généralistes, qui gèrent l'ensemble des interactions, comme
Siebel, PeopleSoft CRM (ex Vantive), Oracle CRM, ou SAP CRM ; programmes pour
centres d'appels, avec des applications développées par Point Informations
System, Com6, Easyphone, Vocalcom, etc. ; e-CRM, en utilisant le canal de
l'Internet ; CRM décisionnel, ou exploitation des bases de données clients
grâce à des logiciels ad hoc (Hypérion, SAS Institute, Business Objects...).
Stéphanie Walliez (CXP International)
: "Avec l'arrivée d'Internet, des
fonctions à valeur ajoutée ont été rajoutées aux outils CRM".
Bref, une offre pléthorique dans laquelle il est difficile de se retrouver.
Valoris, cabinet conseil spécialisé dans le secteur de la relation client, a
créé un tableau recensant les différents prestataires et l'a appelé "La jungle
des outils de e-CRM". Pour Stéphanie Walliez, consultante CRM au CXP, « choisir
un programme, c'est prendre un risque ». Il y a un an, tout était labellisé "e"
quelque chose, pour faire référence à l'Internet. Aujourd'hui, chaque éditeur
de logiciels se doit de posséder son produit CRM. Effet de mode ou véritable
avantage concurrentiel ? Une chose est sûre, la vente des licences de logiciels
explose : + 50 % par an, selon Hervé Drevot, responsable du développement de
l'activité CRM chez Valoris. Sans parler des honoraires des consultants et
intégrateurs, chargés d'insérer ces nouveaux outils dans les systèmes
d'information des entreprises, qui ont d'ailleurs augmenté le nombre de leurs
prestations de 100 à 150 % !
Trois types de CRM
« En
2000, nous avons réalisé un chiffre d'affaires d'un milliard de francs.
Personne n'a jamais vendu autant de licences de logiciels en France, tous
secteurs confondus », affirme Fred Hessabi, vice-président Europe du Sud de
Siebel, leader mondial des progiciels de CRM. Si les outils de gestion de la
relation client se vendent si bien, c'est d'une part, comme l'indique Philippe
Nieuwbourg, vice-président marketing et communication de Stellar X, parce que «
ses bénéfices sont faciles à visualiser ». Et d'autre part, parce que le
domaine d'intervention du CRM s'est élargi. Au départ, il s'agissait
essentiellement de gérer les actions commerciales des vendeurs, ce que l'on
appelle aussi Sales Force Automation (SFA) ou automatisation des forces de
vente.
Guy Bonassi (Cap Gemini Ernst & Young)
: "C'est une chose de mettre en
place un outil. Expliquer à des commerciaux qu'ils vont devoir partager leurs
informations en est une autre".
C'est d'ailleurs sur ce créneau que Siebel a été créé par un ancien d'Oracle,
avant de prospérer et d'étendre son champ d'intervention au pilotage de toutes
les interactions en direction des clients. Aujourd'hui, selon l'institut
d'études Meta Group, les outils du CRM sont de trois types : CRM analytique (ou
décisionnel), CRM opérationnel (traitement de la commande) et CRM collaboratif
(interaction avec le client par tous les canaux possibles). Plus simplement,
IBM Global Services parle d'avant vente, vente et après-vente. Cette typologie
explique pourquoi l'on voit ce sigle apposé sur des logiciels de gestion des
bases de données, de suivi de campagnes marketing, de pilotage de centres
d'appel et maintenant d'interaction via l'Internet, ce que l'on nomme également
NetCRM ou e-CRM. « L'extension fonctionnelle du CRM va naturellement vers le
e-commerce », estime Stéphanie Walliez. Elle distingue quatre fonctions au sein
de la gestion de la relation client : marketing (cibler), vente (forces de
vente), service (support, SAV) et connaissance (analyse). D'ailleurs, elle
emploie le terme d'ERM pour Extended Relation Management, montrant ainsi que la
GRC, traduction française de CRM, s'est enrichie de nouvelles fonctions
(infographie p 64).
Le e-CRM complique les choses
L'arrivée d'Internet a encore complexifié l'offre d'outils CRM. « Il y a un an,
on en était encore à porter la version client/serveur sur le Net. Depuis
quelques mois, on rajoute des fonctions à valeur ajoutée : campagnes marketing
via le Web, gestion personnalisée des e-mails, e-commerce », poursuit Stéphanie
Walliez. On a ainsi vu apparaître des notions comme le Web Call Center avec le
Web Call Back (bouton de rappel du client sur un site web), le chat
(conversation en mode texte), le Web Call Through via la voix sur IP
(téléphonie sur PC) et le cobrowsing (navigation partagée). Ce rapprochement
entre téléphone et Web a conduit des industriels de la téléphonie comme Alcatel
(après son rachat du middleware de CTI Genesys), ou Matra Nortel (qui a acquis
l'éditeur de progiciels Clarify), à revendiquer une place au sein de la
nébuleuse CRM.
Arnaud Chain (Remedy)
: "Les entreprises doivent se faire accompagner
des conseils de consultants et d'intégrateurs qui les aideront à se poser les
bonnes questions".
Sans compter les multiples éditeurs de systèmes pour centres d'appels et ceux
qui proposent de personnaliser les sites, comme les Américains BroadVision ou
Vignette, ou le Français Logmetrix. Côté e-CRM, on voit se multiplier les
applications d'e-mailing. Promod a ainsi adopté Consomail de Consodata pour
attaquer, via son site (la marque n'a pas de boutiques en Grande-Bretagne), la
cible des ménagères anglaises. Après avoir établi des profils de clientes
britanniques désirant recevoir des offres, Promod a pu insérer un message ciblé
à leur intention via le mail. MTV France a pour sa part choisi l'outil Email
Vision pour communiquer de manière personnalisée avec ses
internautes/téléspectateurs. « Notre objectif est de construire une relation
privilégiée avec les internautes français grâce à notre newsletter Magazine »,
explique Roy Lindemann, P-dg de MTV France. A terme, MTV veut construire une
base de données et introduire des outils de personnalisation, voire des
messages en vidéo streaming associés aux mails.
Les spécialistes à la rescousse
Installer un outil de CRM veut donc d'abord dire
choisir. Pour cela, les entreprises peuvent consulter certains sites qui
recensent l'offre logicielle, comme celui du CXP (www.cxp.fr), même si aucune
rubrique n'existe sous le nom de CRM. Il faut chercher dans "gestion de la
relation client", "force de vente" et "gestion commerciale/administration de
ventes". Sur Planète Client (www.planete-client.com), on trouvera des
comparatifs (pour les abonnés) et l'on peut poser des questions à des experts,
comme le "gourou" CRM. La société de conseil Win-More (www.winmore.fr), qui se
présente en tant que "CRM agency", a réalisé une étude comparative de quarante
progiciels, tous disponibles sur le territoire français. Cette étude de 550
pages coûte 10 000 F HT. Reste qu'en raison de la complexité de l'offre, de la
difficulté à cerner ses besoins et du coût d'un projet CRM, mieux vaut
s'entourer des compétences d'un prestataire spécialisé. Les grands cabinets de
conseil comme Accenture (ex-Andersen Consulting), Arthur Andersen, CSC Peat
Marwick, PriceWaterhouseCoopers, Deloitte et Touche, Cap Gemini Ernst & Young
ont créé des divisions spécialisées dans le CRM, ainsi qu'IBM avec sa filiale
Global Services. Après avoir beaucoup oeuvré pour connecter les ERP au back
office, ils se tournent aujourd'hui vers ce marché de la GRC en pleine
croissance. A côté de ces grosses entités, d'autres structures existent, encore
plus spécialisées, comme Valoris, eLoyalty, Datapoint, Unilog, Soft Computing,
Business et Décisions, Europstat, Atos/Origin, Steria ou Experian. On peut
ajouter à cette liste (non exhaustive !) les nombreuses Web agencies qui se
concentrent sur les aspects Internet du e-CRM. « Il est indispensable de se
faire accompagner dans la démarche. En amont, par des consultants qui aideront
à définir la stratégie et en aval, avec l'intégration, qui est un métier à part
entière », recommande Hervé Drevot. Les éditeurs eux-mêmes conseillent à leurs
prospects de s'adjoindre les services d'un spécialiste. Ainsi, pour Arnaud
Chain, directeur général Europe du Sud de Remedy, « les entreprises doivent se
faire accompagner des conseils de consultants et d'intégrateurs qui les
aideront à se poser les bonnes questions ». Une fois ses besoins déterminés,
son outil choisi, son prestataire désigné pour l'accompagner, l'entreprise doit
encore convaincre ses propres forces vives d'adhérer à cette nouvelle
organisation. En effet, la mise en place d'un système CRM peut déranger les
habitudes de travail et provoquer des réticences dangereuses.
Philippe Nieuwbourg (Stellar X)
: "Les bénéfices des outils CRM sont
faciles à visualiser".
Ainsi, au CIC Banque Transatlantique, qui a installé le progiciel Siebel,
l'abandon des assistantes a fortement perturbé les conseillers commerciaux.
Mondial Assistance (voir p. 70) a dû convaincre ses téléconseillers du bien
fondé du choix d'un progiciel, malgré les avantages réels du produit.
Les entreprises adoptent les outils de CRM
« C'est une
chose de mettre en place un outil, procéder aux aménagements du temps de
travail des personnels d'un call center, c'en est une autre que d'expliquer à
des commerciaux qu'ils vont devoir partager leurs informations », souligne Guy
Bonassi, directeur France du CRM chez Cap Gemini Ernst & Young. Après une phase
durant laquelle on en parlait plus qu'on ne l'appliquait, le CRM est
aujourd'hui une réalité dans les entreprises. Les banques, les assureurs, les
opérateurs de télécoms sont naturellement des secteurs enclins à utiliser ces
outils de gestion de la relation client, suivis par la distribution ou les
fabricants de produits de grande consommation. Mais l'on trouve aussi des
exemples chez les pétroliers, comme Shell, qui a choisi PeopleSoft CRM pour
tous ses centres d'appels européens ; des télévisions comme MTV, qui utilise
Email Vision pour informer les internautes ; des informaticiens tels que
Fujitsu Siemens, qui a installé GoldMine de Front Range pour aider ses
télévendeurs. Qu'elles soient en relation avec un client final de type grand
public ou professionnel, les sociétés de tous types intègrent le CRM dans leurs
"meilleures pratiques". Ainsi, le Crédit Mutuel du Centre s'est équipé de la
suite logicielle Easyphone pour son centre d'appels et de Marketic One pour
gérer ses campagnes marketing, intégré par IBM Global Services. La banque
mutualiste étudie la possibilité d'acheter un progiciel généraliste comme
Siebel ou encore PeopleSoft CRM. Une autre banque, le CIC Banque
Transatlantique, qui gère les actifs de clients fortunés, français de
l'étranger ou étrangers résidant en France, a porté son choix sur le progiciel
Siebel afin de gérer les contacts téléphoniques et Internet avec ses clients.
De son côté, la Fnac a décidé de segmenter sa base adhérents et de piloter les
actions de marketing grâce à Marketic One. France Télécom Mobiles a innové en
implantant un logiciel américain peu connu en France, Epiphany, avec l'aide de
Stéria. Ce dernier permet aux téléconseillers de l'opérateur télécom de
proposer en temps réel un service ou un produit correspondant le mieux possible
au profil de l'abonné qui contacte le centre d'appels (voir p. 74). Bref, les
entreprises ont intégré l'existence des outils marketing de la relation client.
Après avoir préparé l'arrivée de l'euro, occasion pour elles de remettre à
niveau leurs systèmes d'information, puis avoir mis en place des ERP pour gérer
leurs back office, elles s'inquiètent aujourd'hui de l'existence et des besoins
d'une composante du mix marketing qu'elles avaient eu tendance à négliger
pendant longtemps : le client.
Le budget d'un projet CRM
Installer un ou plusieurs outils de CRM sous-entend de dégager un budget en rapport. En sachant que le prix de la licence logicielle n'est pas le poste le plus important. Ce sont les prestations annexes (intégration, formation des utilisateurs, gestion du changement) qui feront grimper l'adition. En effet, les experts s'accordent à dire que pour un franc dépensé en logiciel, il faut en rajouter trois ou quatre de plus pour le conseil et l'intégration. Pour Cap Gemini Ernst & Young, une entreprise moyenne (100 salariés) doit pouvoir investir entre 3 et 5 millions de francs pour un projet CRM. Mais le budget peut aller jusqu'à 50 MF pour un grand compte, selon Hervé Drevot de Valoris. Pour un progiciel généraliste, IBM Global Services estime le coût à 30 000 F par poste, mais entre 75 000 et 200 000 F si l'on souhaite personnaliser le soft et l'intégrer au back office. En choisissant de s'équiper pour une seule fonction, on limite les frais. Ainsi, l'éditeur Remedy estime le coût d'équipement d'un centre d'appels à un million de francs. Une gestion de campagnes marketing coûtera selon NCR entre 2 et 4 millions de francs, y compris la fourniture de la base de données.
Do you speak CRM ?
ACD (automatic call distributor) : système distribuant automatiquement les appels entrants aux téléopérateurs. Co-browsing : l'opérateur peut envoyer une page web à l'internaute (mode push) sur laquelle figure le produit recherché. Il guide ainsi le client dans sa navigation. CRM (Customer Relationship Marketing ou gestion de la relation client) : ensemble d'applications interconnectées pour conquérir et fidéliser les clients qui couvrent les processus vente, marketing et support client. CTI (Computer Telephony Integration ou couplage téléphonie informatique) : association d'un appel à des données issues d'une base de données. e-CRM : gestion des relations clients via le Web. Middleware : couche logicielle intermédiaire entre les applications et le réseau permettant le dialogue entre applications hétérogènes. SFA (Sales Force Automation ou automatisation des forces de vente) : démarche consistant à équiper les vendeurs d'une base de données commerciale, d'outils de gestion de l'action commerciale et de supports d'aide à la vente. Web call center : solution de téléphonie installée sur un site web, avec fonction de rappel (Web call back), de conversation simultanée (Web call through) ou d'appel via le PC (VoIP, voix sur IP).
Les chiffres du CRM
Selon IDC et Cap Gemini Ernst & Young, le marché européen du CRM (ou GRC, gestion de la relation client) était de 72 milliards de francs en 1999 et devrait atteindre 216 milliards en 2003. Pour AMR Research, les chiffres sont de 3,7 à 17 milliards de dollars (27 à 124 MdF). Ces estimations englobent l'ensemble des composants du CRM, c'est-à-dire les prestations d'ingénierie et de consulting et les licences des logiciels. Si l'on se concentre sur le seul marché français, l'estimation 1999 de Pierre Audoin Conseil est de 5,27 MdF, dont 15 % pour les licences logicielles. IDC a calculé la part des softs, soit 3,97 MdF en 1999, dont 427,5 MF pour la vente de licences, en hausse de 44,2 %. La France pèse 15,2 % des revenus du marché européen et 3,15 % du marché mondial. Toujours selon IDC, en 1999 les secteurs qui se sont le plus équipés en logiciels CRM ont été les télécoms (26,4 %), banque et finance (16,5 %), les administrations (13,3 %), l'assurance (11,3 %), les services (4,1 %), commerce et grande distribution (2,6 %), industrie (22,3 %).