Trading média : comment redonner de la flexibilité à l'achat média ?
Simplifier et automatiser les process d'achat média. L'enjeu, pour les médias historiques comme pour les "nouveaux entrants", plus numériques, reste le même. Témoignages à l'occasion des Rencontres de l'Udecam, le 15 octobre.
Je m'abonne"Cette année, nous devons nous plonger dans 700 pages de CGV TV. Et la radio prend le même chemin pour ses conditions générales de vente !" Anne Thetier, directrice générale en charge du trading au sein d'Omnicom Media Group, exprime l'angoisse que peuvent ressentir les agences média lors de la construction des campagnes des annonceurs. À l'occasion des Rencontres de l'Udecam 2022, le 15 octobre, la DG a martelé : "66 000 cellules à traiter sur Excel pour construire le cadre d'une campagne en télévision, c'est trop ! Nous sommes confrontés à toujours plus de complexité en amont." Directement "ciblée", Sylvia Tassan Toffola, directrice générale de TF1 Pub, lui a répondu, sans détour : "Nous ne sommes pas la cause directe de cette complexité que je ne nie pas. Il s'agit d'une résultante d'un problème de reconnaissance de la valeur et, cela, sur trois niveaux. Le premier, c'est l'exigence, toujours, de la part des agences, de baisser les prix et, ce, sans que nous soyons consultés dans les appels d'offres. Le deuxième problème qui en résulte, c'est la menace d'aller chez Google ou Meta, si cela ne nous convient pas. Le troisième problème est l'asymétrie réglementaire : il faut que les agences et leurs donneurs d'ordre, les annonceurs, reconnaissent qu'un environnement brand safe, du contenu éditorialisé, de la data, de la mesure par des tiers... cela a une valeur."
Radio, TV, print... des médias "flexibles" ?
Alors, à qui la faute ? Comment faire face à cette complexité ? Et comment, en conséquence, simplifier et automatiser les process des médias "historiques" que sont la télévision, la radio et le print pour ne pas être dépassés par les nouveaux entrants numériques ? Au sein de Lagardère Publicité News (Europe 1, Europe 2, Paris Match, Le Journal du Dimanche, RFM, OÜI FM (en Ile de France), FG Radio (en île de France et à Nice), Radio Meuh, Radio Public Santé et Replay News), la prise de conscience ne date pas d'hier. "Nous avons compris, dès 2009, au début d'une crise, déjà, que le facteur temps était un facteur clé de succès, explique Marie Renoir-Couteau, présidente de Lagardère Publicité News. Nous avons constaté que dès que la situation se tendait, la capacité que nous avions à répondre présent, en un temps rapide de mobilisation et de la bonne manière, était un facteur d'adaptation prioritaire sur le marché. Dans les outils déployés, nous travaillons beaucoup avec l'EDI, un outil de transmission de données, de poste à poste, pour accentuer l'agilité du média radio."
La présidente de Lagardère Publicité News décrit les spécificités de la radio. "Les commandes sont très précises, à savoir des horaires associés à des performances, et dans des délais très courts, entre J-10 et J-7, avec la possibilité d'aller sur des délais plus resserrés de manière exceptionnelle." La même "flexibilité" est mise en avant par 366, la régie publicitaire des médias "du territoire" (55 quotidiens dont Sud Ouest, Ouest France, Le Télégramme, Midi Libre, La Voix du Nord Le Progrès, L'Est Républicain) : "Nous sommes dans l'agilité extrême, grâce à une forte intégration de l'achat média dans les process de fabrication. Nous permettons ainsi de réserver un encart publicitaire jusqu'à J-2 ou J-3", partage Luc Vignon, DGA en charge du digital de 366. Un défi alors que les médias régionaux représentent 3,5 millions d'exemplaires, imprimés à 23 heures et livrés avant 7 heures du matin. Flexibilité, aussi, revendiquée par la régie du groupe TF1, mais pas seulement : "Nous devons tendre vers le même niveau serviciel et transactionnel que les "nouveaux" médias, tranche Sylvia Tassan Toffola. Depuis 2016, la télévision travaille en ce sens. Nous avons créé avec les autres acteurs du marché de la télévision des plateformes d'achat. Sur notre plateforme, la Box, nous avons 140 agences référencées, 290 acheteurs au quotidien, 60 000 transactions par an." La régie du groupe TF1 oeuvre aussi à centraliser les mandats et les créations pour "apporter de la simplification" et à s'adapter aux nouveaux modes d'achat grâce au programmatique. Des changements qui se sont également accompagnés d'un "changement d'organisation, poursuit Sylvia Tassan Toffola, et des formations".
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Et pour demain ? "Le sentiment que j'ai en tant que média installé depuis 70 ans, c'est que l'on a déjà tout donné aux annonceurs, glisse encore Marie Renoir-Couteau. La seule chose que nous pouvons encore offrir est la productivité, car il n'est pas possible de diffuser plus de spots publicitaires sans dégrader l'expérience des auditeurs et/ou des spectateurs. Nous sommes arrivés à un moment clé, et plus que l'automatisation, c'est le dialogue humain qui nous permettra d'être performant".