[Tribune] Publicité programmatique : 5 tendances pour 2022
Quels sont les grands chantiers 2022 pour les écosystèmes publicitaires et les médias digitaux ? Véronique Pican, Country Manager France de l'ad server Smart, en voit 5 parmi lesquels l'augmentation des stratégies d'achat cookieless.
Je m'abonneL'année 2021 aura été riche en évolutions, et je pense que nous pouvons collectivement être fiers de tout ce que nous avons accompli. Entre initiatives "qualité", préparation à la fin des cookies tiers, évolution des technologies sémantiques et rationalisation de la chaîne de valeur... Les sujets qui ont animé nos équipes ont été nombreux et les discussions fructueuses. Mais ces chantiers vont continuer de nous préoccuper dans les mois à venir et ils laissent de nombreuses questions en suspens.
Les différentes procédures en cours à l'encontre des GAFA (ou GAMA ?) vont-elles entraîner des changements de fond ? Comment l'ATT framework va-t-il impacter les dépenses publicitaires sur mobile ? L'industrie CTV va-t-elle enfin connaître son envol tant attendu ? Dans un écosystème qui évolue aussi rapidement que celui de l'adtech, nous devons innover sans relâche et nous tenir prêts. Voici quelques thématiques qui, j'en suis convaincue, vont impacter nos activités en 2022.
1. Dans un monde sans cookies...
L'annonce du report de la fin de cookies tiers à 2023 a offert aux acteurs de notre industrie une opportunité inattendue et inestimable : un délai supplémentaire pour se préparer, tester et expérimenter les solutions alternatives. La performance restant de mise, ces dernières devront prouver la valeur et le ROI qu'elles génèrent avant d'être déployées à grande échelle. L'heure est donc au "test and learn" et l'année devrait être marquée par une augmentation significative des stratégies d'achat cookieless côté buy-side. L'opportunité également pour les éditeurs de monétiser davantage leur 1st party data, à condition cependant que celle-ci soit correctement organisée et exploitée, mais surtout contrôlée et protégée.
Rappelons aussi que, parallèlement à la disparition des cookies tiers, la part du trafic sans consentement va continuer à croître. La monétisation de cette partie des inventaires reste essentielle pour les éditeurs, qui pourront s'appuyer sur des solutions de ciblage sémantique contextuel pour valoriser la qualité de leurs contenus auprès d'une nouvelle source de demande, dans le respect de la vie privée de l'utilisateur. En effet, l'intelligence artificielle et les outils de machine learning nous permettent aujourd'hui d'étendre significativement le reach des campagnes et de diffuser auprès d'une audience plus réceptive des messages publicitaires pertinents, en totale adéquation avec le contexte dans lesquels ils sont vus.
2. Vers un programmatique simple...
Dans un écosystème programmatique toujours plus fragmenté, nous pouvons nous attendre à ce que l'accent soit davantage mis sur les solutions qui contribuent à la rationalisation, à la simplification et à la transparence du secteur. Les projets de value path optimisation - ou l'optimisation du chemin de valeur - ont permis aux acheteurs médias et aux éditeurs de limiter le nombre de partenaires technologiques avec lesquels ils travaillent, dans l'optique d'améliorer l'efficacité opérationnelle des transactions et des campagnes.
Nouvellement arrivée, la curation répond elle aussi à ce défi, car elle facilite l'activation média au sein de marketplace sur mesure. En alliant packages d'inventaires multi éditeurs, données d'audience, contexte et ciblage de la performance, la curation permet aux annonceurs d'accéder directement aux inventaires les plus premiums avec les bénéfices de la transparence, d'un meilleur reporting et de l'efficacité coût. Cette solution devrait se développer rapidement dans les mois à venir pour finalement se substituer aux enchères ouvertes, et ainsi renforcer les relations de confiance et la création de valeur au sein de l'écosystème programmatique.
3. La qualité comme leitmotiv...
Le coût total de la fraude publicitaire digitale représente près de 65 milliards de dollars à l'échelle mondiale, et ce chiffre devrait continuer de croître si l'on en croit les estimations. Si les dispositifs Ads.txt, Sellers.Json et SupplyChain Object ont été largement adoptés par les éditeurs et leurs partenaires ces dernières années, l'utilisation des normes Buyers.Json et DemandChain Object peinent à se généraliser côté "demand", créant ainsi une relation asymétrique entre les acheteurs et les vendeurs de médias.
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J'en appelle donc, en 2022, à la responsabilité collective - et en particulier côté acheteurs - pour effectuer les développements et les investissements nécessaires à l'implémentation de ces standards. L'enjeu est non seulement de lutter activement contre la fraude et d'empêcher les acteurs malveillants de s'enrichir, mais avant tout de construire un écosystème publicitaire durable, sain et transparent qui profitera à tous.
Il sera également important de définir des normes industrielles communes pour les secteurs d'activités plus jeunes mais à la croissance plus rapide, en particulier pour la CTV et l'OTT, afin de répondre aux préoccupations de tous les acteurs en matière de sécurité et de lutte contre la fraude.
4. Un marché vidéo & CTV collaboratif...
En France, c'est l'offre de la télévision segmentée qui va s'imposer à "plein régime". En effet, fruit de la collaboration entre chaînes historiques, fournisseurs d'accès à internet (FAI) et partenaires adtech, ce segment publicitaire connaît des attentes fortes aussi bien pour les acheteurs que pour les vendeurs de médias. La possibilité de remplacer un spot publicitaire sur le flux linéaire offre en effet un avantage business considérable pour les chaînes de télévision, et permet aux annonceurs de répondre plus précisément à leurs objectifs de campagnes grâce à un ciblage plus fin.
L'expertise des acteurs du digital, qui maîtrisent à la fois la donnée et la distribution, permettra également aux offres AVOD (Advertising vidéo à la demande) et FAST (free ad supported TV) de se développer davantage dans les années à venir, comme c'est d'ores et déjà le cas aux États-Unis. Les partenaires adtech, plateformes SSP et DSP, savent en effet opérer ce type d'inventaires portés par la donnée, et seront en mesure d'agréger les audiences pour répondre aux problématiques de reach et de performance des annonceurs. Je ne serais d'ailleurs pas surprise de voir les éditeurs de médias digitaux traditionnels migrer vers les plateformes de CTV en proposant leurs propres contenus vidéo, leur permettant ainsi de bénéficier également de ce nouveau canal de monétisation. À moyen terme en matière de média planning, on ne parlera plus de télévision mais de vidéo tout simplement.
5. Un écosystème plus responsable...
La publicité numérique a enfin pris conscience de ses devoirs et responsabilités vis-à-vis des consommateurs mais aussi des marketeurs en matière d'empreinte carbone. Calculettes, offres tenant compte du format, de l'environnement ou du mode d'achat... L'année 2022 verra sans aucun doute fleurir une vraie créativité en la matière. Attention cependant aux allégations ou fausses promesses car le développement durable s'inscrit justement dans une démarche d'actions mesurables et de responsabilités sociétales plus larges. En clair : moins de distorsion entre les paroles et les actes, l'importance de faire de la pédagogie sur les modèles économiques et sur la transparence des algorithmes, la communication transparente des partenaires business et technologiques impliqués dans les transactions, et ceci pour chacun des maillons de la chaîne !
Et pour la suite ? Dans un contexte où notre secteur continue de se développer et de se réinventer sans cesse, nul doute qu'il ne s'agit là que d'une partie des chantiers pour l'année à venir. Je suis impatiente de voir comment l'industrie de la publicité digitale va évoluer dans les mois à venir, de continuer d'apprendre et de nous adapter.