DossierLa Tribune : le phoenix renaît de ses cendres.
Principal concurrent du quotidien économique Les Echos, le journal La Tribune a réussi sa transition numérique et s'est même permis un retour au papier, en format hebdomadaire. Décryptage.

Sommaire
1 La Tribune: le média de l'économie réelle ?
Pour la première fois depuis 15 ans, le journal est à l'équilibre. Son patron en profite pour accélérer son développement géographique, avec ce qu'il nomme " un quotidien des métropoles ". Le but ? Faire de La Tribune un média qui soit le reflet de l'économie réelle : 70 % du PIB est généré hors Île-de-France. La mue est également numérique, grâce à une stratégie "mobile first". Elle est aussi économique, avec une politique de diversification des revenus faisant la part belle au "live media".
L'avis de l'expert masqué
Quand on voit à quel point la presse écrite est moribonde, on ne peut que saluer cette remontée de La Tribune. Le directeur du journal a eu l'intelligence de passer son quotidien en numérique dès 2012, tout en ne sacrifiant pas au tout numérique et en conservant une édition papier hebdomadaire. C'est économiquement pertinent : si le papier est peu rentable, il conserve un très fort pouvoir d'influence.
Épouser le numérique sans renier le papier, c'est le pari - réussi - que s'est lancé La Tribune après avoir failli en décembre 2011. Le projet de son repreneur, Jean-Christophe Tortora, bimédia et tourné vers les régions, porte ses fruits.
2 La Tribune: parfois en difficulté, jamais enterré
La stratégie éditoriale bimédia amorcée dès 2012 par son repreneur, Jean-Christophe Tortora, porte ses fruits : La Tribune affiche un chiffre d'affaires de 7,7 millions d'euros cette année, contre 6,6 millions en 2013 et 5,4 millions en 2012.
3 La résurrection par le digital
C'est grâce au passage au numérique que la mue vers ce que le président nomme un "quotidien économique du XXème siècle" est rendue possible. Tant pour des raisons de coût que pour s'adapter aux usages, le journal a abandonné dès 2012 le support papier pour une version quotidienne numérique. Elle a conservé une édition papier hebdomadaire, qu'elle diffuse le week-end, "jours où les ventes de journaux sont le plus fortes". Une complémentarité des supports et des temporalités. "Cette offre bimédia répond aux attentes et aux usages de nos lecteurs", souligne Jean-Christophe Tortora. Le titre s'appuie sur ce nouveau modèle pour accélérer le développement de sa marque média en province et renforcer sa ligne éditoriale autour des territoires, du numérique et de l'innovation. D'ici à 2015, La Tribune déploiera dix mini-rédactions, qui couvriront les métropoles et participeront au projet éditorial du titre : devenir un média à la fois "glocal" et vivant. Pour Jean-Christophe Tortora, cette offre réunissant information locale et internationale, inédite et différenciante dans le paysage médiatique français, répond aux attentes actuelles des entrepreneurs : "nous devons être en phase avec l'économie réelle : 70 % du PIB est réalisé hors de l'Île-de-France". Au-delà, ce développement régional est aussi un levier de conquête des abonnements, que le patron toulousain espère voir progresser à hauteur de 20 000 d'ici à 2016, contre 12 500 actuellement.
En parallèle, pour développer sa fréquentation, La Tribune mise sur l'accessibilité mobile, dont l'audience observe une forte croissance.
Le groupe a lancé, cet automne, une nouvelle formule de son quotidien numérique pensé pour l'usage mobile, " -premier point de contact avec nos abonnés", selon Jean-Christophe Tortora. Sa livraison a été avancée de 21 h 30 à 19 heures pour s'adapter aux nouveaux modes de vie et de consommation médias, tandis que l'interface joue la carte de la sobriété et de la clarté avec deux rubriques au choix ("Actualité" : une synthèse de la journée sur l'économie, les entreprises et la finance ; "Focus" : approfondissements et analyses).
4 Une nouvelle offre accueillie favorablement
Un choix qui s'avère payant : en deux mois, depuis le lancement de l'offre fin septembre, le taux d'ouverture a doublé, passant de 25 à 50 %. Le site web, deuxième le plus consulté sur l'économie après Les Échos, enregistre, pour sa part, 5,8 millions de visites mensuelles et comptabilise 1,7 million de visiteurs uniques par mois. Afin de réduire sa dépendance à la publicité "classique", qui génère aujourd'hui 40 % des revenus (21 % pour le print et 19 % pour le Web), La Tribune a fortement développé son activité événementielle, qui représente désormais 26 % des recettes. Avec plus de 80 événements sponsorisés cette année et une centaine l'an prochain, l'activité devient un pilier tant économique qu'éditorial du groupe (cf. interview de Jean-Christophe Tortora). Enfin, le groupe a récemment débauché Cécile Chambaudrie, qui dirigeait Figaromédias, pour prendre la tête du nouveau pôle business La Tribune Hub Media, afin de coordonner et d'inventer de nouvelles solutions publicitaires.
C'est l'histoire d'une renaissance. En décembre 2011, La Tribune, le quotidien économique concurrent des Échos, déposait le bilan. Trois ans plus tard, le journal revient à l'équilibre.
5 Les six clés de la réussite de La Tribune
OFFRE "GLOCALE"
La Tribune propose un "quotidien des métropoles", à mi-chemin entre Les Échos et la PQR. D'ici à fin 2015, dix éditions numériques locales de La Tribune seront lancées.
HUB DES RÉDACTIONS
Le déploiement régional s'accompagne d'une réorganisation des équipes, sous la forme d'un hub décentralisé et d'une mise en réseau des rédactions.
LIGNE EDITORIALE
La Tribune épouse la nouvelle économie et hiérarchise ses contenus autour de quatre thèmes : l'innovation, le numérique, les idées et les territoires.
STRATÉGIE MOBILE FIRST
Parce que l'audience mobile est le segment en plus forte croissance, le nouveau quotidien numérique a d'abord été pensé pour cet usage. C'est pourquoi son horaire a été avancé à 19 h et son interface simplifiée.
LIVE MEDIA
Afin de diversifier ses revenus, La Tribune mise sur l'événementiel, avec 80 forums sponsorisés cette année. Ce levier de croissance est aussi un pilier éditorial. Pilotée par la rédaction et non par la régie, La Tribune réfute le terme de "hors-média" pour lui préférer celui de "live media".
HUB MEDIA
Pour développer des solutions cross canal innovantes et sur mesure, le titre a créé un hub qui coordonne l'ensemble des solutions de communication sur la plateforme de marque de La Tribune. Celle-ci est déclinée en digital, print, audiovisuel et événementiel.
Quels ont été les leviers utilisés par La Tribune pour effectuer son tournant numérique ?
6 Interview: Jean-Christophe Tortora, président de La Tribune
Comment est née l'idée d'un traitement "glocal" de l'information ?
Avant d'être une conviction industrielle ou marketing, c'est une conviction politique. Le numérique brouille les frontières physiques. Un entrepreneur à Toulouse peut très bien piloter une entreprise sur un marché parfois mondial et avoir besoin de critères globaux et nationaux pour ses prises de décision, tout en souhaitant être informé de ce qui se passe dans son environnement et son écosystème locaux. L'offre de la presse telle qu'elle est segmentée entre Paris et les régions est un modèle du xxe siècle.
Votre déploiement territorial s'accompagne d'une réorganisation de la rédaction...
Lorsque j'ai repris, il y a trois ans, La Tribune, mon projet était déjà de bâtir une offre nationale, en m'inspirant du local et de son système décentralisé. Nous mettons en place un "hub" horizontal, avec des mini-rédactions, composées pour une moitié de journalistes et pour l'autre de professionnels du business development. La conférence de rédaction se déroulera en visioconférence.
Quelle est la valeur actuelle et à venir du papier ?
La presse quotidienne papier n'a pas d'avenir. Je crois, en revanche, à la valeur de l'information numérique au quotidien, ainsi qu'à celle du papier sur une périodicité hebdomadaire.
Vous êtes propriétaire de cinq médias économiques régionaux (1). Vous appuyez-vous dessus pour mener à bien cette réorganisation ?
Nous sommes dans un processus de consolidation, qui rassemble l'ensemble des éditeurs. Ce sont des marques qui possèdent une valeur sur le territoire local. Aussi, dans un premier temps, La Tribune jouera le rôle de marque ombrelle, via du cobranding.
(1) France Économie Régions : Acteurs de l'économie à Lyon, Objectif News à Toulouse, Objectif Aquitaine, Objectif Languedoc, Méridien Mag.
"La presse quotidienne papier n'a pas d'avenir".

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