Vers quels modèles économiques se dirigent les plateformes de streaming ?
Extension des services, publicité, offres plus personnalisées... Michael Mansard, directeur de la stratégie de Zuora, nous présente, à partir de ses observations, ses principales prévisions pour le marché du streaming vidéo.
Je m'abonne"Nous ne sommes plus dans une situation de croissance pour tout le monde comme c'était le cas durant la crise sanitaire. Les entreprises sont donc amenées à changer leur business model et à faire évoluer leurs offres". C'est ce que constatait Michael Mansard, directeur de la stratégie de l'entreprise de gestion des abonnements Zuora, pour le secteur du streaming l'année dernière. Pourtant, aujourd'hui, malgré la saturation du marché et les premiers indices de décroissance apparus en 2022, le marché du streaming poursuit sa progression. "C'est assez surprenant et je ne m'y attendais pas, mais nous identifions finalement une certaine croissance pour le secteur", reconnaît-il.
Selon les données de Zuora, le chiffre d'affaires du streaming vidéo a effectivement grimpé de 6 % sur l'année 2023, grâce, notamment, à de bons niveaux de rétention (avec un taux de désabonnement plus faible de 1,3 %) et d'acquisition (+ 2,39 %). Netflix est, par exemple, ainsi passé de 230 millions d'abonnés en 2022 à 260 millions à la fin de l'année 2023. Et cette dynamique se poursuit : la plateforme en compte aujourd'hui un peu plus de 280 millions. En revanche, le revenu moyen par client (ARPU) pour l'ensemble du secteur a également baissé (- 1,7 %). "Les acteurs du streaming sont parvenus à mieux garder leurs clients et à en attirer de nouveaux mais ont dû concéder un effet guerre des prix", synthétise le directeur de la stratégie de Zuora.
Vers une "YouTubisation" des plateformes de streaming ?
Cette hausse du nombre d'abonnés et cette légère baisse de l'ARPU s'expliquent notamment par la guerre aux comptes partagés entamée depuis un peu plus d'un an et par l'apparition généralisée des offres moins chères avec de la publicité (notamment proposée par Netflix et Disney+). "En misant de plus en plus sur le revenu publicitaire, les acteurs du streaming recréent un modèle qui existait déjà et qu'ils voulaient, au départ, ne pas reproduire. Nous sommes en train de vivre une 'YouTubisation' des plateformes de streaming", observe Michael Mansard.
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Autre tendance identifiée : l'extension des services proposés par les acteurs du streaming. De nombreuses plateformes ont, effectivement, décidé de sortir du cadre 100% vidéo en intégrant, peu à peu, de nouvelles fonctionnalités à leur catalogue. Illustration avec Netflix : après avoir investi le secteur du jeu vidéo en 2022, le géant du streaming dispose, désormais, d'un portefeuille d'une centaine jeux, parmi lesquels figurent GTA : la trilogie, Assassin's Creed ou encore Monument Valley.
Dazn : l'exemple du futur modèle économique des plateformes de streaming ?
La palme de cette diversification revient toutefois à la plateforme anglaise Dazn (aussi appelée "le Netflix du sport"). Paris sportifs, jeux vidéo dédiés au sport, boutique en ligne proposant des produits dérivés sportifs, billetterie...En parallèle de la diffusion d'évènements sportifs, Dazn a créé tout un écosystème autour du sport. "Je pense que le marché du streaming se dirige vers ce modèle-là car les plateformes ont tout intérêt à fructifier leurs licences", prédit le spécialiste des services par abonnement. De quoi trouver de nouvelles sources de revenus et inverser la dynamique négative relative au revenu moyen par client identifiée pour le secteur.
Dans un registre quelque peu différent, Netflix emboîtera bientôt le pas à Dazn en inaugurant, dès l'année prochaine, ses premières "Netflix Houses" : des espaces immersifs (boutiques, restaurants, salles de divertissement) à l'effigie de ses univers les plus iconiques comme La Chronique des Bridgerton, La Casa de Papel ou encore Squid Game.
Enfin, après une première phase réussie de personnalisation de l'expérience utilisateur à travers la suggestion de contenu individualisée (80 % des programmes visionnés figurant aujourd'hui sur la base des recommandations), le marché du streaming devrait, selon Michael Mansard, peu à peu laisser place à une personnalisation des offres. "Aujourd'hui, les différentes formules d'abonnement proposées sont identiques pour tous les utilisateurs. Je pense que nous verrons apparaître de plus en plus d'offres 'à la carte' suggérées en fonction du profil du consommateur", prévoit-il.