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Comment les marques surfent-elles sur la vague olympique ?

Du 26 juillet au 11 août, le monde aura les yeux rivés sur le territoire hexagonal pour suivre la plus prestigieuse des compétitions sportives. L'occasion pour les marques partenaires de s'associer aux valeurs olympiques et d'accroître leur notoriété auprès du grand public. Attention, toutefois, à bien rester dans les clous...

Publié par Matis Demazeau le - mis à jour à
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Comment les marques surfent-elles sur la vague olympique ?

4 milliards. C'est le nombre de téléspectateurs qui devraient visionner les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Soit pas moins de la moitié de la population mondiale ! En France, près de deux personnes sur trois ont l'intention de suivre l'événement à la télévision (source : Toluna Harris Interactive). Des audiences qui ne peuvent laisser indifférents les annonceurs, toujours désireux de faire connaître leur marque au plus grand nombre. "Cet événement est une vitrine exceptionnelle pour les entreprises partenaires ! Cette visibilité leur permet d'acquérir une notoriété internationale, affirme Jean-Philippe Danglade, professeur de marketing à Kedge Business School et directeur du programme MSc International Sport & Event Management. Les Jeux attirent donc, évidemment, les annonceurs du monde entier."

Ce constat est d'autant plus vrai pour les marques implantées sur le territoire, qui ont à coeur de faire partie de la fête : "Nous avons la chance d'accueillir l'un des événements les plus prestigieux du monde sur notre sol. Cela ne se reproduira probablement pas de notre vivant. Il était donc fondamental pour nous de ne pas passer à côté de cet événement unique dans notre pays", confie Bénédicte Bohbot, directrice marketing France & Benelux chez Bridgestone, partenaire mondial (soit le plus haut niveau de parrainage olympique) et probable fournisseur officiel des pneumatiques de la compétition.

Trois niveaux de partenariat

Pour profiter des Jeux, encore faut-il bien connaître les règles encadrant les activités publicitaires lors de l'événement. Et ce, même pour les marques partenaires, qui sont les seules à pouvoir "reproduire les propriétés olympi­ques et paralympiques", telles que le symbole des Jeux (les anneaux), les termes olympiques, les mascottes, ainsi que l'ensemble des représentations graphiques relatives aux Jeux. Le niveau de contrainte dépend, bien entendu, de la catégorie de partenariat conclue avec les marques. Il en existe trois : les partenaires mondiaux, les partenaires premium et les partenaires/supporters officiels. Tandis que les premiers (Coca-Cola, Bridgestone, Airbnb, Visa...) pourront diffuser des campagnes de communication partout dans le monde, les deuxièmes (Accor, Orange, Carrefour, EDF...) jouiront d'une forte exposition à l'échelle nationale pendant toute la période des Jeux. Enfin, les derniers (FDJ, Decathlon, Air France...) seront autorisés à associer leur image à celle des Jeux, mais pas sur tous les supports.

L'exemple d'Optic 2000, supporter officiel des JO, illustre cette différence de droits octroyés aux partenaires selon le niveau de parrainage. À l'approche des Jeux, l'opticien lancera une offre commerciale - intitulée Pack Sport à la vue - qui consiste à proposer une seconde paire de lunettes adaptée à la pratique du sport à partir de 30 euros supplémentaires. Toutefois, du fait de son faible niveau de partenariat, il lui sera interdit d'associer l'image olympique à cette promotion : "Ce droit à la publicité ne peut être activé que par les catégories supérieures de partenariat. Il en va de même pour les spots publicitaires à la télévision. Nous pourrons communiquer autour de cette offre, mais sans préciser que nous sommes partenaires des JO", explique Sandrine Ladoux, directrice de la communication, santé, RSE et innovation chez Optic 2000. Les vitrines des établissements de l'enseigne pourront, en revanche, arborer les visuels de la compétition.

Publicité interdite dans les stades

Pour protéger la marque olym­pi­que, les partenaires - toutes catégories confondues - sont prévenus : "Aucune forme d'annonce publicitaire ou autre publicité ne sera admise dans et au-dessus des stades, des enceintes et autres lieux de compétition qui sont considérés comme faisant partie des sites olympiques", prévoit la charte du CIO. Les dénominations Arena Porte de la Chapelle et Arena Bercy ont ainsi été choisies pour désigner respectivement, pendant un peu plus de deux semaines, l'Adidas Arena et l'Accor Arena. Au grand dam des annonceurs concernés : "Nous aurions évidemment préféré que le naming du stade reste le même pendant la tenue de cet événement planétaire. Mais il n'y a aucune mauvaise surprise, nous étions prévenus dès le début", précise Antoine Dubois, directeur marketing du groupe Accor (partenaire premium).

Afin de protéger la marque olympique, l'Accor Arena sera rebaptisée Arena Bercy pendant toute la durée des Jeux de Paris 2024.


Seule l'entreprise d'horlogerie Omega, chargée du chronométrage pendant les Jeux, sera autorisée à faire apparaître son logo au sein des enceintes sportives. De même, les tenues des athlètes arboreront uniquement l'emblème de leur équipementier officiel, comme Le Coq Sportif dans le cas des participants hexagonaux. Et bien entendu, pour les marques non partenaires de l'événement, mieux vaut s'abstenir : "Je ne leur recommanderais pas de prendre la parole pendant les Jeux olympiques, c'est évident ! Le Comité international olympique (CIO) est très strict sur ce point et sera particulièrement vigilant", assure Florent Depoisier, directeur général de Double 2, l'une des agences chargées de la préparation des cérémonies d'ouverture des Jeux.

Les partenaires garderont aussi l'oeil : "Le privilège de pouvoir communiquer autour des JO représente un investissement loin d'être négligeable pour les marques partenaires (au total, 1,2 milliard d'euros ont été récoltés par le CIO grâce au sponsoring, NDLR). Nous veillerons donc à ce que les autres restent dans les clous et ne profitent pas de la compétition de manière clandestine", prévient Antoine Dubois (Accor). Pour pallier cette interdiction et tenter de tirer quand même profit de l'événement, les marques non partenaires flirtent parfois avec la limite autorisée.

Valoriser son savoir-faire

Quoi qu'il en soit, les Jeux olympiques et para­lympiques représentent, à bien des égards, une formidable opportunité pour les marques partenaires de s'associer aux valeurs olympiques et d'ainsi mettre en avant leurs différents engagements ou leur savoir-faire. L'une d'entre elles - qui fait écho à la devise olympique ("Plus vite, plus haut, plus fort - ensemble") - est la recherche de la performance et de l'excel­lence. Plusieurs annonceurs - à l'instar du groupe LVMH - entendent se positionner sur ce créneau. Partenaire premium de la compétition, l'entre­prise dirigée par Bernard Arnault souhaite effectivement profiter des Jeux organisés sur le territoire hexagonal pour montrer, aux yeux de tous, "le meilleur du savoir-faire et de l'art de vivre à la française".

Le groupe de luxe LVMH a conçu les malles et les médailles des Jeux. L'occasion pour lui de montrer "le meilleur du savoir-faire et de l'art de vivre à la française".


Et ce, notamment au travers des missions qui lui ont été confiées, comme le design des médailles olympiques et paralympiques (Maison Chaumet) ou encore la conception des malles qui les abriteront (Louis Vuitton). Selon Johanna Volpert, professeure de marketing à Kedge Business School et spécialiste du marché du luxe, le groupe français a tout intérêt à se placer sur cette valeur plutôt qu'une autre, évitant ainsi tout soupçon d'hypocrisie : "Le public attend beaucoup des marques de luxe. Mais paradoxalement, lorsque ces dernières s'engagent, les consommateurs ont tendance à y voir un motif opportuniste et insincère. C'est difficile pour une entreprise comme LVMH, qui a une image assez "frivole", de défendre des valeurs sociétales ou environnementales. Mieux vaut donc pour elles miser sur l'excellence et l'innovation à l'occasion des JO", affirme-t-elle.

Promouvoir la valeur d'inclusion

D'autres marques sont perçues comme davantage légitimes pour se positionner sur des thèmes RSE, qui correspondent à l'esprit olympique. Comme la valeur d'inclusion, l'un des combats du CIO ces dernières années avec la promotion des Jeux paralympiques, qui est partagée et mise en avant par bon nombre de partenaires. Optic 2000 et Accor en tête ! Dans le cas de l'opticien, à l'image du lancement de son offre Pack Sport à la vue, l'ambition est de permettre aux personnes en situation de handicap visuel ou auditif de prati­quer une activité sportive : "Cette mission fait parfaitement écho à notre activité dans le domaine de l'optique et de l'audition (faisant ici référence à Audio 2000, l'enseigne du groupe Optic 2000 spécialisée dans l'audiologie, NDLR). L'enjeu pour nous à l'occasion des Jeux est de faire connaître au plus grand nombre nos équipements adaptés à la pratique du sport, qui garantissent un confort visuel ou auditif aux pratiquants. C'est aussi un moyen pour nous de nous démarquer de la concurrence", assure Sandrine Ladoux.

De son côté, le géant de l'hôtel­lerie Accor - qui supervisera l'hébergement des athlètes et des médias dans leurs villages respectifs - entend profiter des Jeux pour montrer, d'une part, son savoir-faire en matière d'accueil d'événements sportifs majeurs, et d'autre part, son engagement pour la réception des personnes en situation de handicap au sein de ses nombreux établissements : "Les Jeux de Paris 2024 revêtent une dimension d'héritage à laquelle nous souhaitons nous associer. L'événement permettra de cristalliser l'ensemble des actions mises en place pour plus d'inclu­sion, comme le déploiement général au sein de nos hôtels de la Smart Room, une nouvelle chambre destinée à accueillir de la manière la plus fonctionnelle possible les personnes en situation de handicap", indique Antoine Dubois.

Des Jeux plus responsables

Le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'été de Paris 2024 (Cojop) souhaite aussi relever un autre défi de taille : celui d'organiser les Jeux "les plus verts" de l'Histoire. L'occasion pour certaines marques de valoriser leurs engagements environnementaux et de donner un sens à leur partenariat. C'est le cas, par exemple, de Coca-Cola, partenaire mondial de l'événement. Décriée par certains sportifs professionnels qui ont dénoncé le caractère dissonant entre la consommation de ses boissons très sucrées et la pratique du sport, la marque peut compter sur le soutien de Tony Estanguet, président du Cojop : "Il faut respecter l'engagement de ces entreprises sans lesquelles ce type d'événement ne pourrait pas se tenir. De plus, Coca-Cola - qui soutient les Jeux depuis près d'un siècle - a procédé à une importante remise en question et présentera, à l'occasion des JO de Paris 2024, une approche écoresponsable inédite et sans précédent", assure-t-il.


En effet, la marque de soda entend "réduire de 50 % l'empreinte plastique à usage unique par rapport aux Jeux olympiques et paralympiques de Londres 2012 et s'assurer que les emballages soient tous collectés, recyclés et réutilisés", comme l'a annoncé Claire Revenu, directrice générale des Jeux de Paris 2024 pour Coca-Cola, lors d'une conférence de presse organisée en juin 2023. Pour cela, l'entreprise déploiera un système de consigne à travers, notamment, l'installation de 700 fontaines à boissons sur les différents sites de la compétition.

Cette initiative s'inscrit dans la stratégie "Monde sans déchets" de la marque, qui ambitionne de recycler l'ensem­ble de ses bouteilles et canettes d'ici la fin de la décennie. Le fabricant japonais de pneus Bridgestone - également partenaire mondial des Jeux - entend aussi mettre en avant son engagement en matière de développement durable. Ambitionnant de réduire de 50 % ses émissions de CO2 dans les prochaines années et d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, la marque nipponne mettra ses solutions au service du CIO : "Nous avions déjà fourni des pneus aux 3 000 véhicules de la flotte de Tokyo 2020. À l'occa­sion de cette édition 2024, nous souhaitons renforcer notre contribution pour offrir des Jeux plus verts que jamais", soutient Bénédicte Bohbot. À chacun son terrain, mais même combat pour tous : bénéficier de l'aura des Jeux pour valoriser sa marque auprès d'une audience planétaire.


Quelles brèches s'ouvrent aux marques non partenaires ?

Privées de toute communication qui se rapporte - de près ou de loin - aux JO de Paris 2024, certaines entreprises ne parrainant pas la compétition entendent toutefois profiter de l'événement pour promouvoir leurs produits ou leurs services. Plusieurs voies s'ouvrent alors à elles, leur permettant de contourner les règles très strictes du CIO. La première d'entre elles est le soutien d'athlètes qui participeront aux épreuves des JO. "Une marque qui sponsorise un athlète tout au long de l'année pourra évidemment l'encourager ou le féliciter sur les réseaux sociaux au moment des Jeux. C'est une façon de surfer sur l'événement sans en être partenaire", assure Florent Depoisier (Double 2). Par exemple, le laboratoire français Dynveo - spécialisé dans la conception de compléments alimentaires - a officialisé, en mars 2024, un partenariat avec le décathlonien Kevin Mayer. Sans être marraine de la compétition, l'entreprise hexagonale a donc trouvé la solution qui lui permettra de communiquer autour des performances de son ambassadeur lors des Jeux. Autre possibilité : exploiter tous les codes visuels s'apparentant à ceux des Jeux, sans clairement faire mention de l'événement. Illustration avec la marque française Daddy, qui a lancé une édition spéciale ("En 2024, portez vos couleurs") composée de 8 packs de sucre en poudre et en morceaux arborant des visuels de sa mascotte pratiquant différentes disciplines olympiques. Malin ! Enfin, l'organisation d'un événement aux alentours des sites de la compétition représente une troisième piste pour surfer sur l'événement : "À travers ce type de stratégie, les marques non partenaires pourront profiter de toute la visibilité permise par les Jeux. De plus, cela représente une opportunité intéressante pour créer un certain engagement avec les spectateurs venus des quatre coins de la planète", estime Tanya Bencheva-Vigier, fondatrice de la start-up de location de lieux d'événements Native Spaces. La marque italienne de chaussons d'escalade La Sportiva a, par exemple, prévu d'ouvrir, du 11 au 14 août, un lieu dédié aux passionnés de sports outdoor, à Aubervilliers (à quelques pas du Centre aquatique olympique).


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