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[Marketing day] Comment les marques racontent-elles la France ?

Les consommateurs ont perdu confiance dans les institutions en France et plus personne ne s'occupe de la narrer. Qui raconte la France ? C'est ce qu'a cherché à comprendre Raphël Llorca, co-directeur de l'Observatoire "Marques, imaginaires de consommation et Politique" de la Fondation Jaurès, qui a partagé sa théorie lors de la 10e édition du Marketing Day 2023, le 23 novembre 2023.

Publié par Elise Launay le - mis à jour à
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[Marketing day] Comment les marques racontent-elles la France ?

Qui, aujourd'hui, raconte la France ? Cette question, qui obsède Raphaël Llorca, codirecteur de l'Observatoire "Marques, imaginaires de consommation et Politique" de la Fondation Jean Jaurès, depuis plusieurs années, est à l'origine de son livre, Le roman national des marques, paru en septembre dernier aux éditions de l'Aube. Invité du Marketing Day, il partage sa conviction : alors que les Français reprochent aux politiques de porter un discours incohérent, les marques commerciales ont une place à prendre dans le récit national.

Citroën, précurseur du récit national ?

Depuis quand les marques contribuent-elles au récit de la France ? Pour Raphaël Llorca, le début de l'histoire remonte à une publicité Citroën des années vingt. En 1926, la marque a ainsi privatisé la Tour Eiffel sur laquelle elle a placé des centaines d'ampoules pour faire apparaître le nom de Citroën sur le monument. À l'instar de Citroën, les marques se servent alors de la France comme d'un décor pour leur saga publicitaire. "Jouer avec les codes de la France n'est pas quelque chose de nouveau pour les marques, constate Raphaël Llorca. Ce qui est plus récent est le passage d'une France pensée comme un décor, l'arrière-fond d'un discours publicitaire à une France qui est le sujet principal".


Récemment plusieurs marques ont proposé leur vision de la société française : la SNCF avec son film "Hexagonal", la Française des Jeux (FDJ) avec son film "Voir la France gagner", ou encore Renault avec son spot "Notre Aude à la France".

Les marques étrangères, les meilleures conteuses de la France ?

Par peur, peut-être, d'être accusée de nationalisme, les marques françaises ont laissé libre le champ du récit... aux marques étrangères, plus décomplexées. Si l'enseigne de fast-food McDonald's, arrivée en France dans les années 70, a eu du mal à s'imposer en France (jusqu'à être prise pour cible, à Millau, par José Bové et des agriculteurs), elle a adopté une telle "stratégie d'intégration" des codes français que la marque américaine a pris des accents de marque française - avec des menus adaptés à l'Hexagone.

Des limites à ce récit par les marques : le "capitalisme de l'écran"

L'organisation de notre monde informationnel, appelé par Raphaël Llorca, "le capitalisme de l'écran", incluant une multitude de médias et de plateformes, rend plus difficile l'exercice d'un récit national. "Lorsque TF1 est privatisé en 88, la chaîne pèse un peu moins de la moitié des parts de marché, tandis que l'année dernière, c'était moins de 20 %. Il est certain que lorsqu'il y a un nombre restreint de médias, la population est exposée à la même grille de lecture, à la même vision du monde, à la même exposition de programmes sportifs ou culturels", affirme Raphaël Llorca.

Netflix est-il alors devenu le nouveau TF1 ? "63 % des Français possèdent Netflix, tandis que TF1 n'a jamais atteint ces taux de pénétration de marché", poursuit l'essayiste. "La réponse est non, Netflix n'est pas le nouveau TF1 pour au moins une raison : Netflix a abandonné sa segmentation géographique pour une cleusterisation par le goût des genres, entièrement basé sur l'algorithme de la plateforme de streaming. Statistiquement, deux Français ont moins de points communs que deux membres d'un même cluster, qu'il s'agisse par exemple d'un adolescent japonais et d'un retraité américain du Midwest". Cette cleusterisation fait totalement sortir du cadre national et de ce fait, la création d'un récit commun est devenue compliquée.

Si les Français attendent que les marques contribuent à changer l'imaginaire, ces dernières n'arrivent pas saisir l'opportunité et les Français n'arrivent pas à s'identifier. "Une étude du CEVIPOF de Sciences Po Paris, montrait que 41 % des Français avaient le sentiment de n'appartenir à aucune communauté, quelle qu'elle soit. Et dans cette même étude, seulement 25 % des interrogés français se sentaient appartenir à la communauté nationale", partage Raphaël Llorca. Il y a donc un intérêt commun pour les marques de raconter des histoires autour du "vivre ensemble", afin de ressouder les populations.

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