[Tribune] "Et si le CMO était le prochain DG ?"
Grâce à un changement d'état d'esprit au sein de la fonction marketing, le directeur marketing pourrait, dans les années à venir, apparaître comme le prétendant naturel à la direction générale, anticipe Christophe Marée, directeur marketing EO d'Adobe.
"Les leaders de l'expérience client ont généralement une longueur d'avance pour mesurer l'impact des dépenses marketing par l'attribution. Ils sont donc mieux placés pour justifier des budgets marketing plus agressifs". Derrière ces lignes extraites de l'étude annuelle Tendances Digitales 2021, publiée par Adobe et E-consultancy, il faut y lire une véritable révolution pour le marketing, qui embrasse une nouvelle place et plus centrale au coeur de l'entreprise. Porté par des outils dédiés et une capacité de traitement inédite des données, le marketing s'impose comme un lien incontournable entre les marchés et le business. Retour sur une transformation stratégique et culturelle majeure.
Un peu d'histoire !
Pour bien comprendre les transformations de la fonction marketing, il faut d'abord remonter dans le temps. Il y a encore quelques années - disons 20 ans - avant l'avènement d'un Internet data driven, le marketing se reposait davantage sur les convictions que sur les preuves. S'appuyant majoritairement sur des panels, modèles statistiques aujourd'hui obsolètes : les données restaient floues et la mesure de performance difficile. Dans cette préhistoire du marketing, les outils étaient rudimentaires et se limitaient bien souvent à l'incontournable tableur.
Les années 2000 ont marqué le tournant du marketing de performance. Les technologies dédiées se sont multipliées. La digitalisation de la relation client et la capacité à s'appuyer sur des données fiables et structurées ont permis de mieux appréhender l'impact opérationnel des campagnes. Taux d'ouverture, de clics ou d'attrition : autant de nouveaux indicateurs qui ont transformé la capacité à cibler efficacement et à personnaliser le message. Bienvenue dans l'ère du marketing descriptif.
Aujourd'hui, les entreprises les plus performantes adoptent des modèles prédictifs. Grâce à la maturation des technologies d'intelligence artificielle (IA) et de machine learning, les gros volumes de données ne sont plus un obstacle et se convertissent en véritable opportunité. En effet, la performance d'une campagne peut largement être anticipée, non seulement selon les KPIs classiques, mais aussi en termes de business. Dans ce contexte, le marketing étend son influence sur la prise de décision stratégique, pour le lancement d'un produit ou la conquête d'un nouveau marché par exemple.
La fin du marketing "au doigt mouillé"
Chez Adobe, cette gouvernance par les données est déjà en place. Le DDOM (Data Driven Operative Model) permet de suivre la totalité du parcours d'un lead, depuis sa création jusqu'à son impact sur le chiffre d'affaires : du premier contact à la fidélisation, en passant par chaque commande. Ce type de dispositif permet de justifier le ROI de chaque euro investi, dans une démarche marketing qui ne se fait plus au petit bonheur la chance... La notoriété de la marque reste une prérogative importante, mais elle peut (et doit) s'appuyer sur une approche business-centric avec un lien direct entre investissement marketing et chiffre d'affaires généré. Fort de ce nouveau "super-pouvoir", les marketeurs étendent leur sphère d'influence. Account intelligence, développement du business business, accélération de la prise de décision stratégique, développement de la fidélité client : ils couvrent l'ensemble de la chaîne de valeur.
Ce changement d'état d'esprit au sein de la fonction marketing pourrait chambouler durablement les organigrammes. En renforçant son influence sur le bas de bilan de l'entreprise, le marketing se rapproche du haut de la pyramide. Dans les années à venir, il deviendra un prétendant naturel à la direction générale : il est le seul à maîtriser la vision du marché, des clients, et du business.
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