[Médias en Seine] Retour de Trump : Quelle place pour les médias traditionnels ?
À l'occasion du festival Médias en Seine organisé à la Maison de la Radio mardi 14 janvier, plusieurs experts se sont réunis pour débattre autour des différents enseignements de l'élection présidentielle américaine 2024.
Le 20 janvier, Donald Trump quittera Mar-a-Lago pour poser (à nouveau) ses valises à Washington. Quels sont les différents enseignements de l'élection présidentielle de novembre dernier ? Comment les médias mainstream appréhendent ce retour au pouvoir ? Quelle place sera laissée aux journalistes et aux influenceurs ?
Laurence Haïm, journaliste spécialiste des États-Unis, Amy Green, politologue américaine et Julien Bisson, directeur de la rédaction du journal Le 1 Hebdo, ont tenté de répondre à ces différentes questions lors du festival Médias en Seine qui s'est tenu à la Maison de la Radio le 14 janvier.
Une stratégie de com réfléchie
D'après Amy Green, alors que le milliardaire américain a "instauré une nouvelle façon de faire de la politique aux États-Unis il y a près d'une décennie", ce dernier s'est surpassé en 2024 : "Déjà en 2016, il tenait des propos très outranciers envers son adversaire Hillary Clinton en particulier - qu'il qualifiait de 'corrompue' - et les femmes en général. Et en 2024, Trump est allé encore plus loin vis-à-vis de Kamala Harris. Ce propos agressif voire violent qui plaît beaucoup à ses électeurs représente une forme d'aboutissement de trajectoire", explique-t-elle.
Et cette stratégie de communication visant à montrer que Donald Trump casse les codes de la politique traditionnelle en affichant une certaine proximité avec les citoyens est, d'après Amy Green, extrêmement réfléchie. "Pour cela, le président-élu n'a pas hésité à sortir des débats de fond pour se concentrer sur la forme", assure la politologue américaine.
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Une hostilité grandissante vis-à-vis des médias
La relation entre le prédécesseur et successeur de Joe Biden et les médias continue aussi de faire couler beaucoup d'encre. D'après Laurence Haïm, cette dernière aurait pourtant pu commencer sous les meilleurs auspices. "Au début, Donald Trump adorait les médias mainstream comme le Washington Post ou le New York Times et voulait absolument être apprécié par ces derniers. Mais à ce moment-là, l'amour ne prend pas car les journalistes de presse écrite ne l'ont pas considéré comme un candidat sérieux mais plutôt comme un clown", se souvient-elle.
À l'image de ses fameuses altercations avec le journaliste de CNN Jim Acosta, le 45e président des États-Unis a décidé de se venger des médias lors de son premier mandat, sans pour autant couper les ponts avec ces derniers. "Mais depuis le 6 janvier 2021 et l'assaut du Capitole, la rupture est totale entre le pouvoir et les médias", affirme la journaliste.
Place aux influenceurs
D'après elle, les journalistes accrédités pour la salle de presse de la Maison-Blanche seront, lors du second mandat de Donald Trump, remplacés par des influenceurs. "Auparavant, les accréditations étaient effectives pour quatre ans, soit la durée entière du mandat. Désormais, ces dernières seront seulement proposées pour une durée d'un mois. Cela traduit un véritable sentiment de vengeance exprimé par Donald Trump", estime Laurence Haïm.
Alors que le premier mandat de Donald Trump a été marqué par l'essor des réseaux sociaux et les tweets impulsifs du Président, la campagne présidentielle de 2024 a, quant à elle, fait la part belle aux influenceurs. "La place des créateurs de contenu était beaucoup plus importante en 2024 par rapport à 2016, à l'image de l'entretien accordé par Donald Trump à Joe Rogan (Ndlr : un ancien commentateur de l'UFC qui produit désormais un podcast influent outre-Atlantique) qui a fait plus de 50 millions de vues", indique Julien Bisson.
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Moins de poids pour les stars du show-biz
D'après lui, le soutien des créateurs de contenu est même, peu à peu, devenu plus efficace que celui des vedettes internationales. Pour expliquer ses propos, le directeur de la rédaction de Le 1 Hebdo évoque deux dates décisives de la campagne : "Après que Joe Rogan a annoncé, le 9 octobre 2024, que Kamala Harris ne participera pas à son podcast, Taylor Swift a indiqué soutenir officiellement la candidate démocrate le 17 octobre. Et force est de constater que la première date a beaucoup plus pesé dans le résultat final que la seconde", observe-t-il.
Les soutiens de Bruce Springsteen, d'Oprah Winfrey, d'Eminem, de Beyoncé ou encore de Katy Perry n'ont pas, eux non plus, changé la donne. Selon Amy Green, ces derniers sont même progressivement devenus contre-productifs : "Les électeur ont assimilé le Parti démocrate à des élites très diplômées. Et finalement, l'expression des artistes en faveur des libéraux renforce ce sentiment de mépris qu'éprouveraient ces personnalités vis-à-vis des citoyens et place Donald Trump comme le vrai candidat du peuple", analyse-t-elle.
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