L'UNESCO lance une formation mondiale à destination des influenceurs
Peu éduqués sur leur responsabilité éditoriale, les influenceurs et les créateurs de contenu diffusent des informations non vérifiées auprès de leur public. Face à ce constat alarmant, étayé par une étude inédite, l'UNESCO a ouvert une formation gratuite qui leur est dédiée. Objectif : renforcer la compétence des auteurs et créer des normes d'auto-régulation.
Comment lutter contre la désinformation en ligne ? On le sait, publier implique des responsabilités. Souvent seuls, les auteurs ont des parcours très divers et ne sont pas tous au fait des codes respectueux d'une certaine éthique. L'écosystème est très disparate. À l'occasion d'une conférence de presse qui s'est tenue le 26 novembre, l'Unesco a présenté les résultats d'une étude mondiale inédite « Derrière les écrans » portant sur le comportement des influenceurs quant à la diffusion d'information sur les réseaux sociaux. Ce rapport analyse les motivations et les pratiques des créateurs de contenu numérique, ainsi que les défis auxquels ils sont confrontés. Elle a impliqué 500 influenceurs de 45 pays, avec l'expertise d'une équipe de recherche spécialisée de l'université d'État de Bowling Green (États-Unis).
2/3 ne vérifient pas les faits
« Cette diversité des profils est très vaste. Tous ceux qui relaient des infos sur des sujets qui les intéressent ont des casquettes différentes. Cette étude donne une définition large du créateur de contenu à savoir toute personne qui publie régulièrement du contenu en ligne pour le public ayant au minimum 1000 abonnés, soit 80% des auteurs », précise Adeline Hulin, cheffe du pôle éducation aux médias et à l'information » de l'UNESCO. Leur principale motivation est le partage des connaissances avant celle de gagner de l'argent ou de divertir. Ainsi, les nano influenceurs côtoient les stars du milieu. « Les 10 personnes les plus suivies au monde ont chacune une audience de 500 millions de personnes. Le développement de ces audiences est une tendance positive qui améliore la diversité et la pluralité des contenus », se satisfait Tawfik Jelassi, sous-directeur général de l'UNESCO pour la Communication et l'Information. Cependant, 62% des créateurs de contenu ne vérifient pas systématiquement les faits avant de les mettre en ligne. Outre le fait que la vérification des faits n'est pas la norme, l'enquête montre que les créateurs de contenu ont du mal à déterminer les meilleurs critères pour évaluer la crédibilité des informations qu'ils trouvent en ligne. Ainsi, 42 % des personnes interrogées utilisent comme principal indicateur « le nombre de mentions "j'aime" et de "partages" qu'un article a reçu » sur les médias sociaux. 21 % n'ont aucune réticence à partager un contenu s'il leur a été communiqué « par des amis en qui ils ont confiance », et 19 % déclarent se fier « à la réputation » de l'auteur ou du diffuseur initial du contenu. Les médias grand public ne sont que la troisième source la plus fréquente (36,9 %) des créateurs de contenu, après leur propre expérience et leurs propres recherches et entretiens. Seulement 37% s'appuient sur les médias traditionnels.
Méconnaissance des risques
L'enquête révèle également qu'une majorité d'entre eux (59 %) ne connaît pas ou les normes internationales et les cadres réglementaires relatifs aux communications numériques. Seuls un peu plus de la moitié des répondants (56,4 %) connaissent les programmes de formation qui leur sont destinés. Et seulement 14 % de ceux qui les connaissent y ont participé. « Cette méconnaissance peut placer les créateurs de contenu numérique dans une situation d'incertitude juridique, les exposant à des poursuites voire à des condamnations dans certains pays. Cela les empêche également de faire valoir leurs droits lorsqu'ils sont eux-mêmes victimes de contenus illicites en ligne », indique le rapport. Par exemple, 32,3 % déclare avoir été la cible de discours de haine. Mais, parmi eux, seuls 20,4 % l'ont signalé aux plateformes de médias sociaux. « Les créateurs de contenu numérique ont acquis une place majeure dans l'écosystème de l'information mais beaucoup d'entre eux peinent à affronter la désinformation et les discours de haine en ligne, et réclament davantage de formation », déclare Audrey Azoulay, DG de l'UNESCO.
La réponse éducative
Alors que 74 % des sondés sont en demande de formation, l'UNESCO et le Knight Center for Journalism in the Americas (États-Unis) se sont associés pour développer un tout premier cours mondial dispensé sur un mois, en collaboration avec des journalistes numériques. « Comment devenir une voix de confiance sur internet ? » vise à donner aux créateurs de contenu les moyens de lutter contre la désinformation et les discours de haine, et à leur fournir une base solide de connaissances sur les normes juridiques mondiales en matière de liberté d'expression et d'information. Le contenu de cette formation a été conçu par des experts en éducation aux médias et à l'information, en étroite collaboration avec des influenceurs de premier plan des différentes régions du monde. La formation, ouverte il y a un mois, enregistre à ce jour plus de 9 000 personnes de 160 pays se sont inscrites et la suivent actuellement. Elles apprendront à rechercher des informations en utilisant un large éventail de sources; évaluer et vérifier la qualité des informations; être transparents sur les sources qui inspirent leur contenu; identifier, expliquer et signaler la mésinformation, la désinformation et les discours de haine et enfin collaborer avec les journalistes et les médias traditionnels pour donner plus de visibilité aux informations basées sur des faits.
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