Claire Decommer (Reech) : "Le secteur de l'influence est arrivé à maturité"
Pour la neuvième édition de son étude dressant le panorama de l'influence en France, Reech s'est intéressé au rôle des créateurs de contenu. Qui sont-ils ? Comment sont-ils perçus par les consommateurs et quel lien entretiennent-ils avec les marques ? Claire Decommer, directrice de clientèle de l'agence et en charge de cette étude nous livre son analyse.

Quels sont les points saillants de ce millésime 2025 ?
Pour dresser le panorama de l'influence en France aujourd'hui, il faut s'intéresser à l'utilisation des réseaux sociaux par les Français. Ils sont devenus assez incontournables pour les Français, C'est le premier média qui est cité en termes d'attachement devant la télévision. Et chez les 18-34 ans, ils sont 77 % à visiter les réseaux sociaux versus 41 % pour la télé. Ensuite, au regard des réponses fournies par les Français, on constate que c'est un secteur qui a quand même atteint un certain niveau de maturité et de compréhension, puisqu'on a 82 % des Français qui citent les partenariats comme source de rémunération des influenceurs. Ça signifie qu'ils ont bien compris le fonctionnement du secteur. Ils sont aussi 60 % à citer la rémunération par les plateformes, qui se fait, de plus en plus par des programmes de créateurs. Mais on constate aussi que les Français sont quand même en quête de sens, en quête de valeur ajoutée, en tout cas, dans ce qu'ils vont suivre sur les réseaux sociaux. C'est assez flagrant. Notamment, on le voit dans les types de comptes qui sont suivis par les Français. On a une forte hausse des créatifs, des artistes, des passionnés, des entrepreneurs et puis les créateurs de contenu. Donc c'est un métier davantage représenté. À l'inverse, les stars de la téléréalité et les personnalités publiques ont beaucoup baissé par rapport il y a deux ans quand on avait interrogé les Français à ce sujet. Pour les chiffres, on dénombre 150 000 créateurs de contenu en France avec des audiences en moyenne de 132 000 abonnés sur YouTube, 90 000 sur TikTok et 69 000 abonnés sur Instagram.
Ils ont donc un vrai statut aujourd'hui, reconnu par les marques et par les consommateurs. Justement, quelle est la relation des consommateurs avec les influenceurs ?
Leur vision du métier est claire. Ils sont 58 % à savoir ce que sont les créateurs de contenus. Pour autant, par rapport à il y a deux ans, ils sont un peu plus nombreux à dire qu'ils ne sont pas sûrs de savoir ce que c'est. Cette distorsion est due à la multiplicité des facettes de ce que peut être aujourd'hui un créateur de contenu en France. Qu'est-ce qu'un influenceur ? Quelqu'un qui poste un partenariat pour un rouge à lèvres ? Squeezie qui fait ses propres productions sur YouTube chaque semaine à la même heure ? C'est tellement vaste que cela devient un peu flou.
Comment les créateurs gèrent-ils leur relation aux marques, à travers les partenariats ? Est-ce que cela a un impact auprès des consommateurs, notamment sur les ventes ?
Dans un premier temps, on remarque que c'est une réalité qui est acceptée des Français, puisqu'ils ne sont plus que 18 %, donc 1 sur 5, que cela gêne d'être exposés à des partenariats faits par des créateurs de contenu. Quand on avait posé la question il y a 2 ans, c'était 1 sur 4. Donc, ils sont d'accord avec ça. Le pendant toutefois de cette exposition, c'est la transparence. Cela ressort vraiment de manière très claire. Ils sont 72 % à exiger la transparence des partenariats. C'est en hausse de quatre points par rapport à il y a deux ans et donc on est vraiment en rejet de la publicité dérivée en quelque sorte. Et l'impact sur les ventes est établi. Cette forme de partenariat avec les influenceurs est très intéressante pour les marques car cela permet de travailler tout le funnel marketing : la connaissance, la notoriété, la préférence de marques mais aussi de déclencher un acte d'achat puisqu'ils sont 85 % à répondre avoir déjà envisagé d'acheter des produits d'une marque dans le cadre d'un partenariat influenceur et 75 % affirment avoir déjà acheté le produit. Donc il y a un vrai levier qui ne se fait pas forcément dans la foulée ou directement par la campagne partagée par les créateurs. L'achat peut se faire plus tard en ligne ou en magasin comme on l'a noté dans les réponses des Français. Mais en tout cas, il y a un réel rôle de prescription.
Votre étude indique que la publicité créée par les créateurs de contenu est plus appréciée que celle émanant directement des marques. Comment l'expliquez-vous ?
Nous pensons que les créateurs de contenu sont aussi aimés parce qu'ils ont bien réussi à intégrer les codes des réseaux sociaux, les tendances. Leurs abonnés les suivent pour être au courant des nouveautés et ils savent toucher leur public directement. Là où les publicités en TV, affichage ou radio seront peut-être moins affinitaires, moins ciblées, parce qu'un annonceur va communiquer à des millions de personnes. Un créateur de contenu s'adresse à une petite communauté pour laquelle il répond aux attentes et aux préférences.
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Vous conseilleriez à des annonceurs d'en tenir compte dans leurs stratégies de communication ?
Oui absolument, voire d'utiliser des influenceurs dans du cross canal. Aujourd'hui, on voit des pubs dans lesquelles apparaissent des influenceurs ou des contenus d'influenceurs qui sont ensuite repris en affichage ou autre. Il y a d'ailleurs de plus en plus de cocréation de certaines lignes de produits avec des influenceurs, notamment dans la cosmétique. Les marques ont bien compris que les créateurs de contenus étaient vraiment un pilier important dans la vie des Français et surtout crédible. Ils s'appuient de plus en plus sur eux, plus uniquement sur les réseaux sociaux.
Dans ces différentes stratégies d'influence, y a-t-il des limites qui sont posées par les consommateurs ?
Oui une partie de l'étude est dédiée à l'influence responsable. Pas moins de 92 % des Français indiquent qu'ils pourraient arrêter de suivre un créateur de contenu s'il dépassait une ligne rouge. Les influenceurs sont quand même, entre guillemets, sur la sellette. En tout cas, ils sont scrutés et ils peuvent perdre des abonnés s'ils dépassent certaines limites, comme faire passer de la désinformation, mais aussi pousser à la surconsommation ou promouvoir des marques non éthiques. Donc voilà, il y a un vrai enjeu aussi de fiabilité et de transparence qui est attendu de la part des créateurs de contenu.
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