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Comment mettre en oeuvre sa raison d'être?

Raconter la raison d'être de sa marque n'est pas un exercice de com ! Il s'agit avant tout de dire, avec sincérité, son utilité. Que ce soit une évidence ou une galère, quelques règles sont à suivre.

Publié par Floriane Salgues le - mis à jour à
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Comment mettre en oeuvre sa raison d'être?

"C'est peut-être une goutte d'eau dans le désert. Oui, mais c'est sa raison d'être", chante Pascal Obispo. Comme dans la chanson sa raison d'être, définir et partager sa raison d'être peut sembler une action insignifiante, perdue dans la multitude des communications de marque. Et, pourtant, se trouver une raison d'être a bel et bien... une raison d'être. Pas seulement, car, depuis la loi Pacte de mai 2019, les entreprises sont invitées à intégrer dans leur statut la façon dont elles entendent jouer un rôle dans la société, au-delà de leur seule activité économique... Mais, aussi, car l'exercice, structurant, a vocation à s'inscrire dans la durée. "La raison d'être vient dire l'utilité de l'entreprise dans la société. Elle a une profondeur quasi philosophique et n'est pas du tout un objet de communication", analyse Olivier Sère, vice-président de l'agence Havas Paris et auteur de l'ouvrage Ces entreprises qui vous racontent des histoires (Dunod, mars 2021).

Pour lui, l'exercice "est désormais indispensable, mais extrêmement délicat". Pourquoi ? Car "une raison d'être n'est pas une stratégie, ni une charte, ni un livre blanc, ni une signature publicitaire, explique-t-il. Il s'agit de formuler la mission, le but profond de toutes les actions de l'entreprise, ce qui motive l'ensemble de ses projets, des lancements de produits à l'approche des RH en passant par le mécénat et la politique de développement durable." En clair, pourquoi je fais ce "business" ? Faire son introspection peut parfois s'avérer douloureux, mais bien mené, l'exercice se mue simultanément en "une boussole stratégique pour l'entreprise et en un moteur pour embarquer les collaborateurs et les consommateurs dans le projet d'entreprise", relève Olivier Sère.

Accoucher d'une raison d'être...

S'il y a autant de raisons d'être que d'entreprises, la bonne équation d'une raison d'être - qui contribue au bien commun et engage l'ensemble des parties prenantes de la marque - répond à quelques règles. Ainsi, le cabinet conseil et agence de communication Uzful, a conçu une méthodologie (adossée à une offre) pour aider les marques à prendre du recul sur leurs activités, à avoir une vraie direction stratégique et l'ambition d'un impact positif. Première étape : la compréhension des tendances sociétales et business de son secteur, au travers d'un exercice de vision. "Nous observons que les marques se heurtent souvent à un problème de projection et donc de choix stratégiques, note Gilles Reeb, cofondateur et directeur des stratégies de Uzful. Pour les aider à se projeter dans un avenir lointain - de 10 à 20 ans -, nous faisons donc appel à différents outils de prospective et d'analyse, comme du design fiction, qui consiste à rédiger un scénario intégrant les enjeux de société dans lesquels on souhaite positionner la marque."

Deuxième étape : définir le niveau d'ambition de la marque pour "faire le bien". "Il s'agit de placer le curseur entre deux postures : être leader du changement, en apportant des solutions nouvelles et, in fine, un impact positif sur le monde, ou se contenter de limiter notre impact négatif, en poursuivant le 'business as usual'", poursuit Gilles Reeb. Le cofondateur de Uzful donne les clés de la troisième étape : "Définir sa raison d'être, c'est aussi déterminer la manière dont on veut atteindre son ambition et marquer les esprits en matière de communication et d'images. Est-ce par le collectif, par l'innovation ? De là vont découler tous les choix de l'entreprise."

Olivier Sère partage également ses convictions pour "accoucher d'une raison d'être digne de ce nom". La première, et non des moindres : la raison d'être est un sujet de stratégie d'entreprise qui doit donc être traité au plus haut niveau, car "il s'agit de répondre au sujet d'existence même de l'entreprise au travers de la question : "Qu'est-ce qui manquerait au monde si mon entreprise n'existait pas ?" Veolia France fait figure de modèle en la matière. Dès 2018, son président-directeur général, Antoine Frérot, prend le parti de co-construire la raison d'être de son groupe avec le Top 500 - les 500 premiers cadres de l'entreprise - et un "talent pool" de jeunes salariés, qui ont été consultés sur l'identité du groupe, ses atouts et sa stratégie sur 2020-2023. En résulte un premier texte, soumis aux "Critical Friends", un comité réunissant les parties prenantes externes du groupe. Puis, en 2019, une raison d'être de 556 mots est dévoilée lors de l'assemblée générale de Veolia sous la forme d'un film manifeste... et votée dans une résolution.

S'il faut, comme Veolia France, graver sa raison d'être dans le marbre (ou sur les murs de l'entreprise, comme c'est le cas au siège du groupe), attention "toutes les raisons d'être ne se valent pas", prévient le vice-président d'Havas Paris, qui détaille des "raisons d'être transformatives", comme celle de Carrefour, "identitaires", comme celle d'Atos, mais parfois, aussi "cosmétiques" - et donc "creuses" -, comme celles du Crédit Agricole qui dit "Agir chaque jour dans l'intérêt de nos clients et de la société". Pour éviter cet écueil, le professionnel conseille de co-construire, avec ses parties prenantes, sa raison d'être en amont. Comme l'a fait Orange. Si l'initiative de la raison d'être est partie de Stéphane Richard, son directeur général, elle a ainsi vite essaimé au sein de la marque. En juin 2019, le patron a invité, sur Twitter, tous les salariés d'Orange à réfléchir ensemble à la raison d'être de l'entreprise, suscitant des milliers de réponses... et la co-construction d'une raison d'être : "Orange est l'acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d'un monde numérique responsable." Pour Olivier Sère, la réussite d'Orange tient bel et bien au "process de co-construction et d'appropriation du corps social, à partir d'un tweet, salué par Twitter comme l'une des meilleures utilisations du réseau".

... et la faire grandir vers une raison d'agir

Une fois la raison d'être posée, encore faut-il l'aider à dépasser le cadre déclaratif. "Il est nécessaire de trouver des idées transformatives autour de la raison d'agir, à l'instar de la création d'un management plus horizontal, d'un incubateur de start-up, d'un social business en parallèle du modèle économique ou d'une coalition d'entreprises dans son secteur pour défendre des sujets sociétaux ou environnementaux", conseille Olivier Sère. Il ne suffit plus de dire, il faut donner des preuves. "Si l'entreprise formule une raison d'être pour cocher une case, des preuves de purpose washing seront très vite observées, car le processus de changement n'aura pas été entamé, tranche Gilles Reeb. Le cofondateur de Uzful privilégie l'approche d'un "contrat moral qui naît de la coopération des parties prenantes, communautés de clients, fournisseurs et collaborateurs. Plus nous les incluons dans le processus de détermination et de déploiement de la raison d'être, plus nous les engageons sur la durée dans les actions concrètes à mener".

Autre bonne pratique préconisée par l'agence conseil : "Faire ressortir les névroses de la marque et les placer au coeur de ses arbitrages". "Nous proposons de confronter les activités de l'entreprise qui ne semblent pas en phase avec sa raison d'être et de déterminer si ces dernières doivent être gardées, évoluer ou disparaître", dévoile Gilles Reeb, qui ajoute "qu'il n'est pas nécessaire de tout bouleverser sur une échéance courte, mais qu'il faut adopter une posture d'humilité pour expliquer, avec transparence, les choix de la marque". Nul n'aime avoir raison (d'être) tout seul.


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