2011-2012 vues par Nathalie Damery, présidente de l'ObSoCo.
2011 a consacré le partage et le slow. 2012 pourrait voir l'émergence du "consommer autrement", de l'économie servicielle et de l'empowerment des consommateurs, selon Nathalie Damery, présidente de l'ObSoCo.
Je m'abonne- Que retiendrez-vous de 2011 dans votre univers professionnel ? Faits et événements marquants ?
Tout d’abord, le choc, la densité, la vitesse de circulation des informations anxiogènes et leur contraire : la tendance en hausse, "le slow".
2011 aura été une année où chaque semaine, presque chaque jour, aura marqué les esprits : la catastrophe nucléaire de Fukushima, crise alimentaire (E.Coli), la crise de la dette… ce sentiment d’un monde qui fuit, fait d’accélérations et de dépossessions (de ses critères, de ses repères, de ses idéaux) se retrouve dans l’univers de la consommation : sur-promesse marketing, trop plein, gavage… Tout cela appelle à une posture de résistance créatrice : reconstruire quelque chose avec nos propres moyens, consommer autrement. Quelques exemples : le partage (covoiturage, matériel de bricolage ou outils de jardin, la location) à la suite de Velib’ autolib, etc., et le slow (slowtech, slowcities, slowfood, slowlife, slowtravel …).
Je retiendrai un mot, même s’il n’est pas réellement attaché à 2011, il en est l’une des composantes majeures : il s’agit du mot “malin”. Littéralement, “malin” désigne ce qui engendre le mal : méchant, malsain, diabolique, mauvais. C’est au féminin qu’il garde ses propriétés : la tumeur reste maligne. Au masculin, il acquiert une valeur emblématique : il représente le consommateur d’aujourd’hui, intelligent (smart), expert (très bien informé) et débrouillard (il sait nager et utiliser toutes les ficelles).
La combinaison de ces trois composantes est intéressante : le consommateur est vraiment roi. Par l’effet des crises, il est passé de “futé” (celui qui sait tromper “son monde”) à “malin”. Le consommateur n’avance plus masqué, mais s’énonce clairement : “je suis ce que je suis, ni irrationnel, ni versatile. Je suis au contraire très rationnel. C’est à vous, les marques de me comprendre, de venir me chercher. Vous connaissez mes besoins. Donnez-moi envie”.
Le troisième élément marquant de cette année 2011 est la défiance. Nous (Agence Kuryo-L’Obsoco) avons réalisé une étude passionnante (études intégrales consultables sur lelabodelaconfiance.com) sur la confiance des français envers les institutions, les médias, la banque, les entreprises, la grande distribution. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la défiance règne ! Avec l’agence Kuryo, nous avons analysé les trois composantes de la confiance : la compétence, l’intégrité et la bienveillance. Lorsqu’on analyse les résultats - en particulier pour cette année - en ce qui concerne la grande distribution, on se rend compte que la défiance “fond” littéralement au contact humain : la proximité, les relations avec le personnel, le conseil, l’attention sont des valeurs, positives et constructives. Ce sont des valeurs de toujours, il n’y a pas de mystère, ni de coup de génie marketing. Il y a les “vrais gens” et leurs besoins, leurs envies.
La brocante de Lille (l’échange de jouets au moment de Noël), les réseaux de ressourceries à Paris (le recyclage de meubles ou d’électroménagers, soit réparés, soit transformés en créations artistiques), l’accorderie (une banque de valeur-temps) m’ont fait l’effet de bonnes nouvelles plutôt que le signe d’une économie se paupérisant.
La déception va à l’encontre des marques qui “sur-promessent”, ou dont les messages paraissent, à l’aube de l’actualité et de la précarisation, indécents, non respectueux des réalités des consommateurs.
Mes craintes touchent à la décomposition du tissu social et à la déstructuration de la consommation (avec son risque de déconsommation), l’éclatement du pouvoir d’achat - des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres. Le nombre de personnes fouillant dans les poubelles, le sort des travailleurs pauvres, des stagiaires, des chômeurs, la marginalisation et le risque d’attirance morbide exercé par les sectes et les fondamentalismes divers sont effrayants.
L’Espoir ? Qu’il y ait un pacte de consommation sur la qualité, le prix, le service.
Je discerne trois tendances :
- L’organisation d’un “consommer autrement”, qui ne se constitue pas en économie parallèle, mais en potentiel de création de valeur.
- L’économie servicielle. Le passage de la valeur d’achat à la valeur d’usage – l’économie de la fonctionnalité.
- L’empowerment des consommateurs par leurs propres données. La gestion des données par les consommateurs eux-mêmes. Le potentiel qui peut en découler est extraordinaire : consommation collaborative, services utiles à la vie quotidienne, instauration de nouvelles relations avec les entreprises basées sur l’échange volontaire et réciproque d’informations. Ce qui permettrait d’innover plus et mieux. En termes de marketing, cela se traduit par le basculement du CRM au VRM (Vendor Relashionship Management).