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Du marketing à la direction générale : une évolution de carrière... naturelle ?

Après une expérience à la direction d'une équipe marketing, certains cadres tentent l'aventure... de diriger leur entreprise. De plus en plus de professionnels du marketing passent le cap. Comment préparer cette reconversion professionnelle ?

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Du marketing à la direction générale : une évolution de carrière... naturelle ?

L'opportunité s'est présentée à "un moment" qu'Isabelle Herman n'attendait pas forcément. Jusque-là directrice marketing de KFC France, elle admet avoir été "surprise" qu'on lui propose de... prendre les commandes de l'enseigne de restauration rapide. Mais elle n'a "pas hésité longtemps" à accepter le "challenge" en juillet 2022. Plus tard, elle estimera même qu'il s'est agi d'"une suite logique" dans sa carrière au sein du groupe. En somme, elle a estimé avoir eu les armes requises pour pouvoir enfiler le costume de DG et coordonner ainsi 350 points de vente sur le territoire (Ndlr : 363, à l'heure du bouclage) : "Diriger une structure nécessite avant tout de posséder quelques "soft skills"". Au quotidien, dit-elle, il convient de savoir "rester optimiste" et "driver un collectif avec enthousiasme", quoi qu'il arrive, en cherchant sans cesse à "avoir de l'impact sur le business". Au passage, quand elle s'y emploie, elle prend "du plaisir dans son travail"...

Marketing, un "pôle stratégique"...

Lors de son expérience précédente, à la direction marketing de KFC, elle a particulièrement aimé "impulser la trajectoire de l'enseigne tout en développant la marque". Elle dit avoir évolué dans un pôle tant "stratégique", "central" que "visible", ce qui lui a ainsi offert l'opportunité de "démontrer" qu'elle avait la capacité d'« embarquer un collectif ». Certes, ses missions de DG "dépassent ses compétences techniques en marketing", acquises au fil de sa carrière, mais Isabelle raconte s'être "bien entourée". Et, désormais, elle n'hésite pas à "écouter ses équipes" dans le but de "prendre les bonnes décisions".

S'occuper du pôle marketing d'une boîte est-il le bon tremplin pour récupérer, dans la foulée, les rênes de l'entreprise ? Dans une tribune publiée dans Marketing magazine, Christophe Marée, directeur marketing Europe de l'Ouest d'Adobe, parlait en 2021 de "superpouvoir" du marketing, afin de qualifier le métier qu'il exerce : "Les marketeurs étendent leur sphère d'influence, écrit-il. Account intelligence, développement du busi­ness, accélération de la prise de décision stratégique, développement de la fidélité client : ils couvrent l'ensem­ble de la chaîne de valeur." Ce qui leur donne une forte responsabilité, ajoute-t-il : "Dans les années à venir, ils deviendront des prétendants naturels à la direction générale : ils sont les seuls à maîtriser la vision du marché, des clients et du business."

... utile en vue d'une reconversion ?

Maya Henni, directrice du pôle conseil, projets et partenariats du cabinet Exolys, estime que de nombreux responsables marketing jouent en effet "un rôle transversal" dans leur organisation. "Beaucoup, observe-t-elle, évoluent vers des postes de chief transformation officer avant de passer éventuellement DG." Surtout ceux qui sauront s'appro­prier des "enjeux du moment", précise-t-elle. En l'occurrence, selon cette dernière, le digital et l'IA d'une part, et la RSE de l'autre. De plus en plus de structures les accompagnent dans une optique d'évangélisation bien utile, à l'instar d'Axa Climate, qui propose des formations sur les sujets liés au climat ou à la protection de la biodiversité, ou, encore, l'Adetem, le réseau des professionnels du marketing à l'origine d'une Fresque du marketing, visant à aider les acteurs à mettre en place des campagnes plus responsables.

L'envie de prendre les manettes

Marie-Laure Cassé, ex-directrice digital et marketing de Maisons du Monde et de Groupama (et auparavant directrice marketing relationnel de la Fnac), considère également qu'une expérience de responsabilité dans le marketing peut "aider" les candidats au poste de DG. "Les directeurs généraux doivent se positionner sur leur vision de l'entreprise et être très clairs sur leur proposition de valeur. Ils sont censés élaborer une stratégie basée sur la place de l'entreprise, son évolution au sein d'un marché et les attentes des clients, développe-t-elle. Or, le pool marketing alimente bien ces réflexions-là, par exemple, en allant capter des insights ou des besoins non couverts... " Pour autant, ce n'est pas suffisant, loin de là. Et les membres d'autres business unit peuvent tout autant prétendre atteindre le Graal en devenant DG eux aussi... Au final, le plus important, selon l'actuelle administratrice indépendante ­d'Auchan Retail France et de Gaya Bike, c'est l'ambition des uns et des autres. En clair, l'envie de managers de "prendre les manettes". Ce n'est pas rien, car cela nécessite d'"agir à tous les niveaux, depuis l'écriture de la stratégie de l'entreprise à sa déclinaison en plan ­d'action, puis au fait de s'entourer d'une équipe pour le mener à bien. Il faut pouvoir anticiper les besoins de l'entreprise en matière de ressources humaines", témoigne celle qui fut, en outre, DG du bijoutier L'Atelier d'Amaya.

Demander de l'aide en interne...

S'entourer des bonnes personnes est nécessaire, recommande-t-elle, pour "avancer dans le bon sens". Surtout en fonction des manques à pallier au niveau de certaines compétences techniques, puisqu'il est difficile de tout maîtriser, naturellement. Isabelle Herman, à KFC, ne dit pas autre chose. "Il est important, glisse-t-elle, de chercher de l'aide à différents niveaux." Souvent, pour s'améliorer, elle demande à ses collaborateurs ce qu'ils pensent de sa méthode pour interagir avec eux. Selon elle, la curiosité est un atout essentiel pour progresser. Tendre l'oreille, "faire confiance" aux collaborateurs ou aux parties prenantes... et puis "sortir de sa zone de confort", comme elle dit, demeurent utiles. Après son changement de poste à KFC, Isabelle Herman explique avoir en particulier pris le temps de « se confronter à la réalité du terrain de la restauration », qu'elle connaissait assez peu. "J'ai passé un mois de formation dans un établissement, j'ai occupé de nombreux postes, y compris la préparation des plats et le service afin de comprendre avec précision le mode de fonctionnement du restaurant." Isabelle a également sillonné le territoire pour rencontrer le plus de gérants possible et, quelque part, "renforcer (sa) légitimité" auprès des franchisés.

Une initiative - se former auprès des siens - qui lui a toujours semblé logique, aussi loin qu'elle s'en souvienne. Au début de sa carrière, à Procter & Gamble (multinationale détenant les marques Gillette, Pampers, Mr. Propre, Always ou encore Febreze), elle a beaucoup appris auprès de ses collègues les plus aguerris. "Dans l'entreprise, les personnes restaient dans la compagnie, évoluaient sur la base de leur leadership et de leur capacité à faire grandir les équipes. J'étais donc à bonne école."

... Comme en externe

Isabelle n'hésite pas non plus à "utiliser son réseau" pour avoir des retours d'expériences. Régulièrement en tant que directrice générale, elle "demande conseil" auprès de ses pairs lorsqu'elle ne maîtrise pas un sujet. "Par exemple, confie-t-elle, sur le sujet d'achat d'énergie, j'ai sollicité des recommandations auprès de personnes travaillant au sein de directions financières de grands groupes d'autres secteurs que le mien. C'est bénéfique, souligne-t-elle. Quand on leur demande, elles répondent volontiers, tant sur des sujets techniques que de transformation ou de stratégie", explique celle qui est également adepte de podcasts. Elle en écoute certains, tels que Pause, d'Alexandre Mars, Génération Do It Yourself, de Matthieu Stefani, ainsi qu'InPower, animé par Louise Aubery. Autant d'entretiens d'entrepreneurs, mais aussi de citoyens d'horizons différents, qui l'aident à "trouver l'inspiration" ou à "explorer des points de vue différents". Marie-Laure Cassé valide : "Discuter avec d'autres acteurs permet de s'enrichir. Faire vivre son réseau, c'est devenu indispensable pour n'importe quel collaborateur, peu importe le secteur d'activité ou la fonction, que ce soit le marketing, l'IT, la logistique ou la finance." En particulier en amont d'une évolution de carrière, quand une personne désire relever un nouveau challenge. "Je me suis toujours dit qu'il était intéressant, à ce moment-là, de dévoiler son projet auprès de ses contacts, dit-elle. Par hasard, on plante des graines afin que cela germe. Peut-être tombera-t-on sur la bonne personne capable de nous ouvrir des portes..."

L'accompagnement des coachs

À KFC, Isabelle Herman affirme être accompagnée par un coach qui l'aide sur les fameuses "soft skills" : "En tant que dirigeante, je ne peux pas partager l'ensemble de mes problématiques avec mon équipe. J'ai besoin de parler avec une personne de confiance au sujet de mes questionnements, voire de mes doutes." La directrice générale l'a expliqué, la tâche s'avère parfois ardue, et il faut pouvoir faire preuve de "résilience".

En France, des DG mais aussi certains groupes de collaborateurs décident, pour leur part, de quitter les grandes villes et de se réfugier dans un écrin de verdure, le temps d'une pause. But de l'opération : loin de leurs espaces habituels, réfléchir aux perspectives, à la stratégie, à la communication ou encore à la cohésion d'équipe. Typiquement, c'est ce que propose Florence Karras, à la tête de l'agence Canopsia, dans son domaine de Fresnoy, maison d'hôtes au coeur des Hauts-de-France. Entre autres, chief digital officer à la BNP Paribas avant sa bifurcation professionnelle, elle en est convaincue : "Se reconnecter à la nature favorise les interactions, l'inspiration et permet de trouver des solutions aux problématiques."

La to do list pour les prétendants à la DG

  1. S'inspirer en écoutant des podcasts mettant en avant
    le parcours de citoyens, d'entrepreneurs... :
    Pause d'Alexandre Mars, Génération Do It Yourself de Matthieu Stefani, InPower de Louise Aubery, Le Panier de Laurent Kretz, La Galère de Start The F Up, ou encore Dans la tête d'un(e) CEO de Yacine Sqalli.
  2. Se former sur les enjeux de transition écologique, via les séances d'Axa Climate, les ateliers de l'association 2tonnes, de la Fresque du marketing, de la RSE, ou encore de l'économie circulaire...
  3. Se faire accompagner, le temps d'une pause, en pleine nature. Florence Karras (domaine de Fresnoy) ou Christophe Léon (Le Coupet - séminaires nature, dans le Jura) proposent aux organisations des « pas de côté » tout près de la forêt pour parler stratégie, management ou transformation.


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