La grande mutation numérique
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Assisterait-on à un tournant radical sur le marché de la dotation ? A
observer les manoeuvres des grands acteurs du marché, à mesurer les
investissements consentis dans des dispositifs en ligne, à constater le
glissement général opéré vers le support carte, difficile de ne pas supposer
que le chèque-cadeau, pièce emblématique d'un secteur d'activité qui a toujours
comptabilisé son business en “volume d'émission”, pourrait bien voir son
potentat rapidement remis en cause. Né dans les années 1970, le chèque-cadeau a
vu le nombre et la nature de ses promoteurs évoluer au fil du temps : agences
spécialisées dans la stimulation des forces de vente et des réseaux, filiales
d'enseignes marchandes, sociétés auto-éditrices, émetteurs de titres
restaurants…
L'association A3C, qui regroupe d'importants acteurs du marché,
estime à plus de 50 000 le nombre de magasins acceptant les chèques-cadeaux en
France. Ce, dans tous les secteurs de distribution : hypermarchés, commerces de
proximité, magasins indépendants. Le chèquecadeau n'est pas mort, loin de là.
Mais, au prisme des avantages inhérents aux supports interactifs on line, il
peut moins facilement dissimuler ses limites : stocks, frais d'impression,
dimension définitive du titre. Et indivision de son usage. Car le chèque-cadeau
se dépense en une seule fois. D'où l'intérêt de choisir de petits montants,
afin de permettre un fractionnement des achats. Les fournisseurs proposent
d'ailleurs aujourd'hui des chéquiers regroupant des titres d'achat de valeurs
faciales différentes. Ils impriment également des chèques dont la valeur est
choisie par le client. Pour pousser plus avant la personnalisation, des
émetteurs comme Accentiv' ou 3 Suisses Entreprises ont développé le modèle de
la lettre-cadeau, mailing comportant en pied de page un chèque détachable. En
2006, Accentiv' a enregistré une croissance de 30 % sur son activité de
chèques-cadeaux. « Notre stratégie est de couvrir l'ensemble de l'offre
récompense : chèques-cadeaux, cartes-cadeaux, objets-cadeaux, voyage
d'incentive… Nous sommes par ailleurs les seuls à pouvoir nous positionner
comme un partenaire à l'international », explique Bruno Berthier, directeur
général adjoint.
La filiale du groupe Accor entend également développer son
spectre de prestations vers le B to C et les TPE. La société a ainsi ouvert,
fin 2006, son site www. jeveuxdessalariesheureux.com, une vitrine en ligne où
les entreprises jusqu'à 50 collaborateurs peuvent acheter des chèques-cadeaux
Ticket Compliments (convertibles dans 300 enseignes et 30 000 points de vente)
dans la limite de 5 000 euros par commande. Le paiement s'effectue 24h/24 par
carte bancaire et les chèques-cadeaux sont adressés par envoi sécurisé contre
signature. Mais, quel que soit le succès du chèque dans ses déclinaisons et ses
modes de diffusion, c'est aujourd'hui vers la carte que s'orientent les efforts
de développement des fournisseurs.
Sébastien Godet, directeur marketing de
Kadeos, reste prudent : « En B to C, la carte multienseigne et multicanal que
nous avons lancée en avril 2005 a déjà remplacé le chèque. Pour le B to B, nous
n'avons que trois à quatre mois de recul. » Il n'empêche. Il y a encore deux
ans, personne n'aurait parié sur la carte B to C. Et si les acteurs du marché
continuent de commercialiser une offre de chéquiers pour répondre à la demande
B to B, tous désignent d'ores et déjà la carte comme l'élément moteur de leur
activité et le ciment de leur modèle économique. Chez Tir Groupé, qui a lancé
en 2006 une carte acceptée par 150 sites marchands, on n'avance pas encore de
résultats commerciaux. « La cartecadeau sera l'une des offres-phares de l'année
2007 », soutient Charles-Xavier Desguy, directeur du développement.
Encore de belles perspectives pour le chèque
La grande
difficulté du modèle multienseigne, dont tous les acteurs s'accordent à dire
qu'il constituera la colonne vertébrale du marché dans les mois à venir, tient
à la complexité du dispositif d'acceptation requis. Convaincre les enseignes de
s'associer à une carte cobrandée n'est pas en soi difficile. Le système
présente l'avantage de la souplesse et d'une grande fiabilité en termes de
sécurisation des transactions.
En revanche, les convaincre d'investir dans les
dispositifs technologiques associés s'avère beaucoup plus délicat. « Le réseau
d'acceptation doit adosser à son interface de paiement une interface
informatique intégrant les nouveaux paramètres monétiques et d'encaissement. Ce
qui représente des investissements lourds », explique Sébastien Godet. La carte
ne représente pas encore une concurrence frontale pour le modèle chéquier. Les
développements informatiques nécessaires pour décliner la carte-cadeau à un
nombre significatif d'enseignes affiliées seraient beaucoup trop lourds. Par
ailleurs, la carte-cadeau demeure plus complexe à mettre en oeuvre dans le
cadre d'opérations de stimulation de réseaux de vente directs ou indirects.
Elle se présente surtout comme un volant supplémentaire dans la gamme des
produits déployés par des éditeurs soucieux de miser sur la valeur ajoutée de
leur offre. En l'occurrence, les technologies numériques offrent des
perspectives non négligeables à la personnalisation et à la souplesse de
gestion des modèles de dotation.
Un extranet dédié
Car
nul ne doute plus aujourd'hui que l'avenir du marché de la dotation passe par
Internet. « La grande mutation de ce secteur s'exprime essentiellement en
termes d'accès. Pour le bénéficiaire, il est aujourd'hui possible de consulter
en temps réel un compte points, un catalogue, de modifier les conditions de
participation à une opération de stimulation, de dépenser ses points. Quant à
l'entreprise, elle peut à tout moment modifier les données de l'opération ou
changer le référencement d'un catalogue », lance Olivier Denis-Massé, directeur
associé d'Euro RSCG 4D. Les acteurs du marché investissent tous massivement
dans la construction de plateformes Internet de gestion des dotations. Kadeos a
ouvert en septembre 2006 un Extranet transactionnel permettant de passer
commande de chèques et de cartes, de visualiser les étapes de la transaction,
mais aussi de recharger les cartes à distance, ce qui présente un grand confort
d'utilisation pour les bénéficiaires.
« Il s'agit d'un service totalement
gratuit pour nos clients. Nous comptons déjà plusieurs dizaines d'entreprises
utilisatrices », souligne Sébastien Godet. Autre développement en ligne, celui
mis en oeuvre chez Tir Groupé, qui a misé sur un socle accessible à l'ensemble
de ses clients. Le site www.ekdo.fr fonctionne comme un Extranet dédié :
l'entreprise abonnée dispose de sa propre adresse URL et remet à l'ensemble des
participants une carte mentionnant un code login. Une fois connecté, le
bénéficiaire peut naviguer au fil des univers de dotations qui auront été
sélectionnées par l'entreprise parmi plus de 6 400 cadeaux référençables. « Sur
le site ne figure aucune valeur faciale en euro. Nous avons opté pour un modèle
monétaire factice, personnalisable à l'image de l'entreprise. Mais le montant
réel des dotations peut atteindre 10 000 euros », détaille Catherine
Bacquerot-Fau, directeur commercial, marketing et communication.
L'entreprise
cliente peut, pour sa part, gérer sa vitrine comme elle l'entend : référencer,
déréférencer, intégrer de nouveaux paramètres d'accès et d'achat… le tout en
temps quasi réel. Cette offre est construite, elle repose sur un dispositif
d'approvisionnement et de gestion standard et, de ce fait, fonctionne en
permanence. Il ne s'agit plus d'une offre sur mesure, mais d'un schéma
industriel. Pour les entreprises abonnées, la modélisation n'implique qu'un
rapide travail de personnalisation. D'où des tarifs intéressants, largement
inférieurs à ceux d'une plateforme totalement dédiée. « En cinq mois, nous
avons déjà délivré plus de 200 adresses URL », affirme Catherine Bacquerot-Fau.
L'investissement des différents acteurs du marché dans des outils et des
plateformes commercialisables en marques blanches ne va-t-il pas étouffer la
fibre créative des concepteurs d'opérations de stimulation et des collecteurs
de dotations ? Car, in fine, l'offre en ligne proposée aux entreprises devrait
grosso modo décliner des cadres et des options passablement identiques en
termes de référencement des catalogues, de gestion des opérations et de
fonctionnalités interactives. « Il est certain qu'il y a là un risque
d'indifférenciation dans l'offre des différentes agences. A elles de trouver
des leviers d'expression de valeur ajoutée. Internet, en garantissant des modes
de gestion beaucoup plus légers que les supports off line, nous permet de
prendre beaucoup plus de temps dans la constitution des catalogues », note
Olivier Denis-Massé. De fait, les différentes agences ont déployé des efforts
notoires dans le travail de sourcing, en multipliant les fournisseurs de
dotations et en renforcant - pour les plus sérieuses d'entre elles - la
sécurisation des contrats et la gestion de stock
Kadeos mise sur la carte multienseigne
La filiale de PPR a lancé en septembre dernier sa carte-cadeau B to B, sécable, multienseigne et multicanal. Les achats peuvent se faire en boutique, au téléphone ou sur Internet. Plusieurs formules sont disponibles : “classique” (montant inscrit sur la carte), “modulable” (sans valeur faciale prédéfinie), “rechargeable”. Son montant varie entre 10 et 1 500 euros (3 000 euros pour la rechargeable). Personnalisable au nom et au logo de l'émetteur en quadrichromie, la carte est utilisable dans une douzaine d'enseignes, dont la Fnac, La Redoute, Conforama, Éveil & Jeux, Citadium, Made in Sport, Printemps, Laredoute.fr. « L'objectif pour 2007 est de faire grossir le nombre d'enseignes partenaires pour constituer un réseau privatif de partenaires solides, voire exclusifs », explique Sébastien Godet, directeur marketing
Délicard, tendance déco
Fin 2006, Accentiv' a étoffé sa gamme Délicard d'une nouvelle thématique : la décoration. La carte Délicard Déco est proposée aux sociétés et aux comités d'entreprise au prix de 50 euros. Les béné ficiaires peuvent choisir parmi six produits à la facture “design” : vase suspendu, cadres photos, sets et serviettes, boîte photo, photophore ou grand vase. Avec Délicard Déco, l'offre d'Accentiv' compte désormais six thématiques (Gourmet, Vins du Monde, pour Elle, pour Lui, pour Vous). Elle est déclinée dans six pays : France, Finlande, Suède, Afrique du Sud, Allemagne et Espagne. L'ensemble de l'offre peut être consultée sur le site internet www.delicard.fr. Les entreprises peuvent également passer commande en ligne. La livraison s'effectue en 48 heures, après réception du règlement par courrier. Créée fin 2005, la carte se voulait une alter native au chèque et au cadeau. En jouant délibérément sur un choix restreint – chaque carte donne accès à un catalogue de six produits –, Accentiv' a pour objectif de conserver à l'offre une image de prestige. En outre, ce dispositif facilite la gestion des processus d'acceptation et de conversion entre les différents partenaires. Délicard témoigne ainsi du marché porteur des offres thématiques