Marketing politique : les bonnes pratiques Big Data d'Emmanuel Macron
En 2017 et peut-être vraiment pour la première fois, les outils digitaux sont utilisés par tous les candidats à l'élection présidentielle. Après la vidéo chez Jean-Luc Mélenchon et le marketing d'influence de Marine Le Pen, place à l'utilisation des données par Emmanuel Macron.
Je m'abonneEmmanuel Macron n'a pas à rougir de sa campagne digitale: le candidat En Marche! avance petit à petit sur Twitter, où il revendique 620 000 followers et l'un des nombres de retweets les plus importants de la semaine du grand débat du 4 avril, tandis qu'il se place régulièrement dans le top 5 des candidats sur Facebook selon Make Me Stats.
Mais il est loin d'être le plus innovant. Il ne se met pas en scène comme Jean-Luc Mélenchon et n'a pas à sa disposition une communauté aussi largement engagée que Marine Le Pen. Étonnant de la part du benjamin des candidats, ancien ministre de de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique et soutenu par de nombreux startupers?
"Si Emmanuel Macron est élu, sa campagne digitale sera un cas d'école en marketing politique à l'échelle française", avance cependant Frédéric Dosquet, professeur de marketing à l'ESCPau et auteur d'ouvrages comme le récent Marketing et communication politique. La raison? Son opération La Grande Marche, qui a permis l'été dernier de récolter sur le terrain les verbatim de 100 000 conversations et 25 000 questionnaires. "Il s'inspire des pratiques en place aux États-Unis depuis Barack Obama. En matière de marketing stratégique, En Marche! a identifié des segments de population, ainsi que les préoccupations propres à chacun de ces segments. En marketing opérationnel, ils ont réalisé une prospection ciblée sur les indécis et les sympathisants potentiels, et n'ont pas perdu de temps en allant démarcher les soutiens d'autres candidats. C'est rentable et cela permet de mobiliser plus facilement ses militants et de les garder dans une dynamique positive."
Un cas d'école pour l'utilisation de la data
"Quand vous faites une campagne, vous avez peu de temps et peu de ressources, il faut être capable de mesurer l'impact des différentes actions menées. Le porte-à-porte est plus rentable que le reste selon le livre de référence du marketing politique, Get out the vote !, d'Alan Gerber et de Donald Green: vous pouvez faire changer d'avis un électeur sur 14, contre un sur 38 au téléphone et un sur 100 000 par mail! Quant aux réseaux sociaux, ils permettent le plus souvent de mobiliser son électorat plutôt que de l'étendre", explique Guillaume Liegey, co-fondateur de la start-up Liegey Muller Pons (LMP), un "fournisseur de technologies de campagne" qui a mis en place l'opération La Grande Marche.
Une approche scientifique plus que ROIste
Lancée avant même la candidature d'Emmanuel Macron, elle a mobilisé près de 6000 volontaires. De mai à juin, ces derniers ont mené un gigantesque sondage, sur le terrain, auprès de populations représentatives ciblées en fonction des indications de 50+1, le logiciel phare de LMP qui agrège les données démographiques de l'INSEE et celles issues des précédents scrutins électoraux. Un logiciel qui sera utilisé par plus de 300 candidats aux prochaines élections législatives. "Je ne dirai pas que c'est une approche ROIste mais plutôt une approche scientifique, ce qui n'était pas le cas auparavant", conclut Guillaume Liegey.
Des questions ouvertes ont apporté à Proxem, un spécialiste du Big Data et de la sémantique, un corpus d'1,5 million de mots à analyser. La Grande Marche a ainsi permis de mettre en avant les principales problématiques et d'y répondre au cas par cas, en fonction des différents profils des citoyens, maximisant les chances de toucher l'électorat. Quitte à être accusé de chercher le consensus à tout prix. "C'est une façon de maximiser la prise en compte du plus grand nombre de préoccupations partagées par les citoyens", nuance François-Régis Chaumartin, patron de Proxem, selon qui "aucune marque n'a jamais fait un sondage auprès de près de 100 000 personnes comme c'est le cas ici."
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Si les études des marques mobilisent au maximum en moyenne un millier de sondés, ces dernières pourraient à l'avenir s'inspirer de l'action d'Emmanuel Macron. En témoignent les partenariats noués avec LMP auprès d'entreprises spécialisées dans le BtoB et la construction d'infrastructures publiques. "Elles cherchent à sonder les riverains avant l'implantation d'éoliennes, d'une autoroute ou d'un aéroport... Le but est d'éviter un nouveau Notre-dame-des-Landes" explique Guillaume Liegey, qui évoque également un intérêt pour le BtoC dans le cadre de la vente en circuit court.