Éram, chaussé pour l'innovation
Une chose est sûre : Éram n'a pas les deux pieds dans le même sabot. En 90 ans, la marque n'a eu de cesse d'innover pour se réinventer. Et promet, pour 2017, un véritable "feu d'artifice".
Je m'abonneBien dans sa tête et bien dans ses baskets / escarpins / sandales / derbies... Ainsi marche Éram, 90 ans en 2017, et "toujours en mouvement", glisse Renaud Montin, directeur marketing et digital de la marque mythique* et de l'enseigne Staggy. "Car avancer, n'est-ce pas là ce que permettent les chaussures ?", poursuit-il, évitant la trop politiquement connotée expression de marque "en marche". Fière de son passé au travers duquel émergent trois générations de chausseurs, Éram n'en est donc pas moins concentrée sur l'avenir. Et saute ainsi, à pieds joints, dans l'innovation "pour se réinventer".
En 2016, la marque native de Saint-Pierre-Montlimart fait son entrée dans la cour des grands : le Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas. Du Maine-et-Loire aux États-Unis, il n'y avait donc qu'un pas... franchi avec la présentation de #Choose, la sneakers connectée, deuxième version du prototype développé par Éram avec la start-up Phocéis. Le principe : une bande, située sur la tige de la chaussure, change de couleur en quelques secondes, en fonction des envies de son porteur. "Nous nous sommes nourris d'un cas d'usage client, explique Renaud Montin. Qui, en effet, n'a jamais passé des heures à chercher la bonne couleur de chaussures à accorder à sa tenue, et ce, sans la trouver dans son placard ?" En phase de développement, le soulier nécessite de gagner encore en qualité et en durabilité, avant une possible mise en production.
De Saint-Pierre- Montlimart... à Las Vegas
Si la présence à Las Vegas d'Éram, marque familiale made in France, étonne, ce n'est que la suite logique de l'histoire, narre-t-on au sein de l'entreprise. La première traversée de l'Atlantique par la famille Biotteau date, en effet, de... 1947. À l'époque, Gérard, le fils du fondateur d'Éram, François Biotteau, a mis le cap vers les États-Unis et le Canada, afin de s'imprégner des nouvelles technologies et des méthodes de management. Déjà, l'entreprise se mobilise sur l'innovation "marketing" : premières ventes discount en 1949 puis, au début des années cinquante, rénovation des magasins et publicités autour de ces boutiques relookées. En 1954, Éram lance même le brevet "Plastifor", un procédé d'injection permettant la fabrication de semelles en plastique. La chaussure à bas prix et en grande série vient de naître... et le slogan de marque n'a jamais aussi bien collé à ses basques : "Il faudrait être fou pour dépenser plus !"
Plus d'un demi-siècle plus tard, Éram, élue en octobre 2016 pour la seconde année consécutive "meilleure chaîne de magasins dans la catégorie chaussure et maroquinerie", n'a rien perdu de son âme avant-gardiste. À l'occasion des fêtes de fin d'année, la marque présente sa dernière invention : la chaussure personnalisée en une heure dans ses magasins. "Dans l'esprit maker des fab labs, nous avons installé le concept "Atelier 27", dans deux boutiques, à Lille et à Paris, contextualise le directeur marketing et digital. Grâce à de l'impression 3D, nous avons permis aux clients d'imprimer leurs propres talons sur mesure et sous leurs yeux... et de repartir, pour 125 euros, avec leurs chaussures." Les possibilités de personnalisation sont ainsi infinies : à partir d'un modèle de base - une paire de Chelsea boots dessinée en interne et déclinée en noir, bleu et bordeaux -, la cliente choisit 3 largeurs de talons (S, M ou L), une dizaine de couleurs et une vingtaine de motifs (imprimés, symboles, initiales, etc.). En moins de 30 minutes, la coque du talon est créée, puis assemblée sur la base du talon existant grâce aux outils des chausseurs. "De l'artisanat 2.0, en somme", prône Renaud Montin, qui "cherche à inventer de nouvelles expériences en magasin". Pour réaliser ce projet, Éram s'est associé à l'agence de design industriel Uni Studio. Un nouveau test sur la personnalisation de la chaussure est prévu à Nantes, en juin prochain, avant d'envisager de généraliser le process en magasin.
90 ans, le "feu d'artifice"
La nonagénaire n'a pas dit son dernier mot. Sa promesse pour l'année 2017 ? "Un feu d'artifice", annonce le directeur marketing et digital. Premier coup, prévu pour faire du bruit : le lancement d'une nouvelle marque de souliers premium pour femmes, Noyce**, en magasin depuis le mois de mars... et qui aspire à être pérenne. "Avec Noyce, notre propre collection, nous souhaitons aller un cran plus loin dans la mode", explique Renaud Montin, satisfait du "très bon démarrage des ventes". Tous les modèles - en moyenne 30 % plus chers que les autres chaussures créées par Éram - ont été imaginés par des stylistes "maison" et fabriqués en Espagne, au Portugal et dans les ateliers de la marque, à Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire).
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Une quinzaine de références, construites autour de cinq histoires, côtoient donc les chaussures de créateurs regroupés sur le "e-lab", la nouvelle boutique en ligne haut de gamme de la marque inaugurée cette année. Objectif : détecter et valoriser de nouveaux talents, dans une logique de transmission du savoir. "Il appartient à un leader comme Éram d'aider les jeunes créateurs, car nous disposons de l'expérience et de la visibilité", relève Renaud Montin, tandis que le chausseur français se nourrit des dernières tendances. Cinq marques ont déjà rejoint le corner : Les Chausseurs (Espagne), Panafrica (France / Afrique), Maurice Manufacture (France), Apologie (France) et Les Paresseuses (Italie).
En réalité, "au coeur du dispositif d'Éram trône le magasin, fait part le directeur marketing de l'enseigne, et le digital représente la nouvelle jambe. Plus nous serons présents en ligne, meilleurs nous serons en magasin". D'où le déploiement par la marque du click and collect - une commande sur deux est livrée en boutique - et de l'e-réservation. Quant aux médias sociaux, la marque semble avoir trouvé en eux chaussure à son pied... et une bonne alternative à la publicité TV dont elle a longtemps été friande (voir encadré). Avec #MyEramTouch, Éram incite les clientes à partager leurs achats et leurs looks favoris avec la communauté. Les réseaux sociaux de la marque s'enrichissent ainsi du contenu des consommateurs... mais aussi de celui généré par les influenceurs, sur lesquels mise de plus en plus le chausseur "pour capter, encore et toujours, l'air du temps".
Éram, la culture pub collée aux basques
La première publicité d'Éram date de... 1931. Il faudra attendre les années soixante-dix pour voir à la télévision les premières campagnes cultes de la marque, conçues pour gagner en notoriété face à la concurrence. Entre 1970 et 1980, la saga publicitaire totalise plus de 60 films, réalisés par Étienne Chatiliez (La vie est un long fleuve tranquille) avec un certain "grain de folie". Certains de ces mini-films parodient les comédies musicales du moment, comme Grease ou Les Blues Brothers. Leur griffe? L'impertinence. Pêle-mêle: en 1975, Éram célèbre "la femme libérée". En 1985, la marque met en scène Marc Lavoine et la chanson "Une fille et un garçon" pour un mélange des genres. En 2004, "l'entretien d'embauche" met les pieds dans le plat de l'inégalité hommes/femmes au travail.
* Éram, marque mythique, Éditions François Bourin, 2015.
** Noyce, néologisme inspiré de noise, bruit en français.
Repères
- 270 points de vente, en France et à l'étranger
- 2009 : Ouverture du site e-commerce, refondu en septembre 2015. Croissance à deux chiffres
- 5 à 10 % du chiffre d'affaires total d'Éram correspondent au chiffre d'affaires digital (e-réservation, click and collect)
- 1,25 milliard : en euros, le chiffre d'affaires du groupe