Covid-19 : les hypermarchés en difficulté
Le confinement et les règles qui y sont associées ont bouleversé la fréquentation des magasins, et pourraient être un nouveau coup dur pour les hypermarchés, selon les données recueillies par Nielsen.
Je m'abonneLa semaine du 16 au 22 mars est à première vue une semaine positive d'un point de vue commercial pour les hypermarchés. Dans un contexte où la grande distribution a progressé de 30%, les hypermarchés ont quant à eux gagné près de 11% sur les produits de grande consommation et de frais en libre-service, grâce à un lundi historique en termes de ventes.
La performance est cependant en trompe l'oeil, puisqu'une fois passé ce lundi de "préconfinement", le constat s'avère plus inquiétant.
En se concentrant sur le début du confinement (de mardi 17 à dimanche 22 mars), le constat est sans appel pour les hypermarchés, notamment les plus grands hypermarchés (plus de 6500 m²) qui reculent de 24%.
Un manque à gagner de 100 millions d'euros
Les mesures de confinement, qui recommandent aux Français de se rendre dans le point de vente le plus proche de chez eux, vont évidemment favoriser les plus petites surfaces. Seuls 6% des français vivent à moins de 5 minutes d'un hypermarché, situés majoritairement en périphérie des villes, contre 28% pour les supermarchés et 32% pour les magasins de proximité.
A cette évidence géographique et la volonté des Français d'éviter les foules, s'ajoutent trois éléments aggravants pour les plus grands points de vente :
La fermeture des centres commerciaux frappe avant tout les hypermarchés (ils en représentent plus de 90% de la surface alimentaire) ;
La fuite des Franciliens en province : près de 80% des hypermarchés de Paris et de la petite couronne sont en recul de chiffre d'affaires sur l'alimentaire sur cette même période ;
L'étalement des courses tout au long de la semaine pénalise le samedi, jour sur lequel les plus grandes surfaces font en temps normal le quart de leur activité.
Depuis le début de l'année, les hypermarchés ont même perdu deux points de parts de marché sur les produits de grande consommation, au profit de l'ensemble des autres circuits, pour un manque à gagner de plus de 100 millions d'euros.
L'exemple italien
Depuis maintenant deux semaines, les hypermarchés italiens sont en repli, alors que les supermarchés, la proximité et le e-commerce enchaînent les records de vente. Selon Daniel Ducrocq, Directeur du Service Distribution de Nielsen, "rien ne permet de dire que le marché français suivra une trajectoire différente de celle observée en Italie, au contraire les similitudes sont frappantes. On peut s'attendre à un recul dans les chiffres du mois d'avril, d'autant que les hypermarchés entrent dans une période qui est historiquement forte pour eux".
Pâques est en effet traditionnellement un temps fort pour les hypermarchés, qui vont devoir cette année faire sans les opérations promotionnelles des années passées, avec des mises en avant nettement moins déployées en points de vente cette année. Si le confinement perdure au delà de la mi-avril, ce sont également les opérations "beauté" qui seront en péril.
Lire aussi : La Fabrique Cookies fait son entrée en DOOH
Sans même attendre ces opération "beauté", les hypermarchés sont déjà chahutés sur les ventes de produits d'entretien, de papier et d'hygiène, pourtant parmi leurs points forts structurels. Les ventes se font désormais davantage en supermarchés et en proximité, qui ont gagné respectivement 51% et 109% sur la semaine du 16 au 22 mars sur l'ensemble du rayon DPH. Selon Daniel Ducrocq, "ces deux circuits devraient également profiter de la fermeture de la plupart des marchés en plein air, et attirer dans leurs magasins les 22% de Français qui les fréquentent habituellement".
Les fruits et légumes pèsent 30% de plus dans les ventes des supermarchés que dans celles des hypermarchés.
Quant au non alimentaire, la chute des hypers est spectaculaire, avec un repli de 13% du chiffre d'affaires depuis le début de l'année, et même de 25% depuis le premier jour du confinement. Des difficultés qui font écho au boom sans précédent du e-commerce.
L'e-commerce, gagnant à long terme
La fréquentation des magasins physiques a baissé de près de 30% sur la semaine du 16 au 22 mars, effet attendu du confinement et de la distanciation sociale. Si les Français font de plus gros paniers à chaque déplacement, ils se ruent aussi sur tous les créneaux de livraison à domicile ou de drive disponibles, si bien que les ventes atteignent un niveau historique avec près de 250 millions d'euros cette semaine en e-commerce, à l'instar de ce que l'on peut observer dans les autres pays européens.
S'il est certain qu'une grande partie des consommateurs retournera dans son magasin habituel une fois la crise passée, il est probable que d'autres aient pris goût au e-commerce, en particulier à la livraison à domicile qui ne touchait alors qu'une faible part des foyers en comparaison au drive. La croissance de la livraison à domicile réalisée par les distributeurs généralistes atteint 45% sur le premier trimestre 2020, contre 24% en 2019.
"Ce boost européen du e-commerce pourrait cependant être atténué par une expérience d'achat actuellement perfectible, en particulier du fait des ruptures et de la difficulté d'obtenir un créneau de réservation, si bien que certains consommateurs pourraient ne pas vouloir retenter l'expérience, pointe Olivier Lamare, SVP Retail Europe chez Nielsen. Les acteurs ayant le mieux travaillé l'efficacité de leur modèle et la qualité de l'expérience online (avec par exemple une recherche facile des produits) seront probablement les gagnants de demain".