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AXA, Casino, Gucci ou Adidas... Que font les marques dans The Sandbox ?

Publié par Clément Fages le

Pas une semaine ne se passe sans qu'une marque n'annonce son arrivée sur The Sandbox. On vous explique la raison de cet engouement, et comment chaque secteur pourra exploiter ces nouveaux espaces virtuels.

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Pourquoi investir The Sandbox ?

The Sandbox est une plateforme de gaming dont l'univers graphique et le gameplay rappellent Minecraft par son côté "bac à sable", et dont le business model peut faire penser à Roblox : un univers dans lequel les utilisateurs peuvent à la fois jouer, mais aussi créer des jeux qu'ils proposent aux autres joueurs.

Comme sur ces plateformes, les joueurs interagissent via un avatar. Mais contrairement à elles, The Sandbox se veut une plateforme décentralisée. Les "terrains" virtuels et tous les contenus créés sont inscrits dans la blockchain sous la forme de NFTs, et peuvent donc être revendus ou exportés vers d'autres plateformes. Chaque terrain équivaut à une parcelle d'environ un hectare, ou plus exactement 96 mètres par 96 mètres, sur lequel le propriétaire est libre de construire ce qu'il souhaite.

Profitant de l'engouement pour les cryptomonnaies, les NFTs et les notions encore balbutiantes de Web3 et de metaverse, The Sandbox a vu son nombre d'inscrits, soit les utilisateurs ayant utilisé un wallet pour s'y connecter, exploser de +1000 % en 2021 à 1,6 million de wallets. De quoi attirer de nombreuses marques désireuses de surfer sur la tendance ou de prendre place sur ce nouveau territoire d'expression.

Encore en construction, le monde de The Sandbox n'est pour l'instant ouvert qu'à l'occasion d'Alpha Season, des événements au cours desquels des bêta-testeurs expérimentent les fonctionnalités développées par la plateforme et ses partenaires. Fin 2021, The Sandbox a d'ailleurs levé 93 millions de dollars pour développer son metaverse, en transférant notamment ses assets sur la blockchain Polygon, un "layer 2" d'Ethereum qui facilitera la création de NFTs en réduisant les coûts de transaction et l'impact environnemental de la plateforme.

Mais alors que beaucoup de commentateurs imaginent déjà le développement d'expériences shopping au sein des "metaverses", Sébastien Borget, co-fondateur de The Sandbox, rappelle que la plateforme est pour l'instant avant tout un environnement gaming tourné vers les expériences immersives. Les marques peuvent l'utiliser pour développer leur image et créer de la proximité avec des audiences jeunes et engagées.

Pour rentabiliser les dizaines de milliers d'euros nécessaires à l'achat de parcelles virtuelles, elles peuvent aussi imaginer un business model proche de celui du gaming, avec la vente d'objets numériques permettant de personnaliser son avatar, d'accéder à des jeux et d'améliorer ses performances au sein de ces activations. Mais en attendant que les nouveaux business model du Web3 n'émergent, attention à ne pas calquer les pratiques du monde réel dans ces environnements récents, à l'instar de ce qu'avait fait Dell dans les années 2000 sur Second Life.

D'Atari à AXA, en passant par Adidas, Warner Music, Ubisoft ou Casino, on fait le point sur les possibilités qui s'offrent aux marques ayant annoncé leur arrivée sur la plateforme.

Les banques et assurances : AXA arrive sur The Sandbox pour faire sa com corporate et du test & learn

"Nous sommes fiers d'être le premier assureur français à investir dans le métavers", explique Patrick Cohen en exclusivité au Journal du Net, à l'occasion de l'annonce de l'arrivée d'AXA France sur The Sandbox, dévoilée ce 18 février. Rappellant que "l'innovation est dans l'ADN d'AXA France", le patron illustre ainsi l'une des premières raisons qui poussent des entreprises à se lancer sur le sujet : travailler son image innovante et faire parler de soi...

L'entreprise envoie un signal fort à la communauté crypto / NFT, et veut apparaître, en étant la première de son secteur, comme d'autant plus légitime auprès des utilisateurs de The Sandbox. Il s'agit donc bien de créer du lien avec ces derniers, qui sont loin d'être habitués aux avatars en tailleur et costume cravate et n'ont encore sans doute jamais imaginé souscrire un contrat d'assurance sur la plateforme.

Dans le communiqué envoyant par l'entreprise, Patrick Cohen avoue ainsi qu'il est de la responsabilité d'AXA France de "prendre part aux grandes avancées technlogiques pour imaginer l'assurance du futur", et que l'entreprise souhaite "apprendre" et se "familiariser le plus tôt possible avec ces plateformes et communautés."

AXA indique que le "métavers", offre de nouvelles opportunités de rencontre et d'interaction pour animer "notre communauté Axa tech, digital et data de plus de 2000 personnes". Sur la parcelle acquise par l'entreprise, ces dernières seront en charge d'imaginer et de concevoir, avec l'aide de The Sandbox, Excelsior et Metaverse Studio, des espaces de partages pour les salariés et les clients de l'entreprise.

On notera néanmoins la présence sur The Sandbox d'autres acteurs ayant l'ambition de concurrencer les banques et les assureurs : parmis les 18 000 propriétaires de LAND que compte la plateforme, l'exchange Binance possède des emplacements de choix, avec notamment deux LAND de 24x24 parcelles et d'un de 12x12 parcelles.

Les agences : Havas et PwC explorent The Sandbox pour le compte de leurs clients

Au même titre qu'AXA, des entreprises comme Havas et PwC ont fait l'acquisition de parcelles afin de travailler leur notoriété et leur image, notamment en matière de marque employeur, mais aussi leur offre. Havas veut par exemple faire de The Sandbox une vitrine pour son expertise. Bon moyen de faire parler de l'organisation de son 69e Havas Village et 1er Village virtuel, son arrivée ce 16 février sur la plateforme est un prétexte pour organiser des conférences virtuelles, en attendant d'autres événements allant du concert au lancement de produits ou encore à l'organisation de sessions de recrutement.

Une initiative qui rappelle celle du cabinet d'audit et de conseil PwC Hong Kong. Fin décembre, cette filiale avait fait l'acquisition d'un LAND, une parcelle virtuelle, afin de faire à ses clients la démonstration des différentes possibilités offertes par The Sandbox en matière de création d'expériences immersives. On citera également celle du Boston Consulting Group qui, via son entité IA et Data BCG Gamma, a lancé un nouveau siège social en rachetant l'une des villas vendues par le studio Exclusible. Une île privée, qui permettra au cabinet d'organiser des conférences et de rencontrer notamment les utilisateurs et créateurs de la plateforme, qui sont autant de recrues potentielles.

Enfin dans une logique légèrement différente, on peut citer le développement du conglomérat immobilier hong-kongais New World Development. Dès novembre 2021, le groupe a réalisé de nombreux achats sur The Sandbox afin de mettre des terrains virtuels à disposition de ses filiales Prenetics, Lalamove ou Casetify et sept autres entreprises, oeuvrant dans des secteurs aussi variés que le retail ou la biotech. Cet espace sera notamment pensé comme un hub d'innovation pour mettre en avant des startups de la Greater Bay Area, soit la région Hong Kong, Macao et Guangdong.

Les enseignes de grande distribution : le groupe Casino teste la promo gamifiée

Carrefour, à l'image d'AXA, s'était contenté de dévoiler l'acquisition d'un LAND de 3x3 parcelles fin décembre pour signer son entrée dans le "métavers" et ainsi générer des retombées presse. Mais à part la mise en avant de l'avatar d'Elodie Perthuisot sur les photos de profil de ses réseaux Twitter et LinkedIn, difficile d'imaginer ce que proposera l'enseigne aux utilisateurs de la plateforme, qui doit permettre à Carrefour, au même titre que les entreprises déjà citées, de tester et d'apprendre.

"Les projets ne seront pas un copié-collé du commerce physique, mais permettront une détéction des mouvances de l'événementiel et de l'expérientiel", indiquait toutefois un porte-parole de Carrefour à Stratégies. De son côté, le groupe Casino, qui a dévoilé son arrivée sur la plateforme le 14 février, nous laisse imaginer une application concrète de The Sandbox pour les acteurs du retail.

Au travers de sa filiale Casino Immobilier et de son enseigne Leader Price, le groupe a annoncé l'arrivée prochaine d'une expérience gaming à destination des clients du Club Leader Price, un service de course en ligne sur abonnement. Certains d'entre eux recevront à la livraison de leurs courses un ticket d'or permettant de se connecter à la plateforme et de participer à des quêtes afin de gagner des bons de réduction. Ces quêtes mettront en avant les produits des marques partenaires distribuées sur la plateforme.

Expérience immersive et création de lien, distribution de générosités et mise en avant de partenaires... Le groupe Casino nous livre ainsi quelques pistes à explorer dès le mois d'avril 2022, en attendant que d'autres enseignes du groupe bénéficient à leur tour d'un espace personnalisé. Comme Carrefour, le groupe a fait l'acquisition d'un carré de 3x3 parcelles dans cette optique.

"C'est la première brique concrète de la stratégie que nous construisons en matière de Web3 et de Metaverse. Nous travaillons sur le sujet depuis plusieurs mois, avec l'achat de parcelles dans plusieurs univers immersifs décentralisés. The Sandbox, avec qui nous avons signé un accord de partenariat initié mi-décembre, nous a semblé un terrain idéal pour offrir cette première expérience gaming aux clients du Club Leader Price, un service de courses en ligne sur abonnement", nous explique Nicolas Joly, directeur général de Casino Immobilier.

Les marques du luxe : Gucci veut décliner son e-shop Vault sur The Sandbox

S'il est assez novateur pour des enseignes de la grande distribution de vouloir proposer des expériences, quoi de plus naturel pour les grandes Maisons du luxe ? Gucci, la pépite du groupe Kering, a ainsi annoncé le 10 février l'acquisition d'un terrain de 6x6 parcelles sur The Sandbox, cela afin de proposer aux utilisateurs de la plateforme des expériences inspirées de Gucci Vault, son e-shop conceptuel. Quelques jours auparavant, la marque avait déjà fait un sold-out sur sa première collection NFT "Supergucci", réalisée en collaboration avec l'entreprise Superplastic, spécialisée dans l'art toy.


Au-delà de reproduire des défilés et autres exhibitions ou encore un showroom dans un espace virtuel, les mécènes que sont les marques du luxe peuvent aussi imaginer des expositions d'oeuvres numériques, ou encore le développement de nouvelles offres de produits via des NFT "wearables", qui habilleront les avatars des utilisateurs de The Sandbox ou d'autres mondes virtuels. Après avoir mis un temps certain à s'emparer du digital pour communiquer et vendre, les marques du luxe sont désormais à la pointe de ces nouvelles formes d'interactions avec les jeunes générations. En témoignent les nombreuses collaborations avec des jeux comme Animal Crossing ou Roblox, quand ces dernières ne lancent pas leur propre expérience, à l'instar d'Afterworld : The Age of Tomorrow chez Balenciaga ou de Louis : The Game chez LVMH l'an passé.

Les acteurs du gaming : Ubisoft veut envahir The Sandbox avec Les Lapins Crétins

En matière de création d'expériences immersives, les meilleurs semblent être les éditeurs de jeux vidéo. C'est d'ailleurs, faut-il le rappeler, le secteur dans lequel évolue Animoca Brands, qui édite le jeu vidéo... The Sandbox ! Dès lors, quel est l'intérêt d'ouvrir sa plateforme de gaming à la concurrence ? Rendre l'expérience encore plus riche, et profiter des nouveaux business model que permet la blockchain.

C'est dans cette optique qu'Ubisoft a annoncé le 9 février le lancement de sa franchise Les Lapins Crétins sur The Sandbox. La licence avait également été sélectionnée pour donner naissance au premier projet NFT d'Ubisoft, qui a depuis lancé sa plateforme Quartz, une marketplace dédiée aux NFT utilisables dans les jeux vidéo. Les utilisateurs de The Sandbox pourront donc se rendre sur une parcelle de l'énorme LAND d'Ubisoft (24x24 parcelles) pour vivre des expériences interactives, mais aussi pour remporter ou acheter des avatars et objets issus de l'univers des Lapins Crétins ou d'autres franchises de l'éditeur.

Ces avatars et objets pourraient à terme s'intégrer dans d'autres expériences gaming développées sur la plateforme, puisqu'ils seront accessibles aux créateurs de jeux via les outils VoxEdit et Game Maker, et ainsi être échangés par les joueurs et générer des royalties. C'est cette logique qui pousse un autre éditeur comme Atari, ou des licences comme The Walking Dead ou même Les Schtroumpfs à acquérir des terrains, en plus de la simple volonté de faire du branding.

Les artistes, producteurs et maisons de disques : Warner Music veut organiser des concerts sur The Sandbox

En 2020, l'organisation du concert Astronomical par Travis Scott sur le jeu vidéo Fortnite a marqué de nombreux professionnels de la musique, du jeu et du marketing. Tandis que Fortnite développe de nouvelles fonctionnalités pour accueillir également des avants premières de film, quoi de plus normal que de voir un acteur comme Warner Music vouloir développer des concerts virtuels sur The Sandbox, et ainsi reproduire ce qu'en son temps U2 avait réalisé sur Second Life.

Warner Music veut développer un véritable parc d'attraction autour du thème de la musique, et mettre en avant à l'occasion ses artistes, d'Ed Sheeran à Coldplay en passant par Madonna. La concurrence sera rude : des artistes comme Deadmau5, Steve Aoki ou Snoop Dogg ont déjà fait l'acquisition de terrains sur la plateforme, ces deux derniers s'emparant respectivement de LAND de 6x6 et de 12x12 parcelles.

L'occasion pour The Sandbox d'organiser la vente aux enchères des terrains adjacents, ventes qui se révèlent très lucratives : en 2021, un utilisateur a déboursé l'équivalent de 450 000 dollars pour s'offrir les parcelles jouxtant la villa de Snoop Dogg.

Les marques crypto-enthousiastes : Adidas arrive sur The Sandbox en pionnier des NFTs

Proposer une expérience immersive autour du sport et de ses égéries, ouvrir un nouveau canal de vente événementiel pour ses produits physiques ou même équiper des avatars avec des produits virtuels... Toutes ces possibilités s'offrent à une marque comme Adidas, qui, sans être la première à s'être lancée sur The Sandbox ou les NFTs, est l'une des marques qui semble avoir la stratégie la plus affirmée en la matière. Entre l'achat de NFTs issus des collections les plus connues du secteur, comme par exemple Bored Ape Yacht Club, et le lancement de sa propre collection "Into The Metaverse", qui a généré des dizaines de millions de dollars de chiffre d'affaires, l'équipementier sportif a annoncé début décembre l'acquisition d'un LAND de 12x12 parcelles, pour 400 ETH, soit l'équivalent d'1,7 million de dollars en cryptomonnaies à l'époque... et d'un peu plus d'1 million de dollars mi-février.

De quoi aborder la question des risques liés à ces investissements réalisés sur la base d'actifs très volatils. Accepter les paiements en cryptomonnaies est de ce point de vue également problématique pour de nombreuses marques. Adidas, en nouant un partenariat avec l'exchange Coinbase, semble l'envisager. Il est en effet tentant de proposer aux possesseurs de cryptomonnaies ces fonctionnalités, tant il est difficile de revendre ses actifs numériques contre des monnaies fiduciaires sans être lourdement taxé. Par ailleurs, de nombreux possesseurs de cryptomonnaies, entrés sur le marché avant 2021, ont vu la valeur de leur portefeuille considérablement augmenter.

Heureusement, il n'est pas nécessaire de proposer ces fonctionnalités de paiement pour toucher cette cible jeune et très engagée, qui peut se contenter de la création d'expériences immersives sur The Sandbox.


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