[TRIBUNE] Ciblage publicitaire : l'IA, buzzword ou levier pertinent ?
La publicité digitale fait actuellement face à deux grandes mutations : la disparition des cookies tiers et la confidentialité des données.
Je m'abonneA ces enjeux de taille, un lot d'interrogations et de défis en matière de ciblage publicitaire. Comment maintenir des niveaux de performances élevés sans donnée utilisateur ? Quel ciblage opérer tout en respectant la vie privée ? Quelle stratégie implémenter à long terme ? Afin d'accompagner ces transformations, des solutions rendues possibles grâce aux avancées de l'intelligence artificielle ont fait leur apparition. Parmi elles, le ciblage sémantique. Par Julie Walther, cofondatrice de Qwarry.
Du ciblage utilisateur à l'hyper-contextualisation
Le monde de la publicité digitale qui dispose et exploite une quantité XXL de données, tant contextuelles que personnelles, a naturellement bénéficié des avancées de l'IA au cours des dernières années. Les améliorations des capacités de calcul, survenues il y'a une quinzaine d'années avec l'apparition des GPU (Graphics Processing Unit), ont transformé de gigantesques volumes de données en insights et d'en faire un véritable atout. Le Deep Learning avec l'utilisation des GPU a contribué à l'analyse de contenus éditoriaux et de la brand suitability de chacune de ces pages web. Ces données analysées, dites sémantiques, sont ensuite utilisées pour opérer un ciblage publicitaire dans un contexte de diffusion maîtrisé. Des millions de pages web sont ainsi analysées afin de définir une classification précise des contenus. Le multi-scoring qui en découle permet d'identifier l'interconnexion de sujets variés au sein d'un même contenu éditorial. Cette hyper-contextualisation est rendue possible par l'utilisation d'algorithmes de NLU (Natural Language Understanding) qui rendent possible la compréhension du sens exact d'une page web apportant ainsi une vision plus claire et granulaire des contextes de diffusion.
Cela permet non seulement de s'affranchir de l'utilisation de toutes données personnelles mais d'offrir également une meilleure mémorisation du message publicitaire poussé dans un contexte de diffusion affinitaire. Appliquée à la sémantique, l'IA est alors capable de cibler l'attention de l'utilisateur, à la différence des ciblages basés sur les données utilisateurs qui se focalisent sur l'intention.
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Peut-on repousser les limites de l'IA ?
Mais pour que cette intelligence artificielle se développe et s'optimise, un volume important de données est nécessaire. Dans un monde cookieless et consentless où la donnée utilisateur disponible est décroissante, la donnée sémantique, qui reflète les centres d'intérêts des internautes, vaudra de l'or pour qui sait l'exploiter.
L'ultra-personnalisation est un des nouveaux enjeux de l'IA. Plus le volume de données analysées est important, plus nous seront capables de comprendre les comportements des utilisateurs et de personnaliser le contenu d'un message publicitaire. Une question éthique se pose : toutes les données disponibles doivent-elles être utilisées ? L'évolution du cadre légal, en réduisant la quantité de données utilisateurs disponibles, donne un début de réponse à cette question. C'est pourquoi L'IA appliquée aux contextes de diffusion permet de créer de nouvelles stratégies publicitaires ultra-personnalisées ne dépendant pas de ces données en voie de disparition. Fini le contextuel comme nous l'avons connu aux prémices de la publicité digitale. Grande prêtresse de notre temps, l'intelligence artificielle offre désormais une compréhension plus précise des sujets complexes grâce à une analyse fine, faisant de la sémantique une stratégie fiable de ciblage publicitaire.
La publicité digitale se trouve aujourd'hui confrontée à des défis de grande ampleur mais le ciblage publicitaire n'en est pas pour autant menacé. Les progrès de l'intelligence artificielle vont de plus en plus nous conduire à privilégier le ciblage sémantique au ciblage comportemental.
Les acteurs de l'industrie publicitaire doivent tenir compte des opportunités offertes par les technologies et être prêts à adopter une philosophie plus éthique pour réinventer le ciblage.
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Julie Walther a démarré sa carrière en agence de publicité digitale avant de se tourner vers l'univers des régies publicitaires chez Yahoo puis Ebay. C'est suite à l'introduction en France du RGPD au printemps 2018, que l'idée de remettre le respect de la vie privée des utilisateurs au centre des stratégies médias émerge. Convaincue que l'industrie publicitaire va devoir s'adapter aux nouveaux enjeux liés à la disparition des cookies tiers, elle crée Qwarry en 2019 avec Geoffrey Berthon.