CAC40, e-commerce, licornes : quel est le niveau d'écoconception des sites Web en France ?
Pour la deuxième année consécutive, Razorfish France (Publicis Groupe) et le collectif Green IT dévoilent les résultats de leur Baromètre de l'écoconception digitale, qui évalue les impacts environnementaux de 108 sites web les plus représentatifs de l'économie et de la consommation en France (ceux du CAC40, du e-commerce et des licornes). Bilan : une timide amélioration entre 2022 et 2023.
Je m'abonneAlors que le poids d'une page Web a été multiplié par 155 depuis 25 ans (entre 1995 et 2021), Razorfish France (Publicis Groupe) et l'association Green IT ont décidé de faire le point, pour la deuxième année consécutive sur l'adoption d'une démarche d'écoconception - l'amélioration de l'expérience digitale tout en diminuant les ressources (taille des images, chargement, etc.) - par les entreprises de leurs sites Web. En 2022, Razorfish France et Green IT avaient étudié 90 sites Web les plus représentatifs du Web Français, à savoir les 40 sites des entreprises du CAC40 et les 50 sites les plus visités par les Français - des sites d'information, d'e-commerce et administratifs.
En 2023, le Baromètre de l'écoconception digitale va un cran plus loin en scrutant, en plus des 40 sites corporates du CAC 40 et des 40 sites d'e-commerce les plus visités (vingt sites e-commerce de plus analysés), les sites Web de 28 licornes (vitrines, services ou e-commerce). Soit 108 sites Web. EcoIndex, l'algorithme de référence de la mesure la performance environnementale des sites web (conçu par Green IT et Nxtweb), a scoré les 10 pages les plus visités de ces 108 sites : soit 1 080 pages analysées et 2,9 milliards de pages Web vues.
En pratique, l'EcoIndex mesure et pondère trois paramètres. Le premier : le nombre d'éléments composants la page d'un site (pondéré par trois), qui témoigne de la puissance nécessaire de l'appareil pour afficher la page du site et de l'impact sur sa durée de vie. La limite recommandée par Green IT est de 600 éléments. Le deuxième : le nombre de requêtes HTTP, soit le nombre d'appels au serveur pour afficher les éléments de la page (pondération x 2). La limite recommandée est de 30 requêtes. Le troisième paramètre : le poids total des éléments composant la page (x 1). La limite recommandée est de 1 000 Ko.
Si les résultats de 2022 étaient mauvais pour les sites français, recueillant une note de 29 sur 100 en matière d'écoconception, les marques se sont-elles, durant l'année écoulée, saisies du sujet de l'impact environnemental de leur site Web ?
32/100 : une moyenne générale inférieure à la moyenne
Au total, l'ensemble de ces sites recueillent une meilleure note qu'en 2022 : 32 sur 100, soit 3 points de plus. Mais cette note, bien inférieure à la moyenne, est encore largement insuffisante pour compenser l'empreinte exponentielle du digital sur la planète et le climat, rappelle l'étude.
En ce qui concerne les sites corporates du CAC 40, ces derniers obtiennent la note de D (sur une échelle allant de A à G), avec un score de 40 sur 100. Ces derniers restent donc, dans l'ensemble, en dessous de la moyenne, mais progressent de 6 points par rapport à 2022. 75 % des sites corporates du CAC 40 ont amélioré leur note, avec pour certains acteurs des progressions de plus de 20 points. Sur la première marche du podium, Unibail-Rodamco-Westfield obtient la note de 65 / 100 (C), en progression. Le spécialiste de l'immobilier commercial est suivi par ArcelorMittal (60 / 100, note C) et Engie (60 / 100, note C).
Une prise de conscience de leur responsabilité digitale ? Du côté d'Orange, c'est le cas. Classée au 8e rang, avec un score de 53 sur 100, l'entreprise a progressé de 9 place (17e rang en 2002). "L'écoconception ne doit plus être un facteur différenciant mais la norme, témoigne Anne Imbert, VP Brand, Contenus & Media du groupe Orange, à l'occasion de la présentation de ce baromètre le 28 septembre. Nous avons engagé cette démarche de réduction d'impact en 2020, en tâtonnant au début. Le groupe Orange prend des engagements forts, comme le fait d'être net zéro à horizon 2040 et de réduire de 45 % son impact environnemental sur les scopes 1, 2 et 3. L'impact d'Orange.com est tout petit par rapport au groupe, mais nous devons, en tant que direction de la marque et de la communication, agir collectivement et apporter notre pierre à l'édifice de la réduction de l'impact environnemental."
Pour parvenir à cette 9e place, la marque a ainsi réduit par 8 le nombre de requêtes sur sa page d'accueil, mais a aussi nettoyé un certain nombre de pages non consultées pour enlever les modules inutiles. "L'enjeu est de réduire les contenus mis à disposition sans impacter l'image de la marque, précise Anne Imbert. Il y a eu également énormément de débats en interne sur l'intérêt de mettre des images sur certaines pages". Une démarche salvatrice pour l'environnement, mais, aussi, pour le portefeuille : "L'écoconception nous a permis de faire des économies", confie la VP Brand, Contenus & Media du groupe Orange.
23 / 100 : l'e-commerce à la traîne
Alors que l'e-commerce a explosé de + 20 % en un an (selon les chiffres de la Fevad), les sites e-commerce préférés des Français n'ont pas encore pris la mesure de leur impact environnemental. La note moyenne de l'ensemble des 40 sites d'e-commerce les plus visités par les Français est de F, avec un score de 23/100. Même si la progression est de 5 points (de 18 à 23 sur 100), il faut noter qu'à périmètre ISO (le baromètre analysait 20 sites en 2022 vs 40 sites en 2023), le score reste le même.
Ce score est issu de l'analyse de 400 pages web (les 10 pages les plus vues de chacun des 40 sites e-commerce les plus consultés par les Français), ce qui correspond à 2,7 milliards de pages vues par an, soit à 1,3 % du total des pages e-commerce vues par an en France [1]. Cet échantillon représente déjà à lui seul la somme colossale de 7 millions de kilos équivalent CO2. En 2023, 35 sites e-commerce ont une note E, F ou G. Parmi les acteurs de l'e-commerce, les secteurs les moins mauvais en termes d'écoconception digitale sont ceux du voyage / transport (36/100) et de la distribution alimentaire (31/100).
Le podium est le suivant : Trainline (54 / 100, note D) ; Leclerc Drive (47 / 100, note D) et Uber Eats et eBay (42 / 100, note D). À noter que les entreprises les plus performantes en matière d'écoconception digitale parviennent à diviser par 2, voire par 5, leurs impacts environnementaux par rapport à des acteurs comparables au sein d'un même secteur d'activité
36 / 100 : les Licornes, pas si engagées pour l'environnement ?
Analysées pour la première fois dans ce Baromètre de l'écoconception, les licornes déçoivent. Les 28 licornes scrutées atteignent un score moyen d'écoconception de 36/100, soit une note de E. Nées avec le digital et la prise de conscience des enjeux environnementaux, les licornes ne semblent pourtant pas tirer bénéfice de leur jeunesse et ne font pas mieux que leurs aînés, note le baromètre qui perçoit également une corrélation entre leur note et leur valorisation financière : plus la valorisation d'une licorne augmente et plus le niveau d'écoconception baisse (de D vers F).
En tête du classement, NW Groupe avec la note de 65 / 100, suivi de Meero (61 / 100, C) et Deezer (59 sur 100, D).
Rendez-vous en 2024, avec le calcul d'impact de l'intégration des intelligences artificielles génératives aux sites Web français ?
[1] Selon les estimations de 201 milliards de pages vues en un an sur les sites e-commerce en France, estimations basées sur le nombre de pages vues des sessions acheteuses - 22 en moyenne selon Content Square - croisé au nombre de transactions en 2022 en France - 2.3 milliards selon Francenum.gouv.fr, auxquelles sont ajoutées les estimations des pages vues des sessions non-acheteuses déduites du taux de conversion moyen de 2,96 % selon Content Square et d'une hypothèse arbitraire de 2 pages vue en moyenne par session non-acheteuse.