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[Tribune] Comment faire des NFTs un outil de fidélisation clients ?

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[Tribune] Comment faire des NFTs un outil de fidélisation clients ?

Monoprix, Décathlon, Carrefour, Asics... Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à proposer à leurs clients des NFTs à collectionner pour les fidéliser. Cette démarche assurerait à ces derniers une expérience authentique, créative et innovante.

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Si votre frigo couvert de magnets offerts par la marque Savane témoigne de votre goût pour la collection, il vous suffirait de 1200 euros pour vous procurer une carte de jeu collector Pokémon Pikachu Munch (la bestiole jaune y reproduit l'expression du cri de Munch). Et il vous aurait fallu 24 millions chez Sotheby's l'an dernier pour remporter une série de 101 illustrations certifiées uniques et authentiques de la collection Bored Ape Yacht Club. Dans le premier cas, vous pourriez faire le malin avec la carte Pokémon dans le monde réel, l'accrocher au mur ou la laisser au fond d'un tiroir. Dans le second, vous disposez d'images représentant des têtes de singes à l'air blasé, nouvel avatar et signe extérieur de richesse. Toujours dans le coup, des célébrités comme Madonna ou Serena Williams ont vite spéculé et utilisé les illustrations simiesques comme avatar Twitter. Elles les ont pourtant faites discrètement disparaitre de leurs réseaux sociaux quelques mois plus tard, tentant d'éviter de passer pour des « has been » : le cours de leurs NFTs s'étant effondré de 60% en mai dernier, sonnant déjà la fin d'un buzz !


Que l'on fasse ou pas une bonne affaire, collectionner un NFT sur une des blockchains, c'est devenir propriétaire d'un « jeton non fongible », certificat attestant que l'on détient la seule version authentique d'une image que l'on peut ensuite arborer fièrement sur ses réseaux sociaux, dans un métavers voire bientôt en passant en caisse dans un magasin pour en tirer de nouveaux bénéfices. En effet, si les objets numériques uniques et infalsifiables ouvrent un nouveau marché de la collection, ils fédèrent des communautés que les marques auront à coeur de fidéliser. Avant d'y venir, intéressons-nous aux origines et aux ressorts des collections d'images.

Des cartes de jeux aux collections de NFTs.

Le phénomène actuel s'inscrit dans la continuité de l'engouement pour les jeux de cartes dans les années 90. À l'époque, les cartes Pokémon ont suscité convoitise et spéculation jusqu'à valoriser les plus rares en milliers de dollars. La popularité des cartes à collectionner physiques et l'essor de la technologie blockchain nous amène aujourd'hui à collectionner des objets dans le domaine virtuel, les NFTs, qui correspondent à des certificats de propriété numérique dont l'authenticité est vérifiée par la technologie blockchain. Comme pour leur version physique, les cartes ou objets virtuels à collectionner sont valorisés en fonction de leur rareté, de leur utilité et de leur certification. La création de valeur a d'abord trouvé sa légitimité par des collaborations artistiques. L'artiste permet d'anoblir le NFT et de lui attribuer un statut d'objet de collection.

Signe que ces expressions artistiques rentrent progressivement dans nos usages, Facebook teste actuellement l'intégration de NFTs générés par des artistes accrédités sur sa plateforme. Un nouvel onglet nommé « Digital collectibles » devrait voir le jour sur le profil utilisateur et servir de répertoire des créations collectionnées par l'utilisateur. Si un épiphénomène concerne les « afficionados de la collection », un phénomène de masse visant le grand public se prépare, et dans ce domaine, les marques créent l'envie et le besoin ! Mais avant d'évoquer de nouveaux cas d'usages, pourquoi diable collectionne-t-on ? Pourquoi ressent-on le désir de posséder un objet rien qu'à soi ?

En 1951, le pédiatre et psychanalyste Donald Winnicott a défini le concept d'« objet transitionnel ». Le nourrisson ne fait pas la distinction entre lui et sa mère. Lorsqu'il réalise qu'elle peut se détacher de lui et s'absenter, il est pris d'angoisse et saisit un objet pour calmer sa peur. Véritable prolongement de soi, cet objet « doudou » est la première possession du bébé et revêt l'incroyable pouvoir de soulager sa peur de solitude. Bien plus tard, entre 7 et 12 ans, les premiers désirs de collection apparaissent. Devenu adulte, le collectionneur retrouverait ainsi dans chaque objet collectionné, le pouvoir originel de l'objet transitionnel : celui de se sentir « entier » quand on est seul. Quoi qu'il en soit, collectionner, c'est toujours l'expression d'une préférence pour des objets que l'on chérit, et la préférence liée à des objets, c'est au coeur des stratégies marketing de toutes les marques.


La syllogomanie, écueil à éviter pour les marques.

La syllogomanie ou accumulation compulsive est le fait d'accumuler de manière excessive des objets sans les utiliser tout en ressentant le besoin de les conserver. C'est à ce moment que l'agence conseil entre en scène pour accompagner les marques séduites par l'effet de nouveauté : il s'agît d'identifier des opportunités répondant à des enjeux d'image et de marketing tout en évitant de créer des objets virtuels que l'on accumulerait sans rien en faire.

Pour exemple, l'opération du groupe Carrefour « NFBEE Supermarket » a mis aux enchères 15 « NFBEES » afin de collecter des fonds reversés à la Fondation de France. Les NFTs en forme d'abeilles servent ici d'alibi pour sensibiliser à la protection des insectes sans que l'on sache trop quoi faire de ses objets virtuels une fois l'enchère remportée.

De son côté, Monoprix a lancé cet été une collection de NFTs « Rude Kidz » : 7 777 jpeg d'ados rebelles disponibles sur la blockchain Ethereum, qui ne sont pas sans rappeler les « Bored Apes ». L'opération digitale se double d'une activation en point de vente avec des distributeurs physiques de NFTs dans trois magasins Monoprix. Pour rendre plus tangible la valeur des 550 oeuvres virtuelles commercialisés à 249 € l'unité en magasin, les clients obtiennent une version imprimée de leur avatar NFT unique, un T-shirt, un sac en toile à l'effigie de la collection et un bon d'achat de 20 €. Monoprix innove prudemment avec un kit « phygital » et motive ainsi ceux qui ne sauront pas trop quoi faire des versions NFTs.

NFT, des pouvoirs à inventer

Bien évidemment, les marques doivent toucher au-delà d'une audience de passionnés ou de spéculateurs et c'est par l'ajout de services que les NFTs trouveront leur raison d'être dans nos usages. En s'associant avec l'application StepN, la marque Asics récompense l'activité physique en faisant gagner de la cryptomonnaie à des utilisateurs lorsqu'ils marchent ou courent après avoir acheté des baskets virtuelles sous forme de NFTs. Le service GPS de l'application mesure et valorise les déplacements réels des consommateurs chaussés virtuellement d'un des 1000 « baskets NFT ». Certaines chaussures virtuelles, devenues collector et objet statutaire, dépassent la somme de 3 800 $. Pour aller plus loin, la marque prévoit des offres spécifiques pour sa communauté lorsqu'elle passera en caisse de ses magasins propriétaires.

Dans la même logique, Decathlon s'est associée au champion du monde de football freestyle Séan Garnier pour créer des sneakers disponibles en 2008 exemplaires (année de son titre mondial) doublées de leurs versions NFTs à récupérer sur la blockchain Tezos. Chaque certificat numérique équivaut à un « golden ticket » donnant accès à des expériences personnalisées et exclusives avec l'ambassadeur sportif. En outre, la stratégie de la marque vise à créer puis fidéliser des communautés autour de produits phares.

Le secteur du luxe qui fut pionnier dans l'exploration des opportunités liées à la blockchain y trouve également des leviers de fidélisation et de gestion de sa data-first party. En effet, comme 30 % des montres de luxe sont offertes immédiatement et généralement revendues au bout de 3 ans, ce qui empêche les marques de rester en contact avec le véritable détenteur de leur produit, leur base de données devenant rapidement obsolète. En associant au NFT la garantie de propriété et d'authenticité, des marques telles que Breitling et Vacheron Constantin s'assurent d'identifier et d'adresser efficacement celles et ceux qui possèdent réellement leur produit, d'enrichir leur communauté en assainissant leur data-first party.

De plus en plus ancrés dans des logiques de fidélisation de communautés, les NFTs nous promettent de nous aider à nous sentir moins seuls et à bénéficier d'expérience toujours plus personnalisées. Extension de nous-même comme de la marque, chaque NFT porte en lui les pouvoirs qu'ils nous restent à inventer et à rendre tangibles pour les consommateurs. De quoi occuper les agences créatives les plus innovantes dans les prochains mois !

BIOGRAPHIE SÉBASTIEN BROCANDEL

L'auteur : Sébastien Brocandel est Directeur Associé en charge de la création de l'agence DÉKUPLE, membre de l'AACC, au sein du groupe DÉKUPLE, un des leaders français du data marketing.

Formé en orthophonie et en neuropsychologie cognitive, il s'intéresse au langage et au développement de la pensée avant de s'orienter vers l'innovation technologique. En 2010, il intègre l'agence Pschhh pour concevoir les premières applications iPad du groupe Carrefour, adidas France, Nikon Instruments, EDF Collectivités. Directeur Général en charge de la création à partir de 2016, il accompagne Ben&Jerry's, Yop, Veuve Clicquot, Chandon, Allianz... et développe des programmes de brand content tels que Parcours de Pro d'Engie, Talents Nomades de Fujifilm, le Trophée Perle de Lait.

En 2020, l'agence indépendante intègre le groupe Dékuple pour hybrider sa vision créative aux expertises data.

 
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